« C'était à Marrakech, entre le mois de mai 1944, date de ma naissance, et le début du mois de juillet 1956, une enfance simple et heureuse qui ne se savait pas le témoin d'un univers sur le point de disparaître. » Après-midi d'été dans les rues animées et brûlantes de la Médina, souvenirs d'enfance, d'odeurs, d'épices et de saveurs, cet ouvrage nous offre une promenade dans les dédales du quartier judéo-arabe de Marrakech des années quarante et cinquante - qui sonnaient la fin de l'insouciance et la disparition d'un monde pour les Juifs du Maroc contraints de partir en 1956. Ce tableau ne serait pas complet sans cet ingrédient essentiel d'une mémoire vivante qu'est la nourriture : on y trouve ainsi des recettes de cuisine, celles qui appartenaient à la vie de tous les jours et celles des fêtes juives qui ponctuaient le temps. Un repas de noces conçu pour cent personnes clôture les recettes. L'ouvrage mêle ainsi intimement à des souvenirs autobiographiques une cuisine ancestrale transmise de génération en génération jusqu'à nos jours.
Marrakech la Rouge : les Juifs de la Médina, est une délicieux petit livre écrit par Hélène Perez Gans. Ici, l’adjectif délicieux est bien adapté car l’autrice a inclus beaucoup de recettes toutes plus appétissantes les unes que les autres, dans son récit. Ces recettes ont marqué son enfance dans la Médina de Marrakech où elle a grandi.
La nourriture, véritable lien social, est très importante, surtout lors des nombreuses fêtes qui jalonnent l’année dans la communauté juive qui vivait en harmonie avec la majorité arabe.
Elle ne les a pas oubliées car, en France, à Paris, où sa famille est venue s’installer alors qu’elle avait 12 ans, les bonnes habitudes culinaires ont été conservées, atteignant leur apogée avec le menu du mariage de son fils et des recettes fournies pour… cent personnes !
Ainsi, au cœur de Marrakech, dans ce Maroc sous protectorat français, de 1912 à 1956, Hélène Perez Gans me fait vivre d’intenses moments de vie familiale sans négliger ce qui se passe à l’extérieur où la situation semble prendre une tournure inquiétante. Elle note au passage les interventions des sionistes qui tentent de pousser les Juifs à aller vivre en Israël, sans succès en ce qui concerne la famille de la narratrice.
Celle-ci détaille bien la vie dans la rue de la Médina. C’est bien décrit et vivant. Elle me fait découvrir le Mellah, cette ville dans la ville qui n’est pas assez grande pour abriter tous les Juifs de Marrakech. C’est pourquoi les plus européanisés, rassurés par la présence française, se sont installés dans la Médina, le Touareg et le Guéliz, autres quartiers de Marrakech.
Tous ces instantanés sont contés très simplement et cela me permet d’en apprendre un peu plus sur les traditions en vigueur dans les communautés juives. Le texte est émaillé de réflexions émouvantes mettant en relief le danger qui monte alors que ces Juifs de la Médina parlent arabe comme les révoltés. D’ailleurs, l’attentat à la bombe visant le Café de France est un terrible exemple de cette mort qui peut frapper aveuglément la jeune Hélène qui vient de poster une lettre pour son père. Ce dernier est à Paris pour une deuxième opération du cœur de son jeune frère, Celou.
Tout au long de ma lecture, j’ai ressenti une profonde nostalgie. J’ai apprécié cette vie qui ressurgit dans cet ouvrage écrit avec tellement d’amour et de délicatesse.
Marrakech la Rouge : les Juifs de la Médina, avait déjà été édité en 1996 et les éditions Métropolis ont eu la bonne idée de rééditer l’ouvrage cet été dans la collection Métro poche, ouvrage découvert grâce à Babelio et aux éditions Métropolis que je remercie.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/07/helene-perez-gans-marrakech-la-rouge-les-juifs-de-la-medina.html
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