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Comme son père, comme son grand-père, comme tous ses ancêtres depuis Gaston Phébus, Étienne Lamazou a exercé le métier de berger transhumant de 1913 à 1969. Cinquante-six hivers dans les plaines de la Gironde, autant d'étés dans la haute montagne, en compagnie de ses brebis. Mais ne serait-il pas plutôt né au Moyen Âge, lui qui a labouré ses champs à l'araire, parcouru des milliers de kilomètres avec son troupeau, fabriqué ses fromages entièrement à la main, comme son pain ? Si les temps modernes ont fini par le rattraper, ce ne fut que pour remplacer des moules à fromage en bois par des moules en fer, des baguettes de noisetier par des baleines de parapluie.
Il nous raconte ici presque un siècle de vie passé au service d'un troupeau de brebis qui a atteint trois cents bêtes, bouleversé deux fois par des guerres meurtrières, où l'état des sabots des bêtes en transhumance est plus important que le cours de la laine, où la contemplation d'un coucher de soleil sur les Pyrénées compense les méfaits de messire l'ours, animal omniprésent et quasi mythique, fauve de légendes qui ne valent pas la réalité.
Les éditons Cairn ont eu la bonne idée de rééditer « L’ours et les brebis », le récit de ce berger transhumant qui raconte son métier avant qu’il ne disparaisse.
Avant de parler de son métier de berger, Etienne Lamazou plonge le lecteur dans la vie d’un village des Pyrénées Béarnaises, au tout début du XXe siècle.
Les contes et légendes racontées à la veillée se mêlent aux travaux quotidiens rythmés par les saisons. Le village d’Aydius vit en circuit fermé et l’entraide pour les travaux des champs est un des principes de cette communauté montagnarde fière de ses montagnes et de sa culture. La vie n’y était pas facile mais on n’avait pas de patron et cette liberté pour ces fiers béarnais n’avait pas de prix. « Les produits de l’élevage ne suffisaient pas à faire vivre les familles », il fallait donc cultiver quelques lopins de terre pentus et malcommodes dont on devait remonter la terre chaque année pour éviter l’érosion. On y semait du blé et du maïs, on plantait des pommes de terre. Les enfants aidaient dès leur plus jeune âge car tout se faisait à la main.
Très tôt, Etienne Lamazou s’est vu proposer par ses parents le métier de berger transhumants qui était celui de son père et de son grand-père. A cette époque, la transmission se faisait grâce aux anciens. Les bergers n’étaient pas souvent chez eux car il y avait la transhumance d’été où l’on conduisait les brebis dans les alpages de montagne. L’hiver, c’est en Gironde que l’on conduisait le troupeau durant plusieurs jours de marche pour atteindre les pâturages des plaines.
Le berger témoigne de sa vie de labeur, rude mais emplis du bonheur d’être avec ses bêtes. Il nous explique la fabrication du fromage, les soins au troupeau et, ce danger des montagnes, la présence de l’ours prédateur avec lequel il fallait apprendre à vivre. On sent au fil des pages cet amour simple pour une vie rude mais libre et proche de la nature.
C’est aussi l’histoire d’une période révolue que deux guerres vont transformer, modifiant les habitudes et vidant les villages de montagne au bénéfice des ville s où la vie semble plus facile.
Le livre se termine sur une note optimiste. Après avoir connu un déclin inexorable, le village d’Aydius attire de nouveaux habitants avec l’installation de chevriers.
« Nos gouvernements ont fini par comprendre qu’il était préférable de donner des incitations au maintien d’une activité indispensable à la bonne santé de la montagne plutôt que des primes d’assistance ou de jardinage. Car l’élevage entretient la montagne. »
Au-delà de l’histoire d’un berger, ce récit témoigne de l’exode des montagnes et du renouveau afin que « la montagne continue à vivre. »
Un beau témoignage, candide et sincère, qui nous fait découvrir la montagne authentique de ses habitants et son histoire pastorale.
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