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Comment faire disparaître une femme de l'histoire ? Et pourquoi ? Écrasée par les responsabilités familiales, Anna Funder se réfugie dans les textes de George Orwell qu'elle admire, lit ses biographies, et tombe soudain des nues : il y a une femme dans l'ombre du géant, reléguée à quelques discrètes notes en bas de pages. Son nom ? Eileen O'Shaughnessy. Comment avait-elle pu passer à côté ?
Grâce aux lettres d'Eileen et aux témoignages de ses proches, Anna Funder soulève le voile sur la vie privée des Orwell, les accompagne à Barcelone lors de la guerre civile espagnole puis à Londres sous les bombes. Elle s'interroge sur ce qui fait un grand écrivain. Le travail, bien sûr. Mais ce dernier nécessite du temps et un quotidien exempt de contraintes. Autant de conditions que l'" épouse modèle " se doit d'assurer à son propre détriment.
L'Invisible Madame Orwell est le roman vrai d'une femme brillante et engagée, mais volontairement effacée au profit d'un mythe : celui du créateur. Refusant la version officielle et les omissions, Anna Funder redonne une voix à celle qui l'avait perdue et livre une réflexion sans concession sur la condition des femmes. Eileen O'Shaughnessy ne sera désormais plus réduite au rôle de subalterne derrière l'auteur légendaire de
1984. L'invisible n'est jamais condamnée à le rester.
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
« Derrière chaque grand homme se trouve une grande femme » Cette citation illustre parfaitement le livre d’Anna Funder. Eric Blair serait-il devenu George Orwell sans sa première femme Eileen O’Shaughessy ? Jusqu’à sa mort, elle s’est épuisée physiquement et moralement à s’occuper de son mari. Non seulement elle faisait seule les taches ménagères dans un environnement hostile et dans une grande précarité financière, mais elle relisait ses écrits, les corrigeait, les tapait à la machine et bien souvent lui soufflait ses idées. Jolie, enjouée, intelligente elle a sacrifié sa carrière à son mari. Elle a été ignorée par les six biographes d’Orwell et par son mari lui-même qui reprend à son compte des actions d’Eileen et parle très rarement d’elle disant «ma femme» mais sans jamais mentionner son nom.
L’image d’Orwell en prend un sacré coup dans ce livre qui nous dépeint un homme égoïste et infidèle. Dès la mort d’Eileen, il se lance à la recherche d’une seconde épouse qui s’occupera du matériel, relira ses textes, les tapera….
Au fil des chapitres, l’autrice incorpore des réflexions personnelles sur la condition féminine dans la société actuelle. Elle nous démontre que les choses ont peu changées et que la société patriarcale reste bien présente de nos jours. Même lorsque l’égalité règne au sein du couple, comme c’est son cas, les femmes continuent à se sacrifier afin que tout fonctionne au mieux, assurant une grande partie des tâches ménagères, le quotidien des enfants et le bien-être de tous.
Ce livre est un véritable coup de coeur.
Dans une librairie d’occasion, Anna Funder tombe sur un extrait dans lequel Orwell, le grand, le célèbre, le brillant, le très décent George Orwell, se lamente sur les femmes, “incorrigiblement sales et désordonnées” et dotées d’une “sexualité terrible et dévorante.” Il n’en faut pas plus à Anna, bien embêtée de tomber sur un tel morceau de misogynie chez cet écrivain qu’elle aime tant, pour se mettre à l’ouvrage.
Elle décortique ses textes, comme "Hommage à la Catalogne", "La Ferme des animaux" ou encore "1984", mais aussi les sept principales biographies existantes, écrites par des hommes très érudits, mais qui ont tous minimisé l’importance de l’épouse de George Orwell dans sa vie et dans son œuvre. Elle rencontre également les témoins de l’époque ou leurs enfants, elle arpente les lieux qu’a connus le couple - de la campagne anglaise profonde à la guerre civile espagnole -, mais surtout elle récupère des lettres, découvertes en 2005, écrites par Eileen Orwell à sa meilleure amie.
Grâce à un travail de recherche extrêmement méticuleux, une analyse comparative des écrits de l’un et de l’autre et la reconstitution d’une fiction inclusive la plus proche possible de la vérité, Anna ratrappe dans ce document tout ce qu’ont omis la postérité, les biographes et Orwell lui-même : le travail rendu invisible de cette femme remarquable, qui a renoncé à ses études de littérature et de psychologie ainsi qu’à sa carrière pour s’installer avec son mari dans un cottage miteux et s’occuper sans rechigner du ménage, des poules, des chèvres, des latrines, des revenus du foyer, des adultères du bonhomme, de sa santé de tuberculeux, des passeports clandestins en Espagne, autant que des manuscrits de son mari, qu’elle tape à la machine, qu’elle annote et qu’elle corrige. Anna s’aventure alors à imaginer le désarroi d’Eileen. “Il n'y a pas vraiment de mots pour exprimer cela. Elle contemple les pages de son livre, son écriture à elle est partout dans les marges. Elle se trouve au cœur de ce manuscrit, mais d'une manière que personne ne verra jamais, tel un échafaudage, ou une colonne vertébrale, quelque chose qui disparaît, qu'on recouvre à la fin.”
Le récit va au-delà du devoir de réparation envers cette besogneuse. Il englobe également le quotidien d’épouse et de mère de l’autrice, et dénonce plus largement la condition féminine. “Retrouver Eileen m’a permis de révéler comment le pouvoir s’exerce sur les femmes : comment une épouse se fait d'abord enterrer sous les corvées domestiques, puis par l’Histoire.” Comment fait-on disparaître une femme ? En oubliant par exemple son poème à elle, dans lequel elle imaginait un futur dystopique, conçu avant sa rencontre avec George, intitulé : “1984”.
Anna Funder admire plus que tout George Orwell, mais après avoir lu toutes ses biographies, elle se rend compte qu’il n’est nulle part question de sa femme, or , il y a une femme derrière ce grand géni, elle s’appelle Eileen O’Shaughnessy. Eileen a purement et simplement été effacée de la vie d’Orwell.
L’autrice, s’appuyant sur la correspondance de cette dernière puis sur les « approximations » et les omissions méthodiques qu’elle a appris à identifier dans les multiples biographies d’Orwell, va enquêter et sortir de l’ombre où le patriarcat l’a cantonnée cette femme d’une extrême intelligence sans laquelle George Orwell ne serait certainement pas l’auteur reconnu qu’il est encore de nos jours.
Eric Arthur Blair dont le nom de plume est George Orwell est né le 25 juin 1903 en Inde d’un père fonctionnaire de l'administration des Indes chargé de la Régie de l'opium, Richard Wellesley Blair, et d’une mère, Ida Mabel Limouzin née en Angleterre qui a vécu en Birmanie, où son père, Francis Limouzin, était un natif de la région de Bordeaux, et a prospéré dans le négoce. Il a deux sœurs, Marjorie et Avril. Sa famille fait partie de la moyenne bourgeoisie britannique mais ne pourra lui offrir d’études universitaires.
Eileen O’Shaughnessy est issue d’une famille anglo-irlandaise plus ancrée dans la classe moyenne supérieure qu’Orwell. Elle obtient une bourse à Oxford où elle a étudié la littérature anglaise. Elle a un frère, Laurence, chirurgien thoracique.
En 1936 Eileen rencontre Eric chez l’amie d’une amie. C’est un homme dégingandé, mal habillé, maladif, aux mouvements mal cordonnés qui a du mal à s’exprimer qui « cherche » une femme pour s’occuper de lui et il décide, après cette rapide rencontre, que ce sera elle. Il lui fait donc sa demande en lui disant qu’il n’est pas un bon parti, en effet il n’est pas loin d’être fauché, mais il n’y a pas que cela... Quant à Eileen, elle a confié à son amie Lydia que passé trente ans, elle épouserait le premier homme qui lui ferait sa demande. Et ce fût Eric Blair. Voici donc les bases sur lesquelles repose cette union.
Alors fiancé à Eileen, il entretient une relation avec une autre femme et en courtise assidûment une troisième qui se refuse à lui. Par son mariage, Eileen renonce à son diplôme et à sa carrière. Comme Eric l’a déjà tenté avec d’autres femmes, il isole Eileen de sa famille et de ses amies en emménageant à Wallington dans un cottage sans eau courante ni électricité ni gaz avec les toilettes au fond du jardin. C’est Eileen qui seule assumera la charge du foyer et les multiples taches ménagères.
Lors d’un séjour à Marrakech pour soigner sa tuberculose, il dit à Eileen désirer coucher avec une des jeune filles qui gravitent autour d’eux. Pour parer à cette nouvelle humiliation, Eileen fait comme si cela ne comptait pas mais agissant ainsi c’est aussi comme si ELLE ne comptait pas. Alors qu’en 1945 elle est très malade et qu’ils doivent passer devant un juge pour finaliser leur projet d’adoption du petit Richard, Eric se sauve en France afin d’être témoin de la retraite des allemands de Paris et de l’avancée alliée. Eileen décèdera seule à l’hôpital. Eric n’aura de cesse de retrouver une femme .
Après la lecture édifiante de cette extraordinaire biographie très documentée qui se lit comme un roman et qu’il est impossible de résumer en quelques lignes, une question s’impose : Que doit-on penser du chef d’œuvre quand nous apprenons que son auteur est un être répugnant ? Est-on prêt à l’accepter ?
Personnellement j’ai une passion pour « La ferme des animaux ». Sachant maintenant que c’est pour une grande part l’œuvre d’Eileen, je suis reconnaissante à Anna Funder de mettre enfin sous le feu des projecteurs cette femme exceptionnelle qui alla jusqu’à s’effacer pour son « grand homme », avant de l’être définitivement par le patriarcat.
Lu dans le cadre du « Grand Prix des Lectrices ELLE 2025 ». Je remercie les Editions Héloïse d’Ormesson pour cet envoi.
L'auteure, le livre (496 pages, 2024, 2023 en VO) :
On ne connait guère Anna Funder, auteure d'un ou deux bouquins ayant comme décor l'histoire récente de l'Allemagne (elle est née en Australie mais a vécu à Paris, San Francisco et Berlin).
Elle s'attaque ici à l'histoire du couple Orwell : on y découvre Eileen O'Shaughnessy, la femme d'Eric Blair, le génial auteur de 1984, dans une très surprenante entreprise de réhabilitation de l'épouse de l'écrivain occultée par L Histoire. Un travail rigoureux, édifiant, qui étonnera plus d'un lecteur et qui démonte un à un les mécanismes de notre société culturelle patriarcale.
[...] En 2005, ont été découvertes six lettres de la première épouse de George Orwell, Eileen O'Shaughnessy, à sa meilleure amie, Norah Symes Myles, datant de la période de son mariage avec Orwell, entre 1936 et 1945.
[...] Six lettres d'Eileen à sa meilleure amie, Norah Symes Myles, ont été découvertes en 2005 parmi les affaires de son neveu, après que les biographies eurent toutes été écrites.
♥ On aime vraiment beaucoup :
• George Orwell fut "l'un des hommes les plus lus et les plus influents de son siècle" (selon l'un de ses biographes, Jeffrey Meyers). Ce siècle qui a façonné notre monde d'aujourd'hui. le lecteur curieux ne peut donc que se montrer ravi d'approcher une nouvelle fois cet écrivain mythique, surtout quand on lui propose d'entrer chez lui au bras de son épouse, un angle d'approche plutôt original.
Cela va sans dire mais disons-le tout de même : tout cela se lit comme un roman !
• Mais ce lecteur curieux va vite être surpris par l'angle d'attaque choisi par Anna Funder : car c'est bien une véritable attaque en règle, sans concession, efficace, qui va chercher (et parvenir !) à démontrer l'effroyable effacement de la personnalité de Eileen O'Shaughnessy - une femme intellectuelle, libérée, émancipée - dans l'ombre ou le sillage de son auteur de mari.
• La démarche d'Anna Funder est riche d'enseignements : elle analyse les biographies d'Orwell et les lettres de ses proches d'une manière méthodique et rigoureuse, féroce et terriblement efficace.
Elle va jusqu'à nous inviter dans la chambre à coucher du couple Orwell.
Elle décortique les photos comme les textes, jusqu'à la syntaxe utilisée par les biographes du génial Orwell : l'usage du "on", de la forme passive, ...
Elle démonte pièce par pièce toute la mécanique (la plupart du temps inconsciente) qui vise à oblitérer le rôle de l'épouse de l'écrivain, à occulter les côtés sombres de la personnalité de Eric Blair, alias George Orwell, qui fut un impardonnable égoïste dans son rôle de mari, inconsciemment, en toute "innocence", comme la plupart des hommes de son époque (notre époque ?).
Dans ce procès à charge, la condamnation du système patriarcal genré est sans appel qui veut qu'une bonne épouse réunisse toutes les conditions nécessaires à l'épanouissement essentiel du génie d'un artiste.
• Même si l'on se fiche un peu aujourd'hui - on dirait qu'il y a prescription devant l'oeuvre ? - que le génial écrivain fut ou non un triste sire (un incorrigible séducteur, un drôle d'imposteur, ... cochez la case vous concernant - plusieurs réponses possibles), on ne peut qu'être en admiration devant le minutieux et rigoureux travail littéraire réalisé par Anna Funder.
Son approche (herméneutique) est vraiment époustouflante, sa démonstration réellement brillante.
Mais la vraie puissance de son bouquin, le véritable tour de force, c'est qu'en miroir de cet impressionnant travail d'exégèse, on ne peut qu'être subjugué par l'énormité de la mécanique qui est ainsi démontée sous nos yeux : on a rarement l'occasion de réaliser ce dont est capable notre société culturelle, de mesurer la puissance d'une telle entreprise d'occultation systématique de l'épouse (ici, celle d'un artiste).
• On sait bien que ce sont les vainqueurs qui ont écrit l'histoire, mais le propos d'Anna Funder est pour le moins ironique et paradoxal quand on songe qu'il s'agit de l'auteur qui mit en scène dans 1984, le Miniver, le ministère de la vérité, chargé de remanier les archives du passé pour les faire correspondre aux attentes du pouvoir !
Le pitch :
Le bouquin est à la fois une biographie du couple Orwell que l'on va suivre dans ses pérégrinations et sa vie de bohême : la Guerre d'Espagne, le misérable cottage de la campagne anglaise, un autre sur l'île de Jura, les vacances au Maroc, le Blitz de Londres, ... et en même temps une analyse fouillée des textes et biographies précédents pour mettre au jour les véritables rôle et personnalité de Eileen O'Shaughnessy, l'épouse de l'écrivain.
Eileen O'Shaughnessy rencontre Eric Blair en 1935 et l'épouse un an plus tard.
Elle décédera en 1945 (on ne vous en dit pas plus mais c'est dramatique à pleurer, la séquence émotion du bouquin, si, si).
Si Anna Funder réussit à rendre son livre agréable et passionnant, c'est tout de même une lecture exigeante tant la brillante démonstration flirte souvent avec l'essai philosophique.
Gros coup de coeur mon premier de cette rentrée littéraire d'automne 2024 !!!
C'est l'histoire du mariage à l'origine de certaines des œuvres littéraires les plus célèbres du XXe siècle - et une réflexion approfondie sur ce que signifie être une épouse et un écrivain dans le monde moderne.
À la fin de l'été 2017, Anna Funder se trouvait dans un moment de surcharge de travail. Les obligations familiales et les responsabilités ménagères écrasaient son âme et l'éloignaient de ses délais d'écriture. Elle avait besoin d'aide, et George Orwell est venu à sa rescousse.
"J'ai toujours aimé Orwell", écrit Funder, "son humour en autodérision, sa vision laser de la façon dont fonctionne le pouvoir et sur qui il agit". Ainsi, après avoir relu et savouré les livres qu'Orwell avait écrits, elle a dévoré six biographies majeures retraçant sa vie et son œuvre. Mais ensuite, elle a lu l'histoire de sa femme oubliée, et ce fut une révélation.
Eileen O'Shaughnessy a épousé Orwell en 1936. O'Shaughnessy était elle-même écrivaine, et son génie littéraire a non seulement façonné l'œuvre d'Orwell, mais son bon sens pratique lui a sauvé la vie. Mais pourquoi et comment, se demande Funder, a-t-elle été exclue de leur histoire ? À l’aide de lettres récemment découvertes d’Eileen à sa meilleure amie, Funder recrée le mariage des Orwell, à travers la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale à Londres. En jetant un œil derrière le rideau de la vie privée d’Orwell, elle est amenée à se demander ce qu’il faut pour être écrivain et ce que sa signifie d'être une épouse.
Récit biographique d'une vision intime de l’un des mariages littéraires les plus importants du XXe siècle, une oeuvre qui coupe le souffle, une ode au femme et au travail de celle ci qui passe hélas au second plan dans le monde entier.
Anna Funder mélange mémoire, extrait de lettre, fiction romanesque, biographie dans un pèle mêle fonctionnant très bien. Une réflexion de ses femmes invisibles sous estimé. Un portrait dynamique où l'autrice y fait un lien avec sa propre histoire. Un livre absolument époustouflant que je recommande. Une excellente réécriture de la biographie d'Eileen O'Shaughnessy.
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