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À la veille d'une bataille de la guerre de Sécession, Henry Fleming est un jeune soldat de l'armée nordiste fraîchement enrôlé et assailli par le doute. Pourquoi s'est-il engagé ? Sera-t-il capable, du haut de ses 17 ans, de faire face au danger ? Le lendemain, sous le feu ennemi, il réagit comme un lâche et s'en veut terriblement. Mais dans la confusion générale, Henry est frappé à la tête, recevant cet «insigne rouge du courage» qu'est une blessure de guerre. Son attitude au combat va s'en trouver radicalement modifiée.
La plupart des romans sur la guerre font des plans larges qui tentent de saisir la situation d'un conflit dans son ensemble. Stephen Crane lui a choisi de filmer en plan rapproché. Il suit le soldat.
Que pense-t-il? Que ressent-il? Que vit-il?
A travers un seul individu, Crâne montre la ligne ténue qui existe entre le courage et la lâcheté.
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Comme dans « Shiloh» de Shelby Foote (qui doit je pense beaucoup à Crane), le soldat se débat dans un chaos surréaliste qui provoque un torrent de réflexions intérieures en synchronicité dramatique avec le tourbillon de la bataille.
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Le pouvoir de ce roman de guerre n'est pas vraiment dans l'histoire, mais dans la façon dont elle est rendue.
Le stratagème de Crane consistant à n'utiliser que très rarement les noms des soldats et préférant parler du « jeune soldat », du « grand soldat », du « soldat à la voix forte », est redoutable d'efficacité pour souligner le fait qu'ils ne sont que des pions dans un jeu mortel initié par d'autres.
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Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l'écriture de Crane. Une écriture « à l'ancienne » qui fait de ce roman une lecture parfois exigeante mais de toute beauté.
Un grand classique américain remarquable de réalisme.
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Nouvelle traduction par Pierre Bondil et Johanne le Ray
Ce roman, paru en 1895, est considéré aux Etats-Unis comme un chef d'oeuvre, un roman pionnier qui a influencé toute une littérature classée « récits de guerre ». Il nous plonge en pleine guerre de Sécession, en 1863, lors de la bataille de Chancellorsville en Virginie, remportée par les Sudistes de Lee.
En 2019, il n'a rien perdu de sa force et m'a surpris par sa modernité. Plutôt que raconter la guerre en enchaînant les combats comme autant de morceaux de bravoure, Stephen Crane choisit de centrer son récit sur le point de vue d'un simple soldat, d'un jeune recrue ordinaire de 18 ans, Henry Fleming enrôlé volontaire dans un régiment nordiste. Tout est vu à travers son regard, le lecteur est plongé direct dans sa tête qui bouillonne d'émotions : ses espoirs naïfs de gloire avant de partir au front, ses interrogations sur le courage dont il sera capable de faire montre ou pas, son désespoir lorsque ses camarades meurent, sa honte d'avoir déserté, ce regain de courage irrationnel qui lui donne des ailes lorsqu'une blessure à la tête dans sa fuite le fait passer pour un héros, l'ivresse de l'héroïsme jusqu'à la perte de ses illusions finale. de cette grande acuité psychologique, nait une empathie totale à son égard.
Des émotions, mais aussi des sensations. On la vit, cette bataille, aux côtés de Henry. On entend, on voit le fracas des combats et on comprend ce qui meut ces soldats morts de trouille qui malgré tout y vont :
« Il fut soudain totalement libéré d'inquiétude à son propre égard et perdit de vue tout destin menaçant. Il n'était plus un homme mais un élément d'un tout. Il eut le sentiment que cette chose dont il faisait partie – un régiment, une armée, une cause ou un pays – était confrontée à une crise. Il était fondu à l'intérieur d'une personnalité collective dominée par un désir unique. Durant un bon moment, il n'aurait pu fuir davantage qu'un auriculaire ne peut se rebeller contre une main. (…) Il commença immédiatement à éprouver les effets de l'atmosphère guerrière : une transpiration brûlante, la sensation que ses globes oculaires allaient se fendre comme des pierres surchauffées. Un rugissement cuisant emplissait ses oreilles. »
Au-delà des ces descriptions très perspicaces et réalistes de la guerre, ce qui est également très moderne dans ce roman, c'est la mise en scène, cinématographique avant l'heure : l'écriture est en mouvement, plans larges, plans séquences, gros plans avec toujours une nature omniprésente et singulièrement présente dans ce récit de guerre. La portée en devient universelle.
« Quand une autre nuit survint, les colonnes de soldats, changées en lignes violettes, traversèrent successivement sur deux ponts flottants. Un feu aveuglant vinifiait les eaux du fleuve. Ses rayons, qui jouaient sur les masses mouvantes des troupes, faisaient jaillir d'ici et là de brefs reflets argent ou d'or. Sur l'autre rive, une succession de collines ombres et mystérieuses ondulaient sur fond du ciel. Les voix des insectes nocturnes chantaient solennellement. »
Un récit de guerre fort et intense tout autant qu'un récit psychologique initiatique original.
Paru dans d'autres traductions sous les noms de " La Conquête du courage " ou " L'Insigne du courage". L'Insigne rouge du courage est la traduction littérale du titre originel " The Red badge of courage".
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