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Le rapport au droit est le grand impensé des sociétés arabo-musulmanes.
Non qu'elles ignorent le droit, bien au contraire : ce sont les sociétés les plus juridicisées qui soient. Mais celui qu'elles respectent n'est en rien une instance autonome, séparée et distincte d'autres instances : il n'est perçu qu'à travers la religion, sous la forme de la charia, réceptacle de la foi, de la morale, des moeurs et du droit. L'islam entretient un rapport très particulier au temps qui situe son avenir dans le passé, où un modèle idéal est censé s'être réalisé au cours de la période prophétique.
Le dogme d'un Coran incréé exclut toute historicisation : la loi est valable en tout temps et en tout lieu, l'oeuvre des jurisconsultes se bornant à découvrir dans le Texte la norme qu'ils énoncent. Parce que la théologie rationnelle a très tôt été supplantée par un courant anticolonialiste, la raison autonome et législatrice s'est effacée au profit d'une raison instrumentale dédiée à la seule compréhension du Texte.
L'idée de nation ne s'est pas non plus acclimatée. Manquent dès lors à l'appel les fondements mêmes de la démocratie, le contrat social et ses corollaires, la liberté adjointe à l'égalité. En se mettant à l'abri des évolutions, les sociétés arabes se sont empêchées de construire l'État de droit et d'instaurer la démocratie. C'est en cela que leur État reste inachevé. Sa construction dépendra en grande partie de leur capacité à clarifier leur rapport à la modernité et à redéfinir le statut de leur passé.
Sans doute est-ce là le véritable enjeu des révolutions arabes de 2011.
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