Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Dans les montagnes près de la frontière entre l'Italie et la Slovénie, un vieil horloger a pour habitude de camper en solitaire. Une nuit d'hiver, une jeune tsigane entre dans sa tente et lui demande de l'abriter. Elle a fui sa famille et le mariage forcé qu'on lui imposait de l'autre côté des montagnes. Cette rencontre inaugure une entente faite de dialogues nocturnes sur les hommes et la vie, un échange de connaissances et de visions - elle qui croit au destin, aux signes, qui sait lire les lignes de la main, elle qui dresse un ours et l'aime comme le meilleur des amis ; lui qui se sent tel un rouage de la machine du monde et qui interprète ce monde selon les règles du Mikado, comme si le jeu était une façon de mettre de l'ordre dans le chaos. Dans ce roman dense et délicat, où chaque mot ouvre sur des significations plus profondes, où chaque phrase est un chemin vers soi-même, Erri De Luca nous invite à un jeu calme, patient et lucide, dans lequel un mouvement imperceptible peut changer le cours de la partie.
Ce roman de 150 pages, livre court mais grand livre, débute par un dialogue entre deux personnes qui ne sont pas nommées, un vieux campeur et une jeune gitane.
Lui, ancien horloger de profession a l’habitude de camper en solitaire et de passer ainsi de longues périodes en montagne, près de la frontière entre l’Italie et la Slovénie. Une nuit d’hiver, une tzigane de 15 ans, frigorifiée, fait irruption dans sa tente, lui demandant de l’abriter. Elle a fui sa famille et son campement pour échapper à un mariage forcé avec un homme de 50 ans.
Il accepte de l’héberger, va même la sauver de son père, venu venger l’honneur du clan.
Ils engagent alors un dialogue sur les hommes et la vie et un lien très fort s’établit entre ce vieil homme qui lui confie passer son temps en jouant, sa préférence allant au jeu du mikado requérant patience adresse et précision, la jeune fille aimant davantage s’en remettre au destin et lire les lignes de la main.
Le vieux campeur va ensuite l’aider, la conduire jusqu’à la mer où elle trouvera du travail, échappant ainsi complètement à sa communauté et ils se quitteront.
S’en suivront alors un échange de lettres, puis la retranscription d’un cahier laissé par l’homme à sa mort et enfin une dernière lettre de la jeune femme. Ce cahier et cette lettre révèlent deux chemins marqués par le secret, et une réalité dont on ne se doutait guère.
Ce récit à l’écriture sobre et au style minimaliste débute quasiment comme un conte. Il réserve ensuite quelques surprises étonnantes et un suspense tout à fait improbable.
Erri de Luca utilise le jeu du mikado comme une sublime métaphore d’un art de vivre, tout en discipline.
Quand je jouerai à nouveau au mikado, je ne pourrai pas m’empêcher de penser à ce grand joueur, à ses conseils et à sa philosophie du jeu, et pas sûr du tout que je parvienne à prélever tous les bâtonnets jusqu’au dernier sans les faire bouger, même avec beaucoup de patience et de lucidité !
Les Règles du Mikado ne se lit pas, il se savoure. D’une densité exceptionnelle, le roman explore avec une grâce d’écriture unique, les questions métaphysiques mais aussi l’amitié, la solitude, la vieillesse, la communauté des gens du voyage et aussi les migrants. On y retrouve l’amour de l’auteur pour la montagne.
J’ai pris un immense plaisir à découvrir Les Règles du Mikado de Erri de Luca, ce roman remarquable qui nous offre une magnifique leçon d’accueil, d’ouverture à l’autre et d’humanisme.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/12/erri-de-luca-les-regles-du-mikado.html
Dans ce court roman, aucune description, aucune narration : ce sont les voix qui font avancer l’histoire. Les voix d’une jeune fille et d’un vieil homme.
“- Qui es-tu ?
- Qu’est-ce que ça peut te faire ? Je suis quelqu’un qui crève de froid. J’ai vu la tente et je suis entrée.”
Lui est un ancien horloger qui a fait fortune, qui aime camper, seul, en montagne et jouer au Mikado pour conserver la précision de ses gestes. Elle est une gitane qui a fui sa famille pour éviter un mariage forcé et qui a traversé les montagnes, seule, de la Slovénie à l’Italie.
Dans la majeure partie de ce livre, qui n’est qu’enchaînement de répliques courtes et franches, les deux protagonistes s’apprivoisent peu à peu, une question après l’autre, coup après coup, comme dans une longue partie de Mikado. Dans le dialogue point une réflexion subtile sur l’âge, où la fougue de la jeunesse - lorsqu’elle n’est pas dénuée d’expérience - et l’expérience de la vieillesse, quand elle n’est pas obsolète, se révèlent être de parfaits compagnons. “Tu es vieux, mais tu ignores beaucoup de choses.”
Tout aussi surprenante, la dernière partie délaisse la forme du dialogue - “certaines choses ne peuvent se dire que dans une lettre.” Le lecteur a alors toujours affaire à une voix, mais cette fois à l’écrit, pas à l’oral. Une voix qui le malmène quelque peu et qui l’emmène ailleurs, vers une dimension plus politique. C’est comme un nouveau lancer de bâtonnets colorés. Un autre jeu, avec les mêmes règles, toujours sans trembler.
Très beau livre où les sentiments sont mis à nu tout en finesse. Un épilogue surprenant où transpire beaucoup d'amour...
Une belle découverte !
Le Mikado demande de la patience, de la maîtrise de soi et ses bâtonnets en quinconce échafaudent l’édifice d’un roman où il n’est pourtant en rien question de jeu.
Elle est gitane et à 15 ans, elle fuit un mariage forcé et quitte la Slovénie.
Lui a 60 ans, il est horloger et vient régulièrement planter sa tente dans les montagnes italiennes, « même en hiver ».
Ils se rencontrent à la frontière lorsqu’elle arrive devant son campement et s’instaure entre eux une relation de confiance et de partage.
Ils se trouvent des points communs et ont notamment tous les deux pour devise une des règles du Mikado : « agir doucement, sans attirer l’attention ».
Un court roman, à la première partie presque philosophique dans laquelle ces deux êtres devisent, dans des dialogues proches d’une pièce de théâtre, sur le sens de la vie.
Mais la deuxième partie vient éclairer ce début plein de sagesse avec des faits concrets de l’ordre d’un polar, qu’elle et lui décrivent de leur vie d’avant et d’après leur rencontre, dans des lettres qu’ils s’échangent.
Cela donne un roman assez déroutant qui hésite entre deux styles et que l’on aurait aimé voir approfondi dans l’une ou l’autre de ces deux voies alors qu’il ne fait que les survoler.
Une narration surprenante, au déroulé inattendu, qui se lit comme une nouvelle et qui va dévoiler progressivement le bâtonnet noir de la réalité, caché sous un empilement de faux-semblants.
L’auteur nous informe dès le début
« Je présente donc les deux personnes qui engagent un dialogue au début de cette histoire
Lui, c’est un vieux campeur solitaire. Il passe de longues périodes en montagne, même en hiver. Elle, c’est une jeune gitane qui a fui sa famille et son campement. »
L’homme aime aller planter sa tente dans la montagne par tous les temps, retrouver la solitude qu’il aime tant. Ici, il est près de la frontière séparant l’Italie de la Slovénie. L’horloger devenu riche a créé une fondation venant en aide aux jeunes immigrés ou non en grande difficulté. Lorsque la jeune fille lui demande de lui laisser une petite place dans sa tente alors qu’il gèle dehors, il ne peut que la faire entrer et la réchauffer.
C’est une gitane, âgée de quinze ans que sa famille veut marier. Avant il faut qu’elle grossisse. Des deux choses, elle n’en a nulle envie et se sauve.
Ils vont se découvrir et transformer cette rencontre fortuite (?) en une amitié. L’horloger décide de sauver la jeune fille en la cachant chez un ami. Il va lui apprendre à lire et écrire, lui apprendre une autre liberté.
En très peu de mots et de pages, Erri de Luca rend les deux personnages vivants. Comme Marie-Hélène Lafon, il travaille ses phrases jusqu’à l’os pour qu’il n’en reste que l’essentiel. Le mécanisme des mots ronronne comme une horloge bien réglée (je n’allais pas louper ce jeu de mots tout de même!)
J’ai beaucoup aimé leurs dialogues
« Tu es un étrange vieil homme. Tu as l’air calme, incapable de réagir, puis tu sors un spray qui aveugle, puis un pistolet. Je ne t’imaginais pas aussi vif.
-Il est inutile de s’agiter pour être prêts.
Les gens eux aussi sont des mécanismes. Il est facile de comprendre le comportement de ceux qui sont agressifs. On peut s’adapter et arranger les choses. »
Et hop, je t’enlève un bâtonnet, puis l’autre… sans toucher le troisième. C’est cela, le jeu de Mikado et leur dialogue y ressemble.
La seconde partie apporte un haussement de sourcils de ma part et montre comment cette rencontre fortuite a changé les deux personnages. La gitane, à qui l’horloger a appris à lire et écrire, s’est construit une toute autre vie. Mariée au fils du vieux pêcheur qui l’a recueillie après l’horloger, elle est maintenant veuve avec deux enfants. Mariée surtout pour changer de nom et que son clan ne la retrouve pas. Il lui en a fallu du cran pour apprendre à vivre dans un tout autre cadre, jusqu’à vendre ses cheveux pour acheter des livres..
L’oubli possible ou pas, l’entraide, l’altérité, le courage, le besoin de l’autre… Le tout en 160 pages. L’homme est horloger et le livre est une horloge ou une montre à gousset qui referme le même nombre de pièces mais qui est beaucoup plus petite.
Un joli coup de cœur, comme à chaque fois que Erri De Luca m’emmène dans son monde.
Je n'ai pas grand chose à ajouter au commentaire de Chantal Lafon si ce n'est que je trouve les modalités de la narration remarquables : l'histoire est construire comme un assemblage de diverses pièces, comme un puzzle dont l’image finale n’apparait qu’à la toute fin du livre. Une fin totalement inattendue.
Elle, la jeune gitane, et lui, le vieil horloger, n’ont pas de nom et leur vie, passée, présente et à venir, se dévoile par touches. Leurs personnalités émergent peu à peu, et nous ne finissons par les connaître qu’à la toute fin du récit. Récit qui n’est d’abord que dialogues dans la première partie, puis devient épistolaire dans la seconde partie pour finir par une confession dans un cahier et une dernière lettre. Il n’y a donc pas de narrateur, uniquement des échanges entre les deux principaux personnages qui se révèlent totalement hors normes.
Une brève histoire du monde
Ce livre est celui d’un sage, récit court, dense et engagé.
Le héros est un vieux solitaire dont le bivouac est bouleversé par l’arrivée d’une jeune gitane fuyant sa famille et un mariage forcé.
Entre les deux le dialogue est savoureux. L’apprentissage des valeurs se fait par l’exemple.
« L’argent appartient maintenant à la fondation. Je lui ai donné le nom de Mikado. C’est moi le président et je prends ce qu’il me faut pour vivre. »
Une vie de labeur, une organisation, une fondation, tout est édifié sur les bases de l’humanité.
L’échange est au cœur de sa vie et pour cette demoiselle c’est une étrangeté.
« Écoute, moi je n’ai pas d’enfants ni de petits-enfants et je ne cherche pas à adopter. J’échange quelque chose avec ceux que je rencontre loin des routes. »
Lui, explique la complexité d’un monde où les vraies valeurs prennent la tangente, elle lui dit les signes, les intuitions.
Il l’a sauvée, mais pas seulement, il aura à cœur de lui faire prendre un nouveau départ.
Ce pourrait être simplement cela, mais Erri de Luca se joue de ses lecteurs et nous entraîne vers une tout autre histoire.
Finalement entre ces deux êtres se noue un dialogue riche, alimenté par les connaissances et l’humanité de chacun.
La force de l’écriture de cet écrivain tient à sa simplicité apparente, à son intensité marivaudant avec la légèreté.
Être profond sans être moralisateur.
Ce que vous allez lire peut se résumer comme ceci :
« C’est le jeu qui m’a fait joueur, le mécanisme des balanciers qui m’a fait horloger, mon temps qui m’a fait agir en lui. J’ai été utile. Sans une pensée religieuse, j’ai appartenu d’une autre manière à un ensemble plus large.
Tu crois au destin, aux signes, au dieu des choses. À moi, il m’a suffi d’une plus petite explication. Être un engrenage dans la machine du monde. »
Le monde d’Erri de Luca me fascine par ce qu’il transmet de valeurs, par cette écriture qui le définit, dense, légère et brève car il connait la valeur des mots.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/07/23/les-regles-du-mikado/
Dans les montagnes entre l’Italie et la Slovénie, un vieux campeur solitaire, un horloger qui aime vivre seul, recueille dans sous sa tente une jeune gitane qui a fui sa famille et son campement à cause d’un mariage arrangé avec un homme de cinquante ans. Elle a déshonoré son père et sa famille en se sauvant.
Un roman très original avec en filigrane les règles du jeu du Mikado, sorte de manuel de vie. Une construction en trois parties, la première est un long dialogue entre les deux personnages, la seconde, un échange de lettres, la dernière est un cahier dans lequel le vieil homme se livre enfin.
J’ai beaucoup apprécié les échanges entre la jeune gitane et le vieil horloger qui abordent des questions simples et essentielles, qui nous permettent aussi de mieux connaitre la communauté gitane, ses usages, ses affaires d’honneur, des gens délicats, il suffit de peu pour les blesser, chez qui l’hospitalité envers un étranger est immédiate.
Une rencontre entre deux cultures, deux visions du monde parfaitement opposées. De ces nombreuses conversations découlent une amitié unique et touchante.
Je dois reconnaître que j’ai été complètement dérouté par la dernière partie du récit où tout se précipite, le charme de l’écriture simple et poétique est rompu, ce rebondissement inattendu m’a paru complètement fantasque.
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