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Le Centre de formation des journalistes se proclame la meilleure école de journalisme en France et même en Europe. Patrick Poivre d'arvor, David Pujadas, Pierre Lescure, Franz-Olivier Giesbert, Laurent Joffrin et tant d'autres ténors de la presse sont passés dans ses murs. Pendant deux ans, François Ruffin a suivi leur exemple. Elève appliqué, il a pris en notes les conseils des professeurs et les confidences des grandes plumes . Il s'est coulé dans le moule, pour voir. Et il a vu. Dans un an, vous serez journalistes, confie un intervenant. Vous entrerez dans ce que j'appelle le complot de famille, c'est-à-dire des règles qui peuvent scandaliser les gens mais, bon, c'est comme ça que la machine fonctionne. Un complot que ce livre met au jour : tacites ailleurs, les règles du métier sont ici affichées sans vergogne.
Diplômé de la promotion 2002 du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), François Ruffin livre ici un document très instructif sur cette école réputée, dénonçant sans complaisance tout ce qui l’a choqué pendant ses deux années d’études.
D’emblée, il est tombé dans un monde où la dépêche est reine aussi bien pour la presse écrite, pour la radio que pour la télé. C’est la logique économique qui prime dans ce qu’on leur enseigne ; la vérité s’efface devant l’efficacité. Voilà donc l’audimat placé en tête des critères de réussite dans le métier, ce qui explique pourquoi le fait divers est roi. Au 35, rue du Louvre, dans le CFJ fondé en 1946 et qui accueille chaque année une promotion de 54 élèves sur plus de 600 candidats au concours, on forme « des ouvriers spécialisés au style neutre et précis. »
François Ruffin, comme la plupart de ses congénères, rêvait « d’une école où l’enquête serait reine », où « le journaliste s’informe avant d’informer ». En tout et pour tout, il mènera deux enquêtes en deux ans ! Vite, on confond information avec communication. Tout est fait dans l’urgence comme au cours de son stage dans la presse quotidienne régionale (PQR) où l’on fait creux au lieu de creuser. Le ridicule des éternels micro-trottoirs est dénoncé car les résultats sont dérisoires, n’apportant rien de neuf au lecteur : « C’est vraiment le degré zéro du journalisme ». Puisqu’il faut suivre l’actualité, les fausses informations, les rumeurs font les gros titres. Lorsque le démenti arrive, sa publication est bâclée, n’ayant plus du tout la même mise en page parce que d’autres sujets ont pris la place. Il faudrait comprendre et donner à comprendre au lieu d’alimenter les bavardages.
Tout au long du livre, l’auteur est sévère à propos de cette pédagogie de la soumission car il faut plaire d’abord aux patrons des entreprises de presse, quitte à former des esprits soumis. Il constate aussi que les étudiants en journalisme ne lisent plus, que deux ans après son déménagement, le CFJ livre « des techniciens fonctionnels, efficaces, rapides et surtout pas pensants car la pensée ralentit ».
Depuis le début des années 2000, les choses ont-elles évolué ? Il faut en douter sérieusement car le traitement de l’information semble présenter les mêmes travers dénoncés par François Ruffin même si, avec Fakir, le journal bimestriel alternatif qu’il avait lancé à Amiens, il tentait de démontrer le contraire. D’autres exemples récents prouvent que le journalisme d’investigation reste toujours vivace et permet de garder espoir mais il faudrait que les grandes écoles de journalistes s’en inspirent.
Bonne réflexion !
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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