"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ça n'est pas la chair, hélas, qui est triste, la nôtre et toutes les autres, à poils, à plumes, lisses, fripées ou rugueuses, c'est plutôt le traitement qu'on lui fait subir, le destin qu'on lui réserve. Vouée à l'assiette, fragile, consommable à outrance, voilà la chair animale passant du pré au croc, de la mangeoire au mandrin, via l'abattage et ses stations : transfert meurtrissant, corral de la mort, percussion frontale, saignée, décarcassage, mise en barquette. Et tous ces geysers de sang soudain jaillissant, giclant dru, pour s'en aller croupir dans l'angoissant et fétide mystère d'une cuve souterraine. Une noria sanglante, hurlante, dont François, héros des Liens du sang, premier roman d'Errol Henrot, employé d'un abattoir industriel, endure, nauséeux et suffoquant, le remugle épais, les cadences malades et surtout l'atroce et mécanique gestuelle. La place est bonne, pourtant, qu'occupait également son père, son grand-père avant lui. À son taiseux de père, à sa mère morose, François préfère Robert, le porcher-poète qui vit à deux pas, et accouche sa truie plein d'une délicatesse et d'une prévenance exquises, ou Angelica, l'éleveuse pour qui « la chair a de la mémoire » et qui donc ne tue pas ses bêtes. La mort de son père dont la chair morte le hante, la dénonciation de l'absurde massacre d'une vache, l'altercation violente qui s'ensuit avec le directeur accule François à fuir, une fuite qui ne sera pas une prévisible cavale, mais échappée réelle, fusion au coeur somptueux d'un paysage devenu soudain ermitage cosmique. Ainsi va toute chair...
http://lechatquilit.e-monsite.com/pages/mes-lectures-2018/les-liens-du-sang.html
La couverture avait de quoi me rebuter mais je m'étais engagée à le lire.. alors je l'ai entamé et là surprise j'ai été happée par l'histoire.
Ce roman nous raconte l'histoire d'une jeune homme introverti, discret, en retrait, s'exprimant peu, et qui semble avoir manque d'affection de la part de ses parents. Après le bac, il reprend le boulot de son père à l'abattoir basé à la périphérie de sa ville. Son boulot est de tuer l'animal d'une manière totalement mécanique sans une once d'humanité et au rendement soutenu.
François, ce jeune homme a quelques moyens de gérer ce travail : il fait de longues promenades en forêt et admire Robert, un voisin éleveur de cochon dont l'exploitation est à taille humaine et qui a une relation toute particulière avec ses bêtes.
Cet équilibre va s'écrouler avec la mort de Robert. Cette perte associée au sadisme de certains de ces collègues sera le déclencheur de sa rébellion. Il décide alors d'intervenir au sein de l'entreprise pour essayer de faire changer les choses.
Cette rébellion aura t-elle le succès escompté ?
J'ai été impressionnée par l'aspect militant de ce roman et qui m'a fait me poser plusieurs questions quant à la nature de bourreau qui est enfouie en chacun d'entre nous.
J'ai lu 1/4 de ce livre mais je ne suis pas du tout emballée par le sujet, ni par l'écriture, ni par le style.. Et j'ai décidé d’arrêter là ce supplice...
Tu travailleras aux abattoirs, comme moi. Et vlan ! Prends ça cher fils. François vient de passer le bac, mais introverti, hermétique, ne parlant pas ou si peu, le père a décidé pour lui. Six mois de stage et le CDI derrière. Oui François est devenu « tueur » à l’abattoir industriel de son village, vous savez, « ces curieux bâtiments à l’entrée de la ville, d’où sortaient des cris et des odeurs épouvantables. »
François, un garçon puis un homme qui s’est retiré de la vie, retiré en lui. Il est plus que solitaire, ne peut se lier à personne par manque de confiance en lui, par absence d’amour parental. Un chaton qui n’a pas été éduqué par sa mère, ne sera jamais propre. François, que ses parents n’ont jamais aimé, n’ont jamais porté l’attention affectueuse attendue, ne peut s’aimer et donc aimer les autres. « Ce père qu’il ne savait aimer et qui ne l’avait jamais aimé ».
La vie de François est toute tracée, tueur professionnel jusqu’à la retraite, quelle belle perspective de vie !! « C’était donc ainsi que sa vie se déroulerait. Toutes les quatre-vingt-dix secondes, il saignerait un corps suspendu par les pattes arrière, chaque jour, durant les quarante prochaines années. Il regarderait, durant quarante années, des animaux pris au piège hurler, se balancer, chercher à fuir, à échapper à la douleur, un mal qu’ils ne pouvaient pas comprendre parce qu’ils ne pouvaient le comparer à rien de ce dont ils avaient fait l’expérience. Partout il y avait les odeurs de leurs semblables. Chacun d’entre eux entendait les cris de l’animal qui l’avait précédé, suspendu lui aussi. »
Chaque jour, il doit tuer son lot de bêtes, François ne peut s’y faire. L’attitude des collègues qui, pour se défouler, s’en prennent à un animal et lui infligent des tortures, j’ose le mot, avant de le laisser mourir sur le ciment, le révulse. Est-ce le boulot inhumain qui rend les ouvriers de l’abattoir sadiques ? « Il faut bien que l’on s’amuse, parce que autrement, on se tirerait une balle en sortant d’ici »
Le rendement, la compétitivité règnent ici aussi « Et moi, qui ne suis qu’un pauvre travailleurs, je ne suis pas plus respecté que l’animal que je tue. Le combat est perdu d’avance, n’est-ce pas ? Les descriptions de sévices prolifèrent, elles sont consultables partout. La connaissance, surtout aujourd’hui, n’a pas de limites. Des lois existent, bien sûr. Le directeur les connait. Des associations sur le pied de guerre. Mais pour que les lois, les associations soient efficaces, il leur faut, non pas l’adhésion, mais la confiance absolue de la société tout entière. Et il faut que cette confiance soit entretenue, de manière constante ». Un pamphlet contre le gain à tout prix qui absout beaucoup de dérives.
François se trouve face à ses contradictions « Je ne peux pas respecter, et aimer profondément la vie humaine, songea-t-il, et sous la même impulsion, haïr viscéralement la vie animale. Cela serait une contradiction absurde… Si je ressens l’envie de frapper un animal, cette envie ne peut totalement disparaître si je suis en compagnie d’un être humain. Elle peut être inhibée, mais elle existe, aussi intense, aussi invincible. »
Errol Henrot décrit l’ambiance, les odeurs d’urine, de sang, de peur, de mort qui montent à la gorge dès l’entrée dans l’abattoir industriel. Ses mots justes, forts, brutaux m’ont fait ressentir ces odeurs de sanies, j’en ai pris plein la gueule, sans jamais avoir envie de fermer le livre tant j’ai été subjuguée par l’écriture de Errol Henrot.
La mort de Robert, qu’il admire, le paysan est un déclencheur. Il ne sait pas comment il va faire. Peut-être envoyer ses textes à la presse ? Il ne peut plus supporter tout le sang versé, décide de ne plus subir l’ordre des choses, de ne plus accepter le comportement honteux de ses collègues, leur violence gratuite envers plus faible. François crie son désespoir à la tête de son patron qui l’écoute benoitement, avec, toutefois, un sentiment de peur. Ce faisant, l’ouvrier pourrait même aller jusqu’au meurtre tant il y a de violence en lui devant toute cette mort. Prenant peur de sa folie, il préfère s’ensauver, fuir dans la forêt.
Ses soupapes sont les balades en forêt, regarder, admirer, son voisin Robert élever ses porcs avec amour, douceur et passion. Que j’ai apprécié les pages où il est question de la mise bas d’une truie. Pour moi, c’est un hommage aux paysans que je connais et qui vivent autour de chez nous.
Un livre rouge sang où la lâcheté humaine sévit à tous les étages, même celle de François qui préfère s’enfermer en lui plutôt que de s’affirmer. Un livre fort, militant qui pose la question d’un suivi objectif et durable de la gestion des abattoirs. La mécanisation serait peut-être une bonne solution pour que nous puissions continuer de consommer de la viande sans infliger ni aux animaux, ni aux hommes qui travaillent dans les abattoirs des situations hors normes
Errol Henrot a commis là un superbe premier livre militant, à l’écriture quasi clinique avec des envolées poétiques. Un livre qui a du coffre, de la tripe. Un coup de cœur.
Merci les fées des 68 premières fois pour cette perle rouge sang.
C'est presque sur la pointe des pieds que je me suis aventurée dans ce roman dont le sujet me faisait craindre répugnance et honte : l'abattage à la chaîne des animaux ne faisant pas particulièrement partie de mes lectures privilégiées. J'aurais eu grand tort de me fier à cet a-priori !
Liés par le sang, François et son père le sont doublement. Par leurs liens familiaux, évidemment, mais aussi par le métier que le premier exerce à la suite de son père, désormais retraité : tueur dans un abattoir industriel. Plus précisément "saigneur" puisqu'armés d'un couteau, ils égorgent les bêtes à peine assommées auparavant. Cet univers de barbarie, de sang, de terreur et de souffrance est décrit d'une manière si réaliste que j'ai été incapable de lire certains passages, trop insoutenables. L'auteur n'occulte rien du calvaire des animaux et, par de subtils glissements sémantiques, parvient à humaniser ces derniers sans pour autant tomber dans l'anthropomorphisme ou dans une sensiblerie outrancière.
Cette incroyable qualité d'écriture m'a vraiment subjuguée et m'a rappelé les pages les plus fortes d'Emile Zola. Dense, serrée, elle s'enroule en spirale autour du personnage de François tout en lui gardant une part d'opacité. Sa quête, certains traits de son caractère demeurent implicites ce qui laisse le champ des interprétations grand ouvert.
Familial et intime, philosophique et moral, ce premier roman se nourrit de thématiques fécondes qui l'irriguent comme les larmes et le sang semblent gorger la terre. Pas toujours facile à lire, inconfortable, sans concession, "Les liens du sang" ne caresse pas le lecteur dans le sens du poil et il a agi sur moi davantage par fascination que par séduction. Je garde l'impression de n'avoir pu en saisir toutes les richesses, ni toutes les incidences, tant forme et fond s'imbriquent dans un dense réseau de significations.
Pour moi, un premier roman remarquable par de nombreux aspects !
Les liens du sang est un premier roman déroutant. Il ne s’agit pas seulement d’un récit sur le sujet ô combien d’actualité sur le monde des abattoirs ou sur la maltraitance faite aux animaux. Nous voilà face à un roman sur notre rapport au sang, qu’il soit d’ailleurs animal ou humain.
Le sang est certes omniprésent. Le sang des bêtes abattues sans état d’âme dans cet abattoir. Mais également le sang filial qui lie François à son père : François marche dans les pas de son père qui était, lui aussi, tueur d’animaux. Enfin, le sang symbole de puissance aux yeux d’ouvriers, notamment lors d’une description du massacre d’une vache qui m’a particulièrement marquée.
Errol Henrot nous parle également de lâcheté et de faiblesse : François est en effet à la fois observateur passif de son propre sort tout comme de celui des animaux, mais également observateur passif d’arrangements établis et acceptés dans son entreprise.
Que devient le sang versé, par les animaux mais aussi par les hommes? Jusqu’à quel point peut-on, doit-on, accepter l’inacceptable, et comment s’en affranchir?
Un livre, vous l’aurez compris riche, bien sombre, le tout servi par une écriture fouillée et âpre, qui donne lieu à des descriptions tout aussi violentes que saisissantes.
N’ayez crainte, tout n’est pas que noirceur : François croisera Robert et Angelica qui ont un rapport beaucoup plus respectueux, responsable et actif, envers les animaux en particulier, et la société en général. Ainsi qu’une fin surprenante…
https://accrochelivres.wordpress.com/2017/11/19/les-liens-du-sang-errol-henrot/
Attention OLNI avéré, ce livre est inclassable. Attention pépite certaine. Je me suis pris une claque avec ce roman court 192 pages et pourtant lorsque je l'ai commencé je n'étais même pas sûre de pouvoir le finir. Pourquoi ? Premièrement, le sujet un type tueur dans un abattoir, je me suis dis que ça allait clairement être ennuyeux et qu'il n'y a pas grande chose à en dire. Quelle erreur ! Deuxièmement, la lourdeur, l'ambiance qui se dégage des paysages, des lieux, des personnages. J'ai eu un peu de mal au début, mais j'ai très vite pressenti que j'avais entre les mains quelque chose de fort, d'unique. Bien qu'assez déroutée au début, j'ai passé quelques temps à me demander qui cela allait intéresser, les bouchers ? les gens travaillant dans les abattoirs, les paysans ? Pas sûr, néanmoins, je n'arrivais pas à le poser , voulant absolument savoir le sort réservé à François. Plus, je lisais et plus je me disais que c'était fichtrement bien écrit, que c'était réaliste et que ce n'était pas possible, il allait se passer un truc, qu'il y allait y avoir un déclic, une brisure, un point de non retour. Ce fut le cas et j'ai été subjuguée par ce premier roman et je vais sacrément suivre cet écrivain incroyable.
Le personnage de François fait presque pitié au début, il travaille dans un endroit qu'il n'a pas choisi et exerce un métier qu'il déteste. Il est faible et n'a pas eu le courage de s'opposer à son père qui l'a placé dans l'abattoir de la petite bourgade dans laquelle ils vivent. Les rapports qu'il a avec son père son âpre, ils ne se comprennent pas, la mère est inexistante. Lui qui a toujours été effacé va changer au fur et à mesure qu'il abat des animaux, il va réfléchir sur la vie, sa vie, les animaux, le sang, la terre. Il va avoir de plus en plus de mal à abattre ces pauvres bêtes innocentes. Et là vraiment l'auteur a fait un travail de précisions pour faire entrevoir aux lecteurs l'horreur des abattoirs, la cruauté avec laquelle sont tuées les animaux, la perversité de certains tueurs, la tristesse des bêtes, leurs larmes aussi. C'est fait sans pathos, mais c'est saisissant, dérangeant, ça m'a remuée, m'a poussé dans mes retranchements, toute cette violence banalisée, est-ce qu'on est pas des tueurs en mangeant de la viande , même peu ? Est-ce qu'on ne consent pas en ne disant rien ? Les scènes dans l'abattoir sont difficilement soutenables pour qui a un tant soit peu d'empathie envers le règne animal, mais elles ne sont pas exagérées, elles sont réalistes et c'est d'ailleurs une des forces de ce roman c'est que le lecteur est un peu comme un visiteur de l'ombre, il regarde par la lorgnette, il est le spectateur unique et impuissant de tout cela. J'ai aimé la progression et le chemin qu'à parcouru François, il commence par faire froidement ce qu'on lui dit, puis ça va lui peser, il va en rêver la nuit et finir par ne plus supporter et se rebeller enfin contre sa famille d'une part et au travail d'autre part. Tout cela est décrit avec une froideur, et très cliniquement et cela ajoute au malaise du lecteur.
Et là whaou tout bascule et il écrit ses pensées et l'émotion est à son climax, je me suis pris une claque , c'était ça que j'attendais depuis le début. Rien que pour les pages 129 à 140 ce livre vaut la peine d'être lu. J'ai été touchée, bouleversée, émue, secouée et ébloui par la puissance des mots, des idées. J'ai dû retenir mes larmes, maîtriser mes frissons dans ce bus qui m'emmenait au travail. Le reste du roman est juste magnifique, la fin poétique et sans appel. J'ai changé petit à petit d'avis sur le personnage et j'ai admiré son courage et son humanité au milieu de cette dés-humanité.
C'est un roman qui ne laissera personne indifférent, la couverture est juste magnifique et à propos, c'est un livre militant en quelques sortes car on a vraiment plus envie de manger de viande en le fermant et on hait encore plus les tueurs d'animaux. J'ai été aussi très surprise par la question que se pose François sur le sang : que devient le sang versé ? Pas seulement celui des animaux, tout le sang , qu'en fait la Terre ? Est-ce qu'elle n'en a pas assez ? Est-ce qu'elle peut encore en contenir ? C'est étrange pour moi car c'est une question que je me pose depuis très très longtemps.
Vous l'aurez compris c'est un coup de coeur et j'espère que ce livre trouvera son public et aura le succès qu'il mérite. J'aimerai beaucoup savoir si l'auteur a lui-même enquêter dans un abattoir.
Verdict :
Une tuerie sans mauvais jeu de mots, c'est juste une petite pépite, ça démarre lentement mais après quel régal, quelle fulgurance ! Un auteur à suivre.
https://revezlivres.wordpress.com/2017/08/19/les-liens-du-sang-errol-henrot/
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