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Les Jango sont décidément impayables. Ils viennent depuis l'autre côté de la fron- tière cultiver le sésame, le blé et le sorgho, on les reconnaît à leur élégance tape-à- l'oeil un peu décatie, et à leur sens de la fête, dès que les moissons sont finies : tous leurs gains y passent, à s'enivrer de marissa et de femmes. Les Jango sont l'aristo- cratie des travailleurs de la terre à al-Hilla, qui est pour eux le centre du monde.
C'est là que deux vieux amis décident de poser leurs valises. La Maison de la Mère, mi-logeuse, mi-maquerelle, les accueille à bras ouverts. Et avec elle, Wad Amouna, homme à tout faire raffiné et véhicule des cancans locaux, Safia, mythe vivant sur laquelle courent les plus folles histoires, la douce et tendre Alam Gishi...
Dans les effluves de café grillé, de chicha parfumée et de gomme arabique, se joue une comédie humaine dont les Jango, « sages à la saison sèche et fous à la saison des pluies, sont les héros ».
Jusqu'au jour où le monde moderne et ses bras armés fait intrusion chez ces princes de la terre...
La puissance romanesque d'Abdelaziz Baraka Sakin tient sans doute à ce regard à la fois tendre et sans concession : dans Les Jango, on parle librement de religion, de sexe, de littérature et de contrebande. Les Jango est un magnifique hommage à toutes les libertés.
Je découvre avec ce livre, Abdelaziz Baraka Sakin, son écriture et son univers. C'est loin d'être banal. L'écriture est imagée en même temps que très réaliste, souvent drôle et parfois grave, légère, multicolore et multiple. En bref, c'est un festival.
Le romancier soudanais parle de son pays mais aussi de l’Éthiopie très proche ou plutôt des habitants de ces pays. C'est un joyeux mélange, un métissage heureux : tous ses personnages sont issus de rencontres et de mélanges qui les enjolivent et les enrichissent. Ce roman est une ode au métissage, à la découverte d'autrui et à la vie ensemble. Les femmes y ont la première place.
Le livre passe du roman au conte, de la fable ou la parabole à l'histoire plus prosaïque et au drame, encore une fois un joyeux mélange. Il n'est pas toujours aisé de suivre les déambulations d'Abdelaziz Baraka Sakin, il faut soit tenter de comprendre phrase à phrase, ce qui n'est pas toujours simple, soit se laisser porter, ce qui me semble être la meilleure des solutions et à cette condition, on peut ressentir ce que j'ai tenté -sans doute maladroitement- de décrire un peu plus haut. Le mieux étant de se faire sa propre idée...
Voilà un livre complètement immersif qui te plonge dans un Soudan contemporain à la frontière de l'Érythrée et de l'Ethiopie. Les Jango, pluriel de Jangawi, c'est une population de saisonniers qui viennent cultiver le blé, le sorgho ou le sésame, des travailleurs de la terre nomades :
« Ils sautillent comme de vieux corbeaux dansant autour d'une proie. Ils portent des chemises neuves dont le col souillé par la transpiration, le soleil, le vent du Sud et la terre noire argileuse, témoigne d'une âpre lutte avec les lieux, les éléments, et la recherche de leur gagne-pain. Ils adorent les jeans avec la marque bien en évidence sur les poches : Cons, Want, Tube, Leeman, Winston, etc. Ils ne savent pas ce que cela veut dire mais ils les aiment plus que tout, et ils paient cher pour en avoir. Avec leur ceinture en simili-cuir, on les prendrait predque opour des créatures étrnagères, n'était cet airt de famille que leur silhouette partage avec les objets alentour, en particulier les bottes de sésame bien fagotées. »
La langue ( en arabe dans le texte original ) de Abdelaziz Baraka Sakin est belle et chatoyante, au diapason du bouillonnement de vie de cette comédie humaine à la soudanaise qui rebondit de personnage en personnage, de scène en scène, avec comme seul fil conducteur que celui de raconter ces Jango dont le coeur est la Maison de la Mère, mi-logeuse mi-maquerelle, où les Jango se retrouvent après le travail. C'est souvent savoureux et toujours tendre. Je retiens tout particulièrement le très beau personnage de Wad Amouna dont on découvre l'enfance en prison aux côtés d'une mère incarcérée, puis sa vie adulte d'homme raffiné et différent qui apprend à danser aux futures mariées.
Tendre mais sans concession. L'auteur sait moquer les travers truculents des Jango. Il sait aussi dire avec beaucoup de lucidité leur rapport à la religion, au sexe ou à la vie politique dans un pays autoritaire ( écrit en 2009 sous le régime d'Omar El-Béchir, tombée en 2019 suite à un soulèvement populaire ). Aucun tabou dans ce livre, ce qui lui a valu d'être censuré dans son pays pour « obscénité ». Comme un hommage universel à la liberté.
La littérature est faite pour élargir les horizons. Si j'ai apprécié la découverte de cet auteur et ce roman tourbillonnant, je suis tout de même restée spectatrice un peu lointaine de l'ensemble. Les scènes se visualisaient parfaitement dans ma tête mais je n'ai pas vibré pour les personnages qui les habitaient.
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