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Au cœur de cette fresque familiale qui a tout pour séduire au premier abord, on s’ennuie malgré tout. Le récit tarde à s’installer, les personnages ne sont pas assez bien campés mais uniquement décrits d’après leurs faits et attitudes. Leur multitude emmêle l’esprit et il faut constamment s’en référer à l’arbre généalogique du début. Dans un style pourtant vif et accrocheur, Nathalie Bauer sait saisir les instants fugaces qui font et défont les familles entre l’amour et la haine fratricide, la jalousie et l’envie ou la cupidité. On est par instant capté par l’histoire mais il manque une épaisseur globale au récit et certains passages trainent en longueur. Il faut s’accrocher pour finir le roman qui pourrait être plus condensé, malgré de nombreux dialogues qui alternent avec la narration. Dommage car cette peinture féminine du siècle dernier est assez instructive au final et aurait pu s’avérer aussi distrayante que riche en détails sur la condition sociale et psychologique d’une famille somme toute ordinaire.
Note : 3/5
Chronique "Les indomptées"
Nathalie Bauer, s'inspirant de quelques vieilles photos, plonge au cœur des racines de sa famille aveyronnaise. Trois femmes, aujourd'hui au crépuscule de leur vie, puisent dans leur passé les ressources qui devront sauver le domaine familial de la ruine et du démantèlement. En tressant le présent et le passé, c'est d'abord à "ses indomptées" que Nathalie Bauer veut rendre hommage : à Noélie, l'artiste rebelle qui reprend la plume pour que la saga familiale rencontre un public bienfaiteur; à sa sœur, Julienne, que le tango et l'amour ont transporté jusqu'en Argentine; à Gabrielle, leur cousine, la fervente, engagée de tout son être dans les Jeunesses Féminines. À toutes ses femmes qui ont su, en traversant ce vingtième siècle, briser les codes et les tabous d'une haute-bourgeoisie corsettée et soumise à la bonne volonté des hommes. Des hommes que l'été 1914 va précipiter au bord du gouffre, désertant les usines et les champs. Et la Terre reste une préoccupation centrale, le socle des traditions et le symbole de la prospérité de la lignée. Cette terre transmise de père en fils depuis des générations, où même le bon sens le plus commun ne viendrait pas perturber le droit d'aînesse - quitte à courir à la catastrophe - une terre qui poussent les indomptées à se battre. Le roman explore longuement le thème de la mémoire, de la filiation, de la transmission. Mais ce qui a piqué ma curiosité , ce sont ces femmes qui ont su construire "un monde [...] où les aspirations des femmes ne seraient plus bridées dans les sempiternels moules - le bon vouloir d'un homme, le mariage, l'enfantement, le soin d'une maison , les travaux d'aiguille, ou encore la dévotion, le patronage". J'y vois aussi une ode à la solidarité féminine, une "complicité qui rend les femmes plus solides que toutes les autres créatures terrestres", ce qu'elles prouveront en hébergeant Zoé, leur nièce, dépressive, décalée, attachante et dont la fragilité parle tant des tourments que ses tantes ont pu connaître en leur temps. C'est cette modernité dans le passé qui, selon moi, fait l'intérêt de cette saga familiale, au demeurant longue à se mettre en route comme si la lenteur du récit faisait écho à ce poids écrasant des traditions, une "succession d'instants dilatés à l'excès" que Nathalie Bauer nous peint avec poésie et un lyrisme un brin désuet.