Ils avaient tout pour mener l'existence dorée de fils ou petit-fils de héros de la révolution cubaine. Pour faire partie de cette nomenklatura castriste jouissant des privilèges déniés à une population épuisée, désabusée, privée de liberté, certes, mais aussi des biens de consommation les plus élémentaires.
Le 9 octobre 1967, le président bolivien Barrientos ignorait, en faisant exécuter Ernesto « Che » Guevara, qu'il allait contribuer à forger une des grandes légendes du XXe siècle, à ce point tenace qu'elle prospère depuis maintenant 40 ans. Pouvait-il deviner que le pourfendeur du capitalisme et de l'impérialisme qu'il faisait abattre à la sauvette et enterrer en secret, deviendrait un jour l'objet d'un culte idéologique et mercantile, voire d'une forme juvénile d'idolâtrie ? Quarante ans plus tard, en effet, le visage du Che figure sur des Kleenex, orne des chandails de grands couturiers, des briquets, des étiquettes de vin corse, des cartes postales ou encore les inévitables tee-shirts et autres badges des mouvements altermondialistes. Menée par deux fins connaisseurs de l'homme Guevara - l'un est son propre petit-fils, l'autre le fils d'un de ses plus proches compagnons -, cette enquête dépeint le Che tel qu'il était. On découvrira ainsi son homophobie, sa dureté implacable, les carences de ses analyses politiques pourtant souvent présentées comme prophétiques, ou encore sa fascination pour Staline...Tout en ôtant au Che sa dimension mythologique, les auteurs dressent de la société cubaine un tableau inattendu, avec un underground où les jeunes « rebelles » s'identifient davantage à la culture punk et à la peinture surréaliste stigmatisée par le pouvoir qu'à l'imagerie officielle du mythe guévariste, promotionnée pour le plus grand profit de la « nomenklatura » révolutionnaire cubaine. Au fil des pages, les masques tombent, les brumes qui entourent la légende s'estompent peu à peu, et l'engouement pour le Che, jusqu'alors comparable à celui que peut susciter une pop star ou une icône hollywoodienne, apparaît soudain bien trompeur...
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