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Il existe deux manières de traiter la douleur, l'une consiste à l'endormir pour s'en protéger et ne plus souffrir, l'autre, tout au contraire, réside dans le fait de l'accueillir, la regarder bien en face pour ne pas la subir, mais l'apprivoiser dans la perspective de s'en défaire. Ce sont ces deux manières de prendre en charge la douleur et de la soulager qui sont au coeur même du dernier roman de Anna Enquist.
Si le milieu hospitalier est souvent évoqué dans la littérature contemporaine, rarement l'anesthésiologie, cette science de l'endormissement des corps n'a été mise au-devant de la scène. Pourtant, cette branche de la médecine est primordiale puisqu'elle permet de soigner, de couper, d'inciser pour réparer les corps, sans que ceux-ci n'aient à souffrir. La force de ce roman réside dans le fait que l'auteur fasse se répondre deux spécialités dont le but est de soulager, d'annihiler la souffrance : l'analyse et l'anesthésiologie. Des spécialités qui soulagent de manière diamétralement opposée la souffrance. Le thérapeute explore la psyché humaine pour libérer la douleur tandis que l'anesthésiste tout au contraire cherche à l'endormir pour éviter au patient lors d'une intervention de souffrir.
Les endormeurs décrit avec un réalisme parfois presque glaçant le traitement chirurgical et la vie d'une équipe hospitalière. Il interroge sans concession la pratique de l'analyse et ses limites, mais aussi l'éthique et la responsabilité du soignant et s'attarde de manière passionnante sur ce que le soigné ressent, peut-être, de ce laps de temps plus ou moins long durant lequel l'on a endormi son corps. En effet, contrairement au sommeil, l'anesthésie occulte totalement les notions de temps et d'espace. Un temps qui, pour le soigné restera perdu à jamais. Mais qu'est est-il de son esprit, de sa psyché ? Que reste-t-il de ce temps pris pour réparer, un temps non vécu par la personne anesthésiée.
Par le prisme d'un réalisme presque métallique, Anna Enquist dissèque les deux modes de traitement de la douleur humaine : l'anesthésie et la psychothérapie et propose un roman sur fond de drame familial aussi passionnant qu'exigeant...
Laure a fait une belle synthèse de ce beau roman que j'ai vraiment beaucoup apprécié.Pourtant il me semble que c'est la partie romancée de ce livre qui rend la complexité de ce livre beaucoup moins lourde.
J'ai apprécié la dualité médecin-parent(mère,oncle,père) et la partie psy de ce livre est remarquablement juste;un livre profond et superbe.
Avec Les endormeurs, on plonge en plein dans le milieu médical néerlandais, dans l’anesthésiologie, la psychanalyse, la psychothérapie, dans l’urgence et la détresse. Attention, ce n’est pas un livre gai, c’est plutôt lourd et pesant, mais superbe.
Drik de Jong est psychothérapeute et décide de reprendre le travail. Il avait suspendu ses consultations quelques mois, afin d’être totalement présent aux côtés de sa femme Hanna, lors de ses derniers instants. Ces moments difficiles l’ont rapproché de sa soeur Suzanne, anesthésiste et de son mari Peter, psychanalyste.
La difficulté et la beauté de la profession médicale, avec ses doutes et ses satisfactions, est ici très bien rendue, et c’est en réalité le propos du livre. Pour permettre des comparaisons entre les deux, on suivra également un jeune interne en médecine, Allard Schuurman, qui cherche sa voie, entre psychanalyse et anesthésiologie.
La question de l’amour et du désir sera aussi présente, avec toutes les interrogations qui l’accompagnent lorsqu’un mariage existe, lorsque la différence d’âge est trop grande, lorsqu’on a des enfants, lorsque l’on sort des cadres sociaux bien définis.
Ce qui est vraiment nouveau et intéressant, c’est de se retrouver dans la tête de ces médecins, comme Drik, qui doute de ses capacités à aider son patient Allard Schuurman dans le cadre de son analyse didactique (passage obligatoire pour devenir psychanalyste). On va parler de refoulement, des mécanismes de défense, d’abandon et de mort aussi.
Le livre a été écrit par Anna Enquist en sa qualité de psychanalyste, qui a participé au projet « un écrivain dans le service » d’un hôpital ; elle a choisi le service d’anesthésiologie pour étudier et retranscrire ce contraste qui la fascine entre la psychanalyse et l’anesthésiologie.
C’est d’ailleurs bien sur ce thème que son livre est très intéressant et qu’elle excelle. Malgré les petites réserves qu’on pourrait émettre sur la partie romancée, c’est accessoire. Ce livre reste ancré et très présent, plusieurs jours après l’avoir terminé.
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