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Au mi-temps des années 1980, Ava, Afro-Américaine d'une quarantaine d'années, débarque à Philadelphie. Chassée par son mari, elle s'installe avec Toussaint, son fils de dix ans, dans un centre d'hébergement. L'endroit est sordide. Et elle est déterminée à tout faire pour s'en échapper. Ava rêve d'émancipation. Mais la vie n'offre que peu de choix aux gens comme elle. Originaire d'un petit village de l'Alabama, elle a rompu tout contact avec sa mère et ne peut plus compter sur personne. Lorsque le père du garçon réapparaît dans sa vie, elle retombe immédiatement sous l'emprise de cet homme charismatique, autoritaire et engagé. Dans le même temps, un puissant atavisme pousse Toussaint vers ce Sud lointain, qu'il ne connait pas. Vers le village de Bonaparte, freetown afro-américaine, où plongent ses racines et où vit encore Dutchess, sa mythique grand-mère.
Sans complaisance aucune, Les Égarés dresse le portrait poignant d'une mère prête à tout pour protéger son enfant de la froideur du monde, quitte à se brûler les ailes.
Je me suis souvent demandé ce qu'il pouvait y avoir de pire que de se retrouver à la rue. Eh bien c'est de se retrouver à la rue avec un enfant, son enfant. Car à la peur et au danger, se joint l'humiliation. C'est ce qui est arrivé à Ava et son fils Toussaint. On est en 1985. Ils sont sans domicile, à la rue, où la compassion n'a pas sa place, où c'est chacun pour soi. C'est immédiatement d'une tristesse infinie. Car oui, ça sent la misère de vivre. Après s'être fait virer par Abemi le mari d'Ava, ils atterrissent dans un foyer où tout révulse Ava, des couleurs des murs au règlement infantilisant en passant par les cafards morts dans les lits.
On apprend peu à peu ce qu'est, ce qu'a été la vie d'Ava, qui elle est, d'où elle vient, ce qui l'a amenée à cette situation. Et il faut bien avouer que c'est une étrange personne, comme si elle était un peu extérieure à elle-même, ayant fait des choix qui ne semblent pas l'avoir enthousiasmée, qui ne semblent même pas être les siens, telle un bouchon au gré du courant. On fait des allers-retours entre le présent et le passé, entre Ava, ses moments de vie avec ses ex-compagnons, la vie de sa mère Dutchess, quand elle-même était enfant et qu'elles vivaient à Bonaparte en Alabama, ville de niggers, cédée au Noirs dans la deuxième moitié du XIXe siècle. "Depuis une centaine d'années, un des nôtres allumait un feu au crépuscule et l'entretenait jusqu'au lever du jour pour que tous ceux qui étaient de Bonaparte puissent rentrer chez eux par la rivière." J'ai adoré les relents de Sud profond d'une époque révolue. Les Noirs qui se rappelaient qu'il n'y avait pas si longtemps, ils ne possédaient rien, pas même leur vie, juste avant d'avoir Bonaparte. Un temps où les choses n'étaient pas éphémères. C'est sur ces terre que vit toujours Dutchess. Mais Bonaparte n'est plus comme avant, Bonaparte se meurt : "On a dévié de notre propre temps pour rentrer dans le temps des Blancs."
On se demande pourquoi Ava ne retourne pas chez sa mère au lieu de faire subir cette vie à son fils. Pourtant elle y pense...
Deux époques, deux ambiances, deux vies en communauté, deux destins de femmes, Dutchess la mère, Ava la fille. Toutes deux élevant seule son enfant. Toutes deux en lutte, Ava qui ne possède rien mais qui voudrait tant et Dutchess qui se bat pour garder le peu qu'elle possède, convoité par les Blancs. En réalité Ava sait-elle réellement ce qu'elle veut ? Elle semble toujours se laisser porter par le désir des autres. Et Cass, qui a fait autrefois partie des Black Panthers, géniteur de Toussaint, médecin ou peut-être pas, charismatique et inquiétant, mais surtout dominateur et utopiste, réapparaît un jour...
J'ai beaucoup aimé Dutchess, et pas du tout Ava, froide et imbue d'elle-même, si faible avec son amour de toujours qu'elle met son fils en danger.
Cette histoire nous rappelle au passage le mal que les Blancs ont fait, l'esclavagisme, la quasi-éradication des autochtones, la destruction de la nature à leur profit. Ça raconte la difficulté d'être femme et ça nous parle d'emprise. Ça dit la contrainte d'être un enfant, toujours à la merci des adultes, de leurs incohérences et de leurs lubies.
C'est un récit qui vous embarque dès les premières lignes et qu'on n'a plus envie de lâcher, qu'on voudrait pouvoir lire sans s'arrêter jusqu'au mot fin. Enfin... c'est ce que j'ai ressenti jusqu'à la moitié à peu près. Car après j'ai trouvé le temps long. L'histoire s'étire lentement, trop à mon goût.
L'autrice nous offre quelques envolées poétiques !!! Elle sublime, dans ces moments, la dureté qu'elle raconte, c'est magnifique et désolant.
Ava et Toussaint sont hébergés à contre-coeur dans ce foyer social de Philadelphie, ou le règlement strict les assimile à des enfants immatures. Heures de fermeture, contrôles incessants, injonction de se présenter au bureau d’embauche …Et si on considère l’insalubrité des lieux, on comprend qu’Ava ait des rêves d’ailleurs. Et tout ça parce que son mari l’a jetée à la rue, lorsqu’il l’a soupçonnée de revoir son ex, le père de Toussaint.
Pendant ce temps, la mère d’Ava se bat pour récupérer les terres que l’administration lui a confisquées, à Bonaparte.
Cette fresque construite autour du couple Ava-Toussaint met en pages le triste sort des exclus de la course à la fortune, et laisse entrevoir les échappatoires dérisoires de ceux qui n’ont plus rien. Les services sociaux débordés et condescendants sont des pis-allers qui enfoncent un peu plus les démunis dans la misère sociale et psychologiques.
Mais Ayana Mathis, qui connut le succès avec Les douze tribus d’Hattie a le don de créer de beaux personnages qui se battent au coeur d’une intrigue aussi complexe que riche en surprise.
Un très beau roman, qui malgré les heures sombres que vivent les héros, laisse entrevoir une lumière vers l’avenir.
512 pages Gallmeister 22 aout 2024
Traduction (Anglais) François Happe
Lu pour les Talents Cultura
« Les Égarés » roman d’Ayana Mathis porte parfaitement son titre ; c’est ainsi que semblent être Ava et son fils Toussaint, complètement égarés.
Ava, quarantenaire afro-américaine, essaie de faire face à la pauvreté, à la violence et à la misère de sa vie tout en protégeant son fils.
Ce roman est dur et puissant ; j’ai tout particulièrement aimé Toussaint, jeune garçon attachant et poignant.
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