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Les lendemains de la chouannerie.
Dans une atmosphère de campagne barbare où interviennent des pâtres jeteurs de sorts et des vieilles femmes hantées par le souvenir de leurs débauches, jeanne le hardouey, une aristocrate claudélienne mésalliée d'âme et de corps à un acquéreur de biens nationaux, est " ensorcelée " par un prêtre, l'abbé de la croix-jugan qui a tenté de se suicider par désespoir de la cause perdue et dont le visage monstrueux porte la trace des tortures que lui ont fait subir les bleus.
" j'ai tâché, disait barbey, de faire du shakespeare dans un fossé du cotentin. " on trouvera jeanne noyée dans un lavoir et jéhoël de la croix-jugan sera tué d'une balle inconnue au moment où, relevé d'interdit, il célèbre sa première messe dans l'église de blanchelande. au lecteur de découvrir le meurtrier.
Dans ce roman à tiroir, Barbey d’Aurevilly nous invite à des escapades successives, qui ont en commun le lieu où se déroule les séquences, à savoir la Normandie. Région agricole et déshéritée, avec une tradition orale, seul moyen de communication, et dont les légendes alimentent les soirées de veillée.
C’est ainsi que le narrateur qui s’est égaré sur son chemin vers Coutances, se retrouve accompagné d’un fermier qui le guide pour traverser une zone de tous les dangers,
« Dans l’opinion de tout le pays, c’était un passage redoutable. »,
d’autant plus funeste si les voyageurs ont eu la malchance d'entendre retentir la cloche de Blanchelande.
Le fermier lui doit des explications : il lui conte l’histoire dramatique de l’abbé de la Croix Jugan, un chouan à la destinée cruelle.
Le roman prend vite des allures gothiques, avec l’irruption du surnaturel et de la religion, assortie de quelques scènes de torture. Le genre est cependant mis à distance puisqu’il fait l‘objet d’un roman dans le roman.
Le langage vernaculaire illustre les propos des autochtones, pas toujours très clairs à déchiffrer, d’autant qu’il s’agit d’un dialecte qui date.
Ce texte prend un malin plaisir à égarer le lecteur, comme le voyageur, en le promenant d’une histoire à l’autre. De facture classique, il se lit sans déplaisir.
320 pages Folio première édition en 1854
Caverne des lecteurs
Tandis qu’il chevauche de nuit à travers la lande de Lessay, alors de sinistre réputation dans le Cotentin, le narrateur entend de lointaines cloches. Son compagnon de route, Maître Tainnebouy, lui indique en frissonnant que, depuis un terrible drame survenu quelques décennies plus tôt, elles sonnent la messe de l’abbé de la Croix-Jugan, à l’abbaye de Blanchelande. Aussitôt, dans l’oppressante obscurité de ce désert humain réputé le théâtre d’étranges apparitions, il entreprend de raconter l’histoire maudite, devenue légende, de ce prêtre, ancien chouan, et de Jeanne-Madeleine de Feuardent.
Barbey d’Aurevilly est un maître conteur. Tout autant que la tension dramatique au coeur du récit, c’est la restitution soigneusement travaillée de l’atmosphère particulière de ce coin désolé du Cotentin qui donne toute sa saveur à son histoire, dans une mise en abyme propre à suggérer son authenticité. Ainsi, après une longue mise en bouche destinée à nous faire prendre la mesure de lieux en tous temps propices à la crainte et aux superstitions, il parvient à se poser en une sorte d’anthropologue familier de la campagne normande entre les 18e et 19e siècles, recueillant dans leur jus des propos révélateurs de l’âme du pays. Véridique ou pas, peu importe, la narration est convaincante. Tandis que sa verve élégante et poétique rivalise avec la savoureuse langue paysanne de ses personnages, se met en place un climat angoissant, baigné de fantastique, que l’on n’a aucune peine à penser représentatif des croyances qui pouvaient courir les campagnes à l’époque, dans une conception religieuse du monde.
Noir et mélancolique, peuplé de caractères déchus, stigmatisés par les épreuves et étreints par un indissoluble mal-être en cette période post-révolutionnaire, le roman prend forcément une dimension allégorique quand on connaît les positions monarchistes de Barbey d’Aurevilly. Construit autour d’un personnage monolithique et inaccessible, qui, atrocement puni pour sa fidélité à des idéaux d’un autre temps, entraîne malgré lui aux enfers un entourage qu’il fascine jusqu’au maléfice, ce livre désenchanté reflète le drame d'un auteur qui ne se reconnaît pas dans son époque et ne peut se départir de la nostalgie d’un passé irrémédiablement révolu. Un passé qui ressemblerait à la fois à ce fascinant prêtre maudit, et à une lande désolée, hantée par les seules âmes aussi perdues que la sienne…
De digressions en références historiques et en réflexions philosophiques, la plume enfiévrée de Barbey d’Aurevilly nous livre un récit addictif, impressionnant de verve et de puissance d’évocation, à la frontière du fantastique, et un frappant tableau de la campagne et des mentalités du Cotentin au début du 19e siècle.
Excellent
Beauté baroque et luxuriante de l'écriture comme toujours chez Barbey
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