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Avec ce titre UN PRETRE MARIE, vous vous attendez peut-être à lire un roman qui conte le destin d'un prêtre succombant aux charmes d'une femme et qui a rompu son vœu de célibat …....il n'en est rien.
Le prêtre en question, dans ce roman publié en 1863,c'est Sombreval , curé normand qui, envoyé à Paris, a découvert dans la capitale les idées rationalistes du début du 19e siècle, s'est ouvert à la science, y a perdu la foi et s'est défroqué. Devenu ensuite disciple d'un riche scientifique, il en a épousé la fille qui morte en couches, lui a laissé une enfant : Calixte, de santé fragile , atteinte d'une maladie nerveuse à la guérison de laquelle Sombreval consacre ses recherches chimiques.
Lorsque commence l'action, Sombreval revient, en homme riche, dans la commune du centre de la Manche où il est né, d'une famille modeste. Il en acheté et rénové le château du Quesnay, entouré d'un étang pour y vivre avec Calixte sa fille bien aimée et poursuivre ses expériences .
Scandale dans la paroisse ! L'enfant du pays, le déjà renégat, apostat, le défroqué, qui a fait fi de son engagement religieux, ose de plus, lui l'ancien pauvre, s'installer dans le château du pays, séjour de tout temps réservé aux nobles !
Regards hostiles, accusations ignobles, menaces, malédictions, rien ne lui est épargné. Lui et sa fille sont mis au ban de cette petite société rurale. Les mendiants et les necessiteux de la paroisse refusent même les aumônes de la pourtant pieuse Calixte, : « la fille au prêtre », comme ils disent .
Néel de Néhou, jeune hobereau de la commune est attiré par cette jeune fille dotée d'une beauté éthérée, singulière, plus céleste que terrestre et souhaite l'épouser. Il est accepté au château, mais Calixte ne veut voir en lui qu'un ami dévoué car elle s'est engagée par des vœux religieux à rester près de son père et à racheter en secret par ses prières et ses souffrances rédemptrices le péché qu'il a commis.
Mais l'histoire n'est pas terminée, l'affrontement du Bien et du Mal réserve au lecteur des surprises. Affrontement tragique puisqu'il est incarné par deux êtres intimement liés par une grande tendresse : Calixte le personnage christique,' l'Ange blanc" vouée au salut de de son père et Sombreval qui consacre sa vie à trouver le remède au mal qui ronge celle-ci, ce Sombreval maudit, travaillant sans répit au sommet de la tour du château dans un laboratoire où brûle constamment un feu et qui apparaît la nuit comme le diable dans sa forge.
J'ai été très vite happée par l'atmosphère de ce roman, par l'évocation de cette société rurale d'un coin perdu du Cotentin, ancrée dans ses traditions d'ancien régime et dans un catholicisme entaché de superstitions.
L'auteur y excelle dans l'art du récit, intégrant progressivement des personnages puissants chacun dans leur détermination, distillant peu à peu leurs secrets, jusqu'au dénouement .
Certes les questions théologiques que soulève l'oeuvre, les domaines auxquelles elles font référence peuvent paraître bien éloignées de la culture du lecteur contemporain et m'ont parfois déroutée mais c'est la richesse de la plume de Barbey d'Aurevilly qui m'a définitivement emportée, par sa densité, son audace et sa flamboyance.
J’avoue, cher lecteur, j’ai un gros, gros faible pour Barbey d’Aurevilly (1808-1889) et régulièrement, je me relis une nouvelle ou un roman (ah, la magnifique «Histoire sans nom») de cet auteur trop déclassé.
Dans «Les Diaboliques», six nouvelles sulfureuses, publiées en 1874 et vite retirées de la vente, Barbey d’Aurevilly nous dépeint, avec son style, six histoires étonnantes.
«Le rideau cramoisi» voit une femme mourir pendant l’orgasme.
«Le plus bel amour de Don Juan» raconte une adolescente qui fantasme sur l’amant de sa mère.
Dans le «Bonheur dans le crime», Hauteclaire Stassin empoisonne sa rivale.
«Le dessous de cartes d’une partie de whist» nous montre un homme qui séduit la mère et…la fille.
Et puis l’atroce «Dîner d’athées» et la débauchée «Vengeance d’une femme» concluent le tout, de toute beauté.
Ici, c’est l’enfer vu par un soupirail de province.
Oui, «un romancier n’est pas un préfet de police d’idées», oui aux «ivresses de la passion…sans laquelle il n’y aurait ni art, ni littérature, ni vie morale.», oui, «les passions font moins de mal que l’ennui.», écrivait Barbey d’Aurevilly.
Certes, Barbey d’Aurevilly peut être taxé de misogynie. Certes !
Certes, ce Barbey d’Aurevilly est un rétrograde, royaliste et catholique.
Certes !
Certes, son style est outrancier, voire précieux, gavé d’adjectifs et d’épithètes, débordant de métaphores et d’oxymores. Certes !
Mais c’est si excitant et j’aime ça !
«Cambrée à outrance, comme elle l’était, pour accrocher son chapeau à cette patère placée très haut, elle déployait la taille superbe d’une danseuse qui se renverse, et cette taille était prise (c’est le mot, tant elle était lacée !) dans le corselet luisant d’un splencer de soie verte à franges qui retombaient sur sa robe blanche, une de ces robes du temps d’alors, qui serraient aux hanches et qui n’avaient pas peur de les montrer, quand on en avait.»
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