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Avec un roman de ce type, il ne faut absolument pas se fier aux apparences. Tout porte à croire dès les premières pages que nous allons avoir à faire à u récit de plus sur l’implosion d’une famille afro-américaine avec son cortège de clichés sur l’intégration et la désintégration. Sauf que…Taiye Selasi est de toute évidence une romancière atypique. Anglaise d’origines Nigériane et Ghanéenne, américaine d’adoption et vivant à Rome, elle ne peut évidemment pas tomber dans les travers d’une appartenance rigide à une communauté, tout en étant riche de chacune. Elle échappe donc habilement dans son récit au chemin tracé par une certaine littérature américaine et nous capte par son style original, sa patience à approcher les personnages dont elle révèle la douleur intime et la même souffrance face à leurs propres démons. Tous, sans déséquilibre, mais privilégiant sans doute le personnage du père, cœur du réacteur capable du meilleur mais aussi du pire pour sa famille. Une famille des derniers immigrants de l’Afrique contemporaine avec ses rêves d’études, son fantasme d’accession au statut de middle class qu’elle verra s’éloigner mais pour peut-être exister un peu plus fort et se retrouver autour de ses origines et sa culture originelle.
Au-delà d’une belle écriture et d’un sens du récit dramatique proche de John Irving, Taiye Selasi nous offre de magnifiques personnages, ses innocents, dans leur quête dont ils ignorent la finalité. Une odyssée américaine à l’accent africain.
Le ravissement des innocents est le premier roman d’une auteure mi-nigériane, mi-ghanéenne de langue anglaise – naissance à Londres, études à Boston. Le titre original est «Ghana must go», et c’est bien de cela qu’il s’agit, des liens entre une famille ghanéenne et leur terre d’accueil pour les parents, de naissance pour les enfants, les Etats-Unis. Le roman s’ouvre sur la mort de Kweku Sai, un chirurgien ghanéen aussi compétent que respecté injustement chassé de l’hôpital où il travaillait: forcé de pratiqué une opération qu’il savait impossible, il a été pointé du doigt pour son échec. Déçu, aigri, il a quitté sa famille pour s’en retourner au Ghana où il a épousé une autre femme. Les quatre enfants de Kweku sont restés aux Etats-Unis, devenant médecin, avocat ou écrivain. C’est leurs histoires à tous qui sont racontées au fil d’une chronologie éclatée et d’une construction assez complexe.
Le ravissement des innocents fait partie de ces romans qui entendent percer la nature humaine à travers des destins soumis à des aléas divers, historiques, politiques, sociaux, raciaux. Mais ce propos très ambitieux est déforcé par un trop-plein de détails, de gestes, d’anecdotes, de mots, qui finissent par en dissiper l’intérêt et générer une forme d’indifférence.