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Cette fois-ci n'est pas coutume, je cède ma place et mon blog, le temps d'une chronique à Raphaël, un ami lecteur et peintre, deux qualités qui donnent à penser qu'il y a forcément du bon en lui. Que ce prêt ne mette pas dans la tête de certains l'idée de venir scouatter mon blog, non mais... je ne suis pas prêteur, là c'est juste parce que c'est lui, parce que c'est moi...
La Flandre au 16ème siècle porte en son sein, l’illustre flamand "maitre BRUEGEL". Sous forme de lettres (sans réponse) le messager cupide à l’humour corrosif, Linus MÜND doit enquêter comme faux apprenti pour le compte de l’archevêque de Gravelle commanditaire de son propre portrait et soucieux de connaitre la probité du peintre.
Le choix d’un roman épistolaire est osé, surprenant mais pas anodin. Chaque rapport de lettre est numéroté car la chronologie sera déréglée comme l’état d’esprit du serviteur dévoué. Le fil du livre se joue d’une chronologie en apparence historique mais nanti d’une touche fantastique en fin d’ouvrage.
L’écriture parait compliquée par exemple lorsque E. LEBOT évoque "...l’église qui brûle sans distinction les pauvres, les pesteux, les sorcières…" (p.32). On obtient ainsi pas moins de douze lignes pour cette phrase. Cette surabondance de détails n’est pas sans rappeler la peinture détaillée, chimérique de Bruegel (comme un contrepoint). Certains passages évocateurs valent le détour. Le roman de cent soixante dix pages pourrait refroidir plus d’un lecteur opiniâtre mais en quête de références artistiques. Que l’on se rassure, si l’on veut accepter le style "épais" mais visuel, on obtient assez rapidement un plaisir de lecture qui s’accentue dans la deuxième partie du livre, une fois décrit l’univers historique. Vous apprécierez les remarques pertinentes (de peintre… je crois) comme "trop de Bosch pas assez de Bruegel" (p. 58) L’auteur donne de l’appétit pour l’art qu’il distille au cours des pages avec ces odeurs de térébenthine, les couleurs pers, le vélin, le bleu d’Alexandrie, cette couleur égyptienne symbole d’immortalité.
Nous traversons la vie de gueux parfois austère grise et humide comme l’indique l’un des chefs d’œuvre du Maître, "le triomphe de la mort", reproduit sur la couverture. Un peuple "halluciné a surgi des contours et de la grisaille."(p.57) En opposition, les fêtes paillardes, les fameuses "bamboches" nous plongent avec force et détails : "…des trognes pivoines, carcasses rongées par les cristaux de sel et le feu des lampes tempêtes, âmes décomposées par le ressac de la houle". Les sobriquets sont pittoresques ; "Courtes–pattes, Bats les œufs, la Grenouille, Petits-pieds" (p.73)
Un défaut du livre est d’avoir inclus un commanditaire ainsi que d’autres personnages si obscurs qu’on peine parfois à suivre une histoire au sens traditionnel du terme. Mieux réussies sont les évocations des peintres Patinir ou Bosch.
Au dénouement, l’auteur nous introduit dans un tableau illustrant une débauche de mœurs décousues, ou le dessus et l’envers peuvent se superposer. Là ou la beuverie et la débauche s’encouragent par le fantastique. La charnière décisive selon moi entre une évocation romanesque du peintre et la portée fantastique du livre prend corps à partir de la page 153. Un décrochage narratif s’opère au niveau de l’histoire. La peinture flamande dans son exubérance consent à la magie… entre l’ombre et le feu, peut être …?
Raphaël
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