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Moi de mon côté, j'ai déjà dans l'idée de passer un an dans un commissariat. À l'heure où la police fait l'objet d'incessants débats, je veux comprendre ce que c'est, qu'être flic. Entrer dans leur tête. Raconter ce qui se passe, surtout quand il ne se passe rien, ou pas grand-chose. Raconter le quotidien : les contrôles, la paperasse, les découvertes de cadavre, les autopsies, les points de deal, les auditions, les accidents... Raconter les découragements. Que font les policiers, concrètement, et avec quels gestes ? Quels ordres reçoivent-ils et pourquoi ? Et quelles sont leurs limites ? Mikael Corre
Bayard récits est une collection de littérature du réel qui mêle grandes enquêtes et récits de l'intime, dans laquelle les autrices et auteurs racontent le réel en portant un regard singulier sur la société et dont les ouvrages sont au croisement du journalisme et de la littérature.
Le Central de Mikael Corre fait partie des trois titres parus pour le lancement de cette collection en avril 2023.
Après avoir réalisé au Central, le commissariat de la ville de Roubaix, un reportage sur le reconfinement pour La Croix, le journal pour lequel il travaille, afin d’observer comment la reprise des attestations obligatoires est vécue par la population, Mikael Corre a déjà dans l’idée de passer un an dans un commissariat : « À l’heure où la police fait l’objet d’incessants débats, je veux comprendre ce que c’est qu’être flic. » Il veut raconter leur quotidien.
Pendant un an, l’auteur a alors mené une enquête en immersion auprès de ce même commissariat de Roubaix.
De cette expérience, Mikael Corre tire ce récit plein d’enseignements sur ce que vivent les policiers. Il relate la manière dont se passent les arrestations, les auditions et la technique utilisée. Il assiste à une autopsie. Il a l’occasion ensuite, de discuter avec plusieurs policiers, du moment où, psychologiquement certains craquent… Il découvre également l’état des geôles, ces geôles toujours pleines et qui ne peuvent donc être nettoyées… Sont aussi évoquées les violences policières, les contrôles au faciès, les violences conjugales, les rodéos, les points de deal, au total pas moins de vingt chapitres, courts mais très évocateurs des doutes et des questionnements qui hantent les policiers.
Balayant tous les clichés qui circulent sur la police et son rôle dans la société, Mikael Corre a su trouver et écouter des hommes qui acceptent de parler de leur métier avec honnêteté. Il en dresse des portraits précis et sensibles.
Il ressort tout au long de l’enquête que ces policiers sont en permanence mis en présence de la violence et de la mort, qu’ils sont souvent polytraumatisés et qu’il y a un manque d’encadrement flagrant.
Ces hommes et ces femmes confrontés à la misère sociale, à la violence qui en découle, face aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail, à la mort parfois à laquelle ils échappent de peu ou qu’ils sont parfois à deux doigts de donner, sont quelque peu découragés, se sentant souvent incompris et abandonnés. Mais, comme le lui a écrit un vieux major : « ce qui m’étonne toujours dans notre métier, c’est la volonté et résilience de mes collègues à se remettre à la tâche. »
La lecture de ce récit nous fait prendre conscience des difficultés que rencontrent les policiers pour mener leurs missions et nous amène à réfléchir sur ce métier de policier si souvent décrié par rapport aux attentes que l’on a. On aimerait tant une société sans infractions, sans crimes… Pour que la police soit en capacité d’aider à ce que cette utopie advienne, il faudrait lui en donner les moyens, mieux l’organiser avec un encadrement conséquent, mieux la former mais ce n’est pourtant pas elle qui pourra réparer la société et colmater les plaies ouvertes par la pauvreté. Il faut cesser de lui demander l’impossible.
Si la police ne peut pas tout faire, son action n’est cependant pas inutile !
Je terminerai par cette pensée de l’auteur : « je finis par intégrer que la police n’est pas là pour faire baisser la délinquance mais pour la contenir. »
Chronique illustrée à retrouver ici https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/06/mikael-corre-le-central.html
Les éditions Bayard lancent une toute nouvelle collection "Bayard récits" qui met en avant des récits réels et des faits de société.
"Cette nouvelle collection s’inscrit dans le genre de la "narrative non fiction", au croisement entre le journalisme et la littérature, le document et le roman." Claire Alet & Hélène Pasquet - Éditrices.
J'ai eu l'occasion de lire en avant-première l'un des récits proposés par la maison d'édition : Le Central de Mikael Corre qui sortira ce 5 avril.
Si comme moi vous aimez ce format réel et didactique, je vous invite à le découvrir très bientôt en librairie !
Pour écrire son enquête (d'abord éditée dans le magazine La Croix L'Hebdo avant d'être mise en récit), Mikael Corre a passé un an au commissariat de Roubaix. Roubaix est une ville que je connais bien, j'avais donc une raison supplémentaire d'être attirée par ce livre…
Mikael Corre est journaliste de formation sociologique. Il s'intéresse aux comportements et aux relations humaines. Entrer dans la tête d'un policier était vraiment son leitmotiv.
C'est donc une lecture immersive car il a suivi les enquêteurs sur le terrain (brigade des violences conjugales…), au bureau (procédures administratives envahissantes), pendant les auditions, durant les autopsies, il a même observé le travail peu relayé et valorisé des geôliers.
Pour restituer au plus juste l'ambiance d'un commissariat de police, il a exclu les grosses affaires pour se concentrer uniquement sur le travail du quotidien (qui n'en est pas moins important). Il dresse par exemple un portrait saisissant de la brigade des violences conjugales.
Dans son livre, Mikael Corre ne s'interdit pas de parler de sujets polémiques comme celui des violences policières.
Et puis ce récit est aussi une manière de se questionner sur le métier de policier : ce qu'on attend de lui et ce qui lui est possible de faire et avec quels moyens (liens hiérarchiques, règles imposées, choix politiques…) et le constat qu'on peut en tirer.
Ainsi, d'après lui, la police ne serait pas là pour faire baisser la délinquance mais plutôt pour la contenir (parce qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens d'agir autrement).
Ce livre fait aussi le lien avec tous les thrillers et les romans policiers que nous lisons : on se rend bien compte de l'irréalisme de certains récits en les mettant en corrélation avec le vrai travail sur le terrain, souvent très éloigné de ce qu'on peut en lire.
J'ai beaucoup aimé ce format. J'attends vos retours !
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Merci Ghislaine pour cette chronique passionnante . Quelle belle idée de l’auteur de s’être interrogé sur le point de vue de cette institution qui est là pour maintenir l’ordre mais aussi pour écouter ( parfois on l’oublie) . Oui on se doute de la pression vécue au quotidien . Il sera dans ma PAL . Belles lectures . Prenez soin de vous