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L'ouvrage que nous publions est composé de deux textes littéraires d'une part du scénario qui se présente de la même façon que Détruire dit-elle avec des indications techniques, d'autre part de l'entretien qu'a eu Marguerite Duras avec Michèle Porte, à la suite de la réalisation du film.
Le scénario indique que pratiquement tout le film se déroule dans un même lieu où on lit une histoire. Dans une chambre fermée où tous les rideaux sont tirés, un homme (Gérard Depardieu) et une femme (Marguerite Duras) parlent pendant 1 heure 20. La femme raconte une histoire qui est celle d'une femme qui monte dans un camion en faisant du stop et qui parle au chauffeur qui ne l'écoute pas. Pas une seule fois, on ne voit la femme dans le camion. Seul, par moments, le camion apparaît et des voix off indiquent que la femme parle au camionneur.
Parlant de ce film, à un journaliste de l'Express, Marguerite Duras disait : « Que Le cinéma aille à sa perte, c'est le seul cinéma. Que le monde aille à sa perte, c'est la seule politique... J'aime assez quand la platitude devient importante. » Le scénario est suivi d'un entretien avec Michèle Porte dans lequel Marguerite Duras parle de sa conception du cinéma. De pièce de théâtre en roman, de roman en film, Marguerite Duras écrit l'histoire des relations d'un auteur avec son oeuvre et notamment celle de la destruction de l'appropriation d'une forme bien déterminée à un thème. Elle évoque ensuite ses précédents films, son enfance en Indochine, sa mère son appartenance au parti communiste et sa rupture d'avec celui-ci, ses prises de position politique, sa maison de Neauphle-le-Château. On retrouve dans cet entretien le thème principal de l'oeuvre de Marguerite Duras, celui de la folie salvatrice : le fou libéré de tout problème de forme peut enfin créer et la création ainsi libérée des limitations que lui impose la forme, est directement saisissable par le public. Ce qui permet à Marguerite Duras de dire à propos des thèmes abordés dans Le Camion : « Je peux passer de la politique à la Beauce, de la Beauce au voyage de la dame, de la dame aux marchandises transportées, à la solitude, à l'écriture, aux maisons qu'elle a habitées. » Pourquoi deux versions d'une même oeuvre, peut-on se demander. Parce que Marguerite Duras a besoin de ne jamais imposer une représentation unique. Le texte doit être refait par le lecteur ou le film par le spectateur.
Bien que ces oeuvres soient complémentaires l'une de l'autre, chacune a sa propre existence, qu'elle soit oeuvre littéraire (écrite ou parlée ou qu'elle soit oeuvre cinématographique, et le sens ne vient que de la façon dont on ressent le ton de l'auteur que ce soit à travers les mots ou à travers les images.
Le texte "Le camion" est relativement court. Les dialogues sont comme inachevés, on sent une femme confuse et un homme (le conducteur) ennuyé et distant qui ne sait dire, finalement, que "vous mentez" (p. 29, 56). C'est un des textes de Duras qui, l'air de rien, parle d'elle. Elle le présente, dans ses entretiens, comme un conte issu des histoires orales de la famille et transmises par sa mère, par l'emploi du futur antérieur à la manière des discours des enfants qui jouent (J'aurais été... > Je suis).
La femme du camion est une "déclassée" (p.16, 43) qui attend que quelqu'un s'arrête pour l'emmener. Mais où ? La réponse n'est jamais apportée. On retrouve les images d'un Barrage contre le Pacifique, où petite blanche déclassée, elle attendait sur la piste que quelqu'un s'arrête et l'emmène n'importe où mais loin. Elle est aussi cette femme/adolescente "Petite. Maigre. Grise. Banale. Invisible" (p. 65). Elle est encore cette femme folle racontant tous les soirs aux gens de passage qui la prennent en stop son hypothétique histoire. Elle est peut-être échappée de l'asile, qui sait ? Cette folie qui renvoie à celle de sa mère qu'elle décrit dans ses livres, et sa peur viscérale d'être, elle aussi folle : "pendant trente ans, j'ai eu davantage peur de la folie que de la mort" (p.132).
Comme dans la plupart de ces oeuvres, on a l'impression que rien ne peut survivre, "que tout aille à sa perte, c'est la seule politique" ( p.25, 67, 73-74) ce qui signifie ne plus croire en rien, notamment par rapport au communisme pour lequel Duras est désillusionnée. Cela me fait écho au titre "Détruire, dit-elle". La femme ferme les yeux mais elle ne dort pas comme la plupart des femmes chez Duras. Or, c'est souvent le cas quand le désir est là, offert au regard de l'autre. Pourtant ici, Duras précise que si elle ferme les yeux c''est à cause de "l'intolérable du monde. L'intolérable du monde, elle le voit encore plus si elle ferme les yeux" (p.103). Et, pour une fois, il n'y aura pas d'amour physique dans "Le camion" car les hommes ne désirent pas les femmes femmes d'un certain âge selon Duras (p. 37). Cela fait sourire quand on pense à son impératif "vous ne désirez que moi" à Yann Andréa bien plus jeune qu'elle, avancée en âge.
"Le camion" fait aussi allusion à "Hiroshima mon amour" (p. 30, 80-81, 90) avec ces amours qui sont interdites, secrètes et terminées dramatiquement. L'hiver les suit.
Il parle aussi du processus d'écriture, d'où vient l'écriture, pourquoi certains n'y arrivent pas (p. 105-107, 124-125). Le désir est peut-être la clé... quand bien même la sensation première semble antinomique car c'est "le sentiment de ne pas exister" (p. 123)
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