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Pépite !
Ce serait comme une immersion dans un film en noir et blanc, au ralenti.
« Le Bonheur », le renom et bien au-delà la fulgurance d’un texte d’une beauté inouïe. Un chef-d’œuvre de la littérature classique. Un livre pionnier, qui sait, tant son don est inné. Accomplir ce qu’il y a de plus grand en littérature en 54 pages.
Avec une préface éclairante et érudite d’Elena Balzamo. Écrite d’une voix douce à l’instar de Gaïto Gazdanov.
Elena Balzamo dévoile les pans de vie de Gaïto Gazdanov. Il a écrit « Le Bonheur » à 28 ans en France. « Un récit à la fois limpide et énigmatique, est caractéristique de cette période de Gazdanov...Une histoire à la fois tragique et ordinaire… La vie a-t-elle une valeur intrinsèque, vaut-elle la peine d’être vécue – malgré et contre tout ? « Le Bonheur » est dans la vie elle-même et non dans ses manifestations concrètes, une dialectique qui irriguera l’ensemble des écrits gazdanoviens ».
Ce livre vaut son pesant d’or. L’écriture mélancolique, calme, olympienne, est attachante. Son romantisme fait éclore l’histoire. Comme un huis-clos, une scène mouvante qui se passe dans un antre, seul.
Et pourtant, on a l’impression de toucher l’essentialisme. Le foisonnement d’une philosophie venue des profondeurs. Deux personnalités majeures gravitent dans ce récit de haute importance. L’enjeu d’apprendre des protagonistes ce qui pourrait être utile à notre élévation.
Henri Dorin, un homme qui a perdu sa première femme, le jour de la naissance d’André, son unique fils.
Il aura de cesse, durant l’enfance d’André de le choyer. De l’élever dans une sérénité quasi théologale.
Henri Morin est posé, calme, intuitif et intelligent. Riche industriel qui se déplace souvent, rentre très tard. Mais il veille sur l’enfant grandissant au fil des pages.
André est un tout jeune homme. Il aime la littérature. Il lit comme un rituel jusqu’à deux heures du matin. Dans cette heure-même où son père fait sonner son réveil et pénètre dans la chambre et lui retire le livre doucement.
« Lorsque le moindre mouvement du petit corps d’André faisait vibrer son propre cœur ».
André est en quête. Il cherche dans les replis de son âme, les réponses au jour, au mouvement de la vie-même. Dans une intensité telle, qu’il pourrait en être bouleversé. Il s’enferme dans sa chambre des heures entières. Ferme à clé cette dernière, lorsqu’il s’en va. Comme si un intrus pouvait dénaturer la moindre parcelle de lumière.
Au quatorze ans de l’enfant, Henri Dorin se remarie avec Madeleine. Une femme superficielle, effacée. Il ne l’aime pas comme sa première femme. Supporte d’elle, ses écarts et son hypocrisie. C’est un homme si altruiste, si maître de lui-même, si hédoniste, qu’il ne voit pas les défauts comme des barrières à son éthique de vie.
Il est dans cette sphère spéculative et magnétique. C’est un homme éperdument réfléchi.
« Dorin ne se posait pas la question de savoir si la vie en tant que telle était un bien ou un mal. Il n’évoquait ce que sujet dans dans ses conversations avec André. Il soutenait que l’existence contenait plus de joie que de peine, parce que lui-même éprouvait de la joie plus souvent que du chagrin ».
le récit est pourtant un mélodrame. Gaïto Gazdanov entraîne ses personnages au paroxysme de leur personnalité, au plus près du secret. André écrit un journal intime. Il observe les insectes. Les rituels d’une nature dont il aime la constance. Il pressent des animaux, les mêmes questionnements que lui-même. Il s’inquiète de leurs faiblesses. Il est protecteur et attentif. Ce jeune homme si froid avec sa belle-mère Madeleine, et pour cause, trouve dans la verdoyance du parc les réponses à ses doutes.
Tous les deux sont dans cette osmose philosophique, intrinsèque. Ils ressentent les émotions différemment. Mais leurs destinées sont gémellaires d’un existentialisme compris. L’un accepte ce qui vient, « Ne peux-tu pas imaginer un homme infiniment sage, qui voit tout et comprend tout – autant qu’un être humain en soit capable – et qui ne verrait en toute chose que du bien ? ».
L’autre est dans la perspective de la vulnérabilité. « Un tel homme n’a jamais existé, papa ».
« Le Bonheur » est un envol de papillons de nuit. D’ombre et de lumière, la merveilleuse trame vaut mille vies. « Le Bonheur » est un viatique. L’œuvre du bien, tant il ouvre. Intemporel et incontournable.
Traduit à la perfection du russe par Elena Balzamo. Publié par les majeures Éditions Maire Barbier. Au doux prix de 12 €.
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