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Le marché du travail est impitoyable, a fortiori pour les philosophes. Gerhard Warlich, qui a soutenu une thèse sur Heidegger, travaille dans une laverie industrielle. En effet, le patron le considérait comme "désespérément surqualifié", mais avait fini par l'embaucher et il a gravi les échelons de l'entreprise au fil des ans. Avec sa compagne, Traudel, qui dirige la filiale d'une caisse d'épargne, il mène une vie plutôt tranquille et contemplative, jusqu'au jour où celle-ci lui annonce qu'elle désire un enfant. Les événements s'emballent alors : Warlich, pris en flagrant délit d'absentéisme, est licencié peu de temps après. Or, de même que son couple, le psychisme de Warlich reposait sur un équilibre fragile. Comment le préserver ? Par chance, bien qu'il se considère lui-même comme un intellectuel raté à l'existence plutôt médiocre, Warlich est en quelque sorte un spécialiste du bonheur et de l'apaisement. Il envisage d'ailleurs très sérieusement (avec l'accord de la mairie qui est prête à lui fournir des locaux) de fonder une école de l'apaisement pour y donner des conférences sur " l'édification du bonheur dans des environnements éloignés du bonheur ". Sa méthode consiste à laisser son regard flotter autour de lui jusqu'au moment où l'arrête une image à laquelle son besoin de bonheur peut s'accrocher : une part de gâteau abandonnée sur un toit de voiture ; un pantalon pendu sur un balcon, qui s'y balance doucement ;
Dans un restaurant, une cuillère sur laquelle, sans se rendre compte, une femme est assise. " Nous devons créer l'extraordinaire nous-mêmes, sans quoi il n'apparaît pas. " À travers l'observation à la fois ultraprécise et bienveillante de la vie quotidienne, Warlich crée des petits tremplins à bonheur grâce auxquels il parvient à réchauffer son monde intérieur, sa préférence allant aux scènes qui traduisent un sentiment de gêne ou de honte car rien n'est plus humain et touchant que le ridicule. Ceci jusqu'au jour où, croisant Annette, son amour de jeunesse, Warlich, sans doute en signe de connivence, lui glisse dans la main une tranche de pain sec qu'il gardait dans la poche de sa veste. En réponse au regard ahuri d'Annette Warlich éclate en sanglots. Peu de temps après, il est envoyé dans une clinique psychiatrique.
Loin de chez lui, enfermé avec des psychotiques, Warlich est pourtant toujours en quête du bonheur. Bonheur qu'il trouve encore parfois, comme par miracle.
Dans la littérature de Genazino, rien n'est jamais considérable ni grandiose.
C'est dans les angles morts, dans ce qui paraît insignifiant ou négligeable qu'il puise sa matière. Le grand art de cet auteur, qui parvient comme personne à concilier mélancolie et drôlerie, consiste à transformer la banalité du quotidien, le sordide de nos zones piétonnes et de nos magasins discount contemporains, en objets d'émerveillement possibles. En conséquence de quoi le bonheur pousse, indéracinable et inaperçu, dans des recoins. Né en 1943 à Mannheim, Wilhelm Genazino vit aujourd'hui à Francfort. Il a publié une quinzaine de romans dont Un parapluie pour ce jour-là, qui l'a fait connaître au grand public et autant d'essais. Il a remporté de nombreux prix, parmi lesquels, en 2004, le prestigieux prix George Büchner. Wilhelm Genazino raconte l'histoire de son triste héros et de son amie, bien moins triste que lui, de façon étonnamment laconique, en analysant avec une brillante ironie ses désespoirs existentiels et amoureux. " Une histoire typiquement genaziniesque :
Une langue allaint tragicomédie et légèreté, et une critique des classes moyennes venimeuse à souhait. Genazino excelle à rendre une atmosphère mélancolique, parvenant à y immerger le lecteur sans le noyer. Au contraire : à la fin, on a soi-même l'impression d'être sur sa propre voie du bonheur en des temps éloignés... " (Berliner Zeitung) Sur Léger mal du pays : " Il a le désespoir guilleret, Wilhelm Genazino. Une façon légère et pétillante de poser sur le monde son regard mélancolique. C'est cet élégant mélange des prétendus contraires qui donne un charme fou, presque envoûtant, à la voix de cet écrivain allemand. " (Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles) Sur La stupeur amoureuse : " Ce roman alerte et enjoué, souvent truculent, est aussi une fable sur la recherche du bonheur, la tentation du sacrifice et de la mise en ordre.
"La stupeur amoureuse" est un excellent moyen de découvrir l'enchantement d'un univers désenchanté. " (Pierre Deshusses, Le Monde) " Wilhelm Genazino est un artisan doué d'un sens aigu de l'observation. Son regard décalé, ses remarques, en apparence anodines et terriblement justes, font de lui un créateur qui modèle les bizarreries et les désenchantements de l'existence. [...] Il pose sur le monde un regard qui compte dans la littérature comtemporaine allemande. " (La Gazette Nord-Pas-de-Calais) PAGE 1
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