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Les Premières Fois sont décidément dans l'air du temps ! Après les 68 Premières Fois initiées par Charlotte Milandri et poursuivies sur Lecteurs.com qui nous ont permis de découvrir plein de premiers romans extraordinaires (et d'autres moins), voici la collection Incipit qui passe des premières fois historiques au filtre de l'écriture d'écrivains contemporains.
François Bégaudeau est donc chargé (a-t-il choisi ?) de raconter l'élection de Marguerite Yourcenar, première femme à l'Académie française. Un rappel historique plein d'ironie et de malice sur la vénérable institution conduit à ce jour mémorable de mars 1980 qui vit l'auteur des "Mémoires d'Hadrien" entrer sous la Coupole.
Ce délicieux livre se savoure, se déguste comme un macaron à la framboise avec la juste mesure d'acidité et de douceur ! Bon, il est vrai que je suis absolument et sans doute définitivement fan de la manière dont François Bégaudeau traite les sujets les plus sérieux comme les plus fantaisistes. Je reste en admiration stupéfaite face à son utilisation de tous les replis et autres sinuosités de la langue. J'en redemande !
Une nouvelle collection qui promet bien des plaisirs de lecture, il est proposé aux lecteurs de découvrir par la fiction des grandes premières dans divers domaines. Ici c'est l'entrée de Marguerite Yourcenar à l'Académie Française qui est racontée par François Bégaudeau. On en apprends un peu plus sur les coulisses de l'attribution des fauteuils et l'ambiance au sein de cette grande institution. Il est hallucinant de voir que même la femme élue pour occuper le fauteuil numéro 3 l'était parce qu'homosexuelle (donc plus proche de la masculinité dans leurs esprits) et avec une écriture masculine selon leurs critères. La féministe qui est en moi fulmine de cet affront mais passons et parlons du livre.
J'ai tout aimé, le format une centaine de pages c'est donc ni trop long ni trop court, la fiction où se méle anachronismes et rappels historiques, l'écriture est superbe comme d'habitude avec l'auteur, chaque mot est à sa place, chaque phrase est travaillée et tout cela confère à l'ensemble une lecture plaisante et vraiment enrichissante. J'ai aimé aussi la part d'ironie et de dénonciation sans en avoir l'air de cette institution dépassée dans son fonctionnement et qui ronronne dans ce qui appartient à un autre temps, pétrie dans le conservatisme.
Ce qui est intéressant c'est aussi que cela peut être lu par des collègiens et lycéens car c'est très moderne et aéré. Et en plus, ce qui ne gache rien c'est écrit en bon français ce qui devient très rare de nos jours. Une collection que je vais suivre de près et que je vais tenter de faire lire à mes ados. D'ailleurs, un deuxième est déjà paru sur les coulisses du Festival de Cannes.
VERDICT
Une collection fort sympathique qui permet d'en connaître un peu plus sur les premières célèbres. Très bonne qualité littéraire, un régal à lire.
https://revezlivres.wordpress.com/2016/05/09/lancien-regime-la-premiere-femme-a-lacademie-francaise-francois-begaudeau/
Le but de la collection Incipit est de raconter des premières marquantes passées par le filtre de l'auteur. Le(s) fait(s) réel(s) est(sont) là, la fiction, l'invention itou. Dans ce premier volume, très court, cent-dix pages aérées en comptant un bref dossier sur l'Académie et sur l'élection de Marguerite Yourcenar, des biographies et bibliographies succinctes de l'auteur et de l'illustratrice de la couverture (Catel, que j'ai découverte dans son excellentissime roman graphique, Kiki de Montparnasse), François Bégaudeau prend des libertés avec l'Histoire mais c'est pour mieux nous intéresser à son histoire. Les libertés qu'il prend sont intéressantes, car elles donnent un peu de légèreté et de vivacité au texte. Non pas d'ailleurs qu'il en eût besoin, le texte est enlevé, drôle, ironique, parfois sarcastique, très moqueur avec les gens qui le méritent (enfin ceux dont lui et moi croyons qu'ils le méritent). Le jour de l'élection de Marguerite Yourcenar est très symptomatique du style résolument ironique du livre : "Le 6 mars 1980, aux alentours de 15h10, le malheureux (le fauteuil 16) ne vit donc pas l'huissier présenter l'urne à chacun des votants, puis en déverser le contenu sur le bureau où René de la Croix de Castries, directeur en exercice, assisté d'Edgar Faure, chancelier du trimestre, s'appliquèrent au décompte. Le laxisme général d'après 68 ayant rendu possible que des hommes de lettres fussent illettrés, on releva trois bulletins marqués d'une croix." (p.72/73)
F. Bégaudeau écrit très bien, joue avec les imparfaits du subjonctif, il est très agréable à lire, fait dans le littéraire, la belle langue française (pour parler de l'Académie, c'est le minimum, mais pas forcément à portée de tous), il dérive parfois vers un certain "j'aime m'écouter écrire" un brin agaçant pour ne pas dire risible surtout lorsqu'au détour d'une phrase, il place une référence à lui-même, un peu tirée par les cheveux : "Heureusement l'évêque de Luçon (Richelieu), où un autre François ès lettres naîtrait en 1971, avait le bras long et par suite les coudées franches." (p.14). Néanmoins, ma première lecture de cet auteur me laissera un bon souvenir, j'ai bien aimé le décalage, son humour et son écriture à la fois sérieuse et drôle, comme dans ce dernier extrait où il résume en quelques lignes le combat des femmes pour l'égalité : "Croyait-on que la modernité se le tiendrait pour dit ? Chassée par la porte, elle revint par la fenêtre. Les femmes votèrent, enfilèrent des pantalons voire des jeans, dansèrent seules, reprirent un Ricard, accédèrent au carnet de chèques, poussèrent l'irrespect de la Nature jusqu'à contester les divins hasards de l'ovulation. L'Académie devait-elle faire comme si de rien n'était ?" (p.51)
Voici donc une collection qui naît sous les meilleurs auspices (et pas hospices, même si l'on parle de l'Académie française).
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