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1896 : Sherlock Holmes fait une fois de plus les gros titres, et résout des affaires pour la crème de la crème de société londonienne. Mais dans les quartiers mal famés de la ville, loin du confort de Baker Street, le détective privé William Arrowood doit faire face à des cas tout aussi difficiles et beaucoup moins bien rémunérés. Arrowood ne porte pas Sherlock Holmes dans son coeur, et revendique une méthode de travail radicalement différente.
Aussi, lorsque M. et Mme Barclay font appel à lui et son assistant Norman Barnett pour retrouver leur fille Birdie, déficiente mentale, Arrowood est persuadé qu'il ne mettra pas longtemps avant de mener à bien son enquête. Mais les choses se compliquent lorsque leurs recherches se transforment en enquête pour meurtre, alors qu'un de leurs témoins est retrouvé assassiné...
Depuis six mois qu'elle est mariée au fermier Walter Ockwell, Birdie Barclay, jeune femme déficiente mentale qui agit exactement comme on le lui demande, n'a donné aucun signe de vie à ses parents. Craignant que sa belle-famille l'empêche de les voir, ils engagent Arrowood afin qu'il mène une enquête.
Il semblerait que la famille Ockwell la manipule, voire la maltraite, mais dans quel but? Cela aurait-il un rapport avec la déchéance de la ferme depuis la port du patriarche? Pour autant, les parents de la jeune femme semblant eux aussi cacher quelque chose. Pourquoi affirment-ils vivre dans leur maison depuis cinq ans alors qu'il n'y ont emménagé que deux mois plus tôt?
Plus Arrowood essaie de creuser l'affaire, plus le mystère s'épaissit. Où est passée la vieille madame Gillie, disparue subitement après avoir renseigné le détective sur d'éventuelles disparitions d'enfants de la ferme? Et pourquoi le sergent Root, policier du village, refuse-t-il d'enquêter sur cette disparition inquiétante alors que les indices disent clairement qu'il lui est arrivé quelque chose de fâcheux?
Pourquoi les Barclay mentent-ils à propos de leur situation et du mariage de Birdie? Quel sombre secret dissimulent-ils? Norman et Arrowood vont devoir faire preuve d'opiniâtreté et de ruse pour démêler le faux du vrai dans cette affaire complexe.
Les décors du roman bénéficient de descriptions succinctes mais soignées, parfois très évocatrices, reconstituant le Londres de la fin du XIXe siècle:
Pub Willows, QG d'Arrowood: ce n'est pas l'endroit le plus raffiné du monde mais Arrowood et Barnett y ont conduit bon nombre de leurs affaires, et la propriétaire, Rena Willows, a un faible pour le détective.
Catford: ancien village agricole rongé peu à peu par Londres, envahi par de nombreux chantiers de construction: "dans la rue principale, après les petites maisons qui jouxtaient la gare, de grosses villas poussaient comme des champignons; habitées par des commerçants prospères ou des hommes d'affaires négociant au centre ville. Les zones les plus pauvres étaient repoussées dans l'ombre des entrepôts du tram et de la forge, et les familles de laboureurs y vivaient dans des cabanes pouilleuses et humides..." (Page 23).
Ferme Ockwell: "Deux granges, une étable, quelques abris en tôle ondulée rouillée effondrés, et de l'autre côté une vaste demeure. Tout semblait délabré (...)Un tas de crottin grand comme une calèche reposait contre l'un des cabanons...Tout semblait à moitié abandonné: la boue mouchetait les murs jusqu'au toit. Les cheminées étaient fissurées, tordues. Pourri par plaques entières, le chaume semblait déchiqueté." (Pages 26-27)
Reconstitution du sud de Londres de l'époque: ville populeuse dont les rues grouillaient de fiacres, souvent la proie d'un brouillard pénétrant...un quartier pauvre dont certains bâtiments servaient d'asiles de nuit.
Le +: très au fait des méthodes de l'époque pour soigner les "fous": "Les surveillants savaient maîtriser des forcenés, c'était même leur métier, on les sélectionnait pour ça. J'avais entendu parler des traitements qu'ils faisaient subir à ces malheureux pensionnaires, dans un de ces endroits." (Page 190)...la façon dont ils étaient considérés: "Ils ne ressentent pas les choses comme nous...Leurs sens sont comme engourdis. Vous savez que leur cerveau fonctionne à peine en cas de froid? Le meilleur endroit pour lui, c'est un asile, ou une ferme, un endroit où on peut le contrôler." (Page 206).
L'affaire Birdie Barclay recèle tous les ingrédients qui font un bon polar historique: le sens de la mise en scène, des scènes d'action bien huilées, des décors évocateurs, une époque minutieusement reconstituée, des personnages bien campés. Un roman qui se lit tout seul tant son propos et la manière de la traiter sont passionnants.
Retour du duo d'enquêteurs encore une fois bien aidé par Ettie la sœur de William et Needy, le jeune garçon qu'ils emploient régulièrement, après leur première aventure sobrement intitulée Arrowood. Arrowood est toujours obsédé et jaloux des succès et de la reconnaissance dont jouit le célèbre détective de l'époque, Sherlock Holmes et se démarque de lui par son approche de son travail : "Holmes travaille sur des indices physiques, il se sert de sa fameuse logique, mais j'ai constaté de mon côté que beaucoup d'affaires ne présentent pas d'indices. Il faut alors étudier les gens. Et les gens ne sont pas logiques, précisément. Leurs émotions ne sont pas logiques. Pour élucider ces affaires, il faut connaître ces personnes. Il faut comprendre leurs douleurs, leur confusion, leur besoin de reconnaissance. Il faut tenter de voir le monde à leur manière. Je n'ai rien contre Holmes, révérend, mais il considère que les émotions biaisent le raisonnement. Je travaille différemment. Je suis un détective émotionnel. Je résous mes affaires en comprenant les gens." (p. 59)
J'aime beaucoup cette série dont ce deuxième opus est vraiment très bien. Les personnages, les lieux, l'époque bien qu'en perpétuelle évolution sont bien installés. L'un des autres attraits est de nous plonger dans le Londres poisseux et pauvre, à la rencontre des travailleurs, des misérables qui peinent à vivre et à élever leurs enfants. Mick Finlay, cette fois-ci y ajoute le traitement réservé aux "idiots" et "imbéciles" tels qu'ils étaient nommées à l'époque, voire "idiots mongoliens" ou "mongoliens", puisque le syndrome de Down (trisomie 21) venait d'être identifié par le Dr John Langdon Down. Evidemment et heureusement, ces termes ne sont plus utilisés de nos jours. On sent que l'auteur s'est documenté, et il nous présente tout cela de manière extrêmement plaisante et instructive.
Si j'ajoute à cela le fait que les personnages sont vraiment bien campés et leurs relations particulièrement bien décrites, que les seconds et troisièmes rôles sont très présents et renforcent la solidité du récit, de l'ambiance et que la ville sombre et froide, que les écarts entre les pauvres et les très riches qui profitent du système et que l'intrigue monte en tension et se tient très largement jusqu'au bout, vous aurez alors un roman policier excellent, une série très prometteuse que je vous conseille fortement. En plus, Harper Collins a la bonne idée de l'éditer en poche, donc aucune excuse pour la rater.
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