Pourquoi son roman "La Serpe", Prix Femina 2017, fait-il l'unanimité ?
Pauline a 13 ans en 1940 lorsque son père la choisit pour faire tourner la tête des lieutenants allemands et faciliter ses affaires avec eux. Elle passe ses 17 ans dans le lit de l'occupant ; elle sera bientôt tondue. Puis vient novembre 1953 ; accusée d'avoir tué de sang-froid son amant, elle est condamnée à perpétuité. Mais qui est Pauline Dubuisson ? Une arriviste calculatrice ? Un monstre de duplicité ? Ou n'est-elle au contraire qu'une femme libre qui revendique son émancipation, victime des préjugés de son temps ? Philippe Jaenada donne la parole à cette femme que personne n'a voulu écouter et que les soubresauts de l'Histoire ont broyée sans pitié.
Pourquoi son roman "La Serpe", Prix Femina 2017, fait-il l'unanimité ?
Le lauréat du Prix Femina 2017 nous accorde une longue interview sur son roman et sa conception plus globale de l'écriture...
En 2015 "La petite femelle" nous avait passionnés, mais quel lecteur est Philippe Jaenada ?
Entretien avec Philippe Jaenada autour de son dernier roman "La petite femelle" paru chez Julliard. A retrouver dans la palmarès des explorateurs de la rentrée littéraire 2015.
J'ai découvert Philippe Jaenada dans le cadre de l'intime festival de Namur.
Festival consacré à la lecture publique, de livre récent ou pas.
Les extraits de ce livres ont été dans ce cadre lui par Philippe Jaenada lui-même.
J'avais été attirée tant par le thème de ce livre "un procès à charge" entièrement revisité et un auteur qui me semble avoir une personnalité très marquée.
Le livre est épais et dense, la contre enquête ou l'enquête menée par Philippe Jaenada sur le déroulé de l'enquête et du procès mené contre Pauline Dubuisson est extrêment documenté.
Ce livre ne pourra pas faire l'unanimité, tout d'abord il est très très épais en nombre de pages, ensuite il est quelque peu bavard car il passe par des chemins de traverses de deux natures, soit des digressions strictement emprunte à la vie personnelle de l'auteur, soit des digressions attachée au parcours de quelques personnages satellites à la vie de Pauline Dubuisson.
Pourtant ces digressions rendent une épaisseur humaine à cette histoire.
Ce livre fait prendre conscience des limites de la justice et notamment de sa temporalité, Du poids de l'opinion publique alors même que l'ultra médiatisation n'existait pas et que les réseaux sociaux n'étaient même pas en gestation.
Un travail de recherche extrêmement impressionnant, une écriture efficace, sensible. Un léger parti pris qui permet justement d'interroger certains faits.
J'ai bien aimé cette lecture et ne manquerait pas de me pencher sur un autre livre de Philippe Jaenada.
La version Audio de ce livre est formidable, elle est lue par Bernard Gabay.
J’ai toujours fait les choses à contre-courant ou suivant mon propre courant. Au moment où s’excitent les réseaux sociaux sur les livres à venir, j’avais envie de vous parler de La petite femelle de Philippe Jaenada.
La petite femelle, c’est avant tout une histoire d’amour.
Entre un homme et une femme.
Séparés par 50 ans.
Philippe Jaenada retrace la vie de Pauline Dubuisson, auteure d’un crime passionnel dans les années 50 et lourdement condamnée.
Avec la petite voix qui le caractérise, il mène une enquête fournie et scrupuleuse. Il étire des scènes anodines de la vie sur des pages entières comme pour construire un pont entre nous et elle. Entre lui et elle.
Au travers de cette enquête digne d’une histoire passionnante de Pierre Bellemare qu’on écouterait avidement, les yeux fermés, l’oreille collée à la radio comme dans les années 80, dans le doux ennui d’un début d’après-midi dans une morne campagne, c’est non seulement sa vie à elle que l’on découvre mais aussi la France de la Guerre, la France des années post-guerre, la France des années 50. Autant vous le dire de suite, on est loin de la France des résistants et de la liesse post-guerre. Cela ressemble plutôt salement, méchamment à une France misogyne, étriquée, dont l’opinion publique tire à vue, tire la sonnette de la bienséance, tire tout vers le bas. Et cela résonne étrangement avec celle des années 10 et des réseaux sociaux.
Le procès d’une femme devient le procès de la femme ; et c’est pas joli joli.
Au fur et à mesure des découvertes et réajustements historiques rigoureux auxquels se livre l’auteur, une tendresse se dessine. Ses intrusions du présent dans les lieux qu’elle a fréquentés trace le trait d’union entre elle et lui. On sent son désir de la serrer très fort dans ses bras, l’aimer, la consoler. De la vie. De ces hommes persuadés de leur droiture. De cette négation totale des aspirations de cette jeune femme à simplement être elle-même.
L’histoire pourrait être glauque, elle l’est d’ailleurs, mais elle n’est pas que glauque. Grâce à l’humour et le sens de la dérision de Philippe, grâce aussi à cette formidable tendresse pour Pauline, Pauline Dubuisson, toutes les petites Pauline à venir.
Par amour, le récit devient féministe.
Son histoire devient un peu la nôtre. Celle d’une trajectoire contrariée. Celle que peuvent vivre toutes celles et tous ceux qui n’ont pas su se résoudre à être simplement ce que la société ou les bonnes mœurs attendaient d’eux.
A toutes celles et tous ceux qui refusent de se résigner.
A toutes celles et tous ceux qui, peut-être à sa lecture, refuseront de se résigner.
(Il se trouve que Philippe Jaenada use beaucoup de la parenthèse, comme une machine à remonter le temps ou à le suspendre, à transformer 3 mots et une sensation en 50 pages. Je me devais donc de lui rendre un hommage complet, à défaut d’être subtil. J’écris depuis ma terrasse, les pieds sur la table (je fais ce que je veux, je suis chez moi), admirant mes ongles d’orteil joliment teintés de rouge que je n’ai pour une fois pas perdus lors du marathon de Paris (j’ai failli perdre la vie, j’aurais préféré perdre les ongles, comme les années précédentes mais je n’ai pas dû cocher la bonne option), je contemple la couverture du livre en me disant qu’être aimée ainsi à distance ça lui fait une belle jambe à Pauline (je ne sais pas si elle aussi elle vernissait ses ongles mais elle n’a jamais couru de marathon), je me dis que défendre les livres écrits par des auteurs qui défendent les femmes, c’est un bon moyen pour que les Pauline d’aujourd’hui ne deviennent pas comme Pauline Dubuisson (sauf pour les ongles vernis, mais c’est pas obligé non plus). Je me dis qu’on va encore se moquer de moi (pas à cause du vernis mais parce qu’il parait que je parle beaucoup et souvent de Philippe Jaenada (il a écrit d’autres livres aussi bons que la petite femelle)(si ça se trouve il porte aussi du vernis, je n’ai jamais vu ses pieds nus (à Philippe)). Je contemple le soleil couchant sur ma terrasse et je me dis que je m’en fous de ce qu’on peut dire. Moi je l’aime, la Petite femelle. De Philippe Jaenada)
La petite femelle est un livre qui dort dans ma PAL depuis deux ans je dirais. Et c'est le podcast bookmakers dans lequel Philippe Jaenada prend la parole qui a relancé ma curiosité. Apparemment on lui reproche ses petites dérives dans son histoire dans lesquelles il parle de lui. Et déjà en écoutant le podcast je mesurais l'ampleur de son travail de recherche.
Ce travail titanesque se révèle aussi à la lecture. Mais voilà la rencontre n'a pas été des plus fluides pour moi. Ca a été une lecture en dents de scie. J'ai apprécié le travail de "réhabilitation" de Pauline accusée d'avoir tué avec préméditation un de ses amants, ancien fiancé. Pauline dont le caractère fougueux et ses moeurs décrites comme "légères" ne lui laissaient pas une grande chance pour sa défense. Pauline a eu des amourettes avec l'ennemi au cours de la deuxième guerre mondiale et, plus tard, Pauline, ca ne la dérangera pas de coucher à droite à gauche et de profiter de faveurs en échange. Après la guerre, elle se lance dans des études de médecine. Pauline est intelligente, ambitieuse et c'est pour cela qu'elle ne veut pas épouser Félix car elle ne veut pas abandonner ses études.
L'histoire de Pauline est très intéressante, femme très complexe mais considérée comme volage pour l'époque.
Les intrusions de la vie de l'auteur ainsi que ses réflexions, parfois familières, ont eu raison de ma concentration. Il y avait trop de détails, qui révèlent aussi un très gros travail. J'ai largement préféré la deuxième partie du livre consacré au procès, aux échos médiatiques, aux comportements des avocats et procureur face à Pauline.
L'auteur décrit également quelques procès de l'époque. C'est la partie que j'ai préférée parce qu'elle m'a semblée plus fluide mais aussi parce que c'est là que se révèle la bienveillance de l'auteur pour cette femme (qui reste certes une meurtrière mais qui a été jugée surtout pour ses moeurs un peu légères pour l'époque, voilà moi aussi je finis par mettre des parenthèses à force d'en voir trop dans ma lecture) qui reste courageuse face à ses messieurs de la cour qui font preuve de mépris envers cette femme en se permettant par exemple d'être vulgaires.
Je suis contente d'avoir lu ce livre et même si j'ai un avis mitigé, j'ai très envie de lire la serpe.
J'achève la lecture "La petite femelle" dans les larmes.
Ce n'est pas l'écriture de Philippe Jaenada qui attire le pathos mais plutôt la trajectoire dramatique de Pauline Dubuisson qui m'émeut.
Je ne reviendrais pas sur les détails de cette affaire qui défraya la chronique et attisa la haine au début des années 50, car on a beaucoup écrit sur le sujet.
L'auteur avec une précision et une honnêteté exceptionnelles, retrace le destin d'une jeune femme en avance sur son temps, qui commit l'irréparable : un meurtre.
Jaenada raconte l'éducation particulière, l'adolescence ravagée par la guerre, les années d'Occupation, qui ont construit Pauline.
Il dresse le portrait d'une jeune femme à la fois extraordinaire et ordinaire. Extraordinaire si on plonge dans le contexte de l'époque, dans laquelle, pour une majorité de jeunes filles, la réalisation de soi consiste à épouser un bon parti, mettre au monde des enfants et entretenir un foyer. L'éducation de Pauline, oeuvre quasi exclusive de son père, aura un effet à double tranchant : d'un côté, elle lui fournit la connaissance et la culture nécessaires pour s'émanciper et rêver d'exercer un métier (et pas des moindres : médecin !) et de l'autre, elle lui insufflera des principes terrifiants, la condamnant à une instabilité affective permanente. Pauline est aussi une jeune femme ordinaire, avec ses doutes, ses peurs et ses contradictions. Par exemple : vouloir mener sa vie à sa guise et ne dépendre de personne sans vivre seule pour autant.
Jaenada revient minutieusement sur l'enquête et le procès, rétablissant les faits, s'approchant au plus près de la vérité. En le lisant, savourant au passage ses nombreuses digressions qui allègent un (tout petit) peu l'atmosphère pesante du récit, on comprend surtout que ce jugement sert d'exutoire. Pauline a fricoté avec l'ennemi. Elle n'est pourtant qu'une adolescente pendant l'Occupation mais on ne lui pardonnera jamais, on l'accablera, quitte à déformer les faits qui se sont déroulés le 17 mars 1951, et ceux, antérieurs et postérieurs à cette date. Pourtant, des ouvriers qui ont dû travailler avec l'ennemi, et donc se soumettre à lui, il y en a eu beaucoup. Personne n'a jugé ceux qui ont gardé leur travail dans les entreprises de maçonnerie réquisitionnées par les Allemands ou les agriculteurs hébergeant les occupants. A commencer par le père de Pauline, lui-même, qui n'a pas été particulièrement inquiété. Mais Pauline est une femme, éprise de liberté, et ses agissements de petite-fille à peine sortie de l'enfance heurtent une société patriarcale, ravagée par la noirceur des années passées, avide de vengeance et de justice.
Quant à la narration du procès tel qu'il a pu se dérouler, elle plonge le lecteur dans un mélange d'incrédulité et d'horreur. Les acteurs de la Justice jouent leurs scènes. le tribunal prend des allures de théâtre où la vérité importe moins que le spectacle offert, spectacle relayé par la presse à sensation. On n'écoutera pas ce que Pauline a à raconter. Pire, elle ne peut être qu'une menteuse, une manipulatrice.
Le malaise ressenti à la lecture de cette descente aux enfers peut être le même que celui qu'on ressent aujourd'hui quand la presse relate des grands procès. Les réseaux sociaux, qui sont les nouveaux vecteurs de nouvelles, livrent à la vindicte populaire les personnes jugées. Une chose n'a pas changé (et pourtant la guerre est loin...) : l'acharnement de la population. Ce récit, dont les faits se sont déroulés dans un contexte social bien différent devient alors extrêmement contemporain.
Enfin, et c'est ce qui fait de "La petite femelle" une lecture passionnante, l'auteur détaille chaque rencontre de Pauline, ses amies, ses amants, ses parents, ses collègues. Ceci permet au lecteur de se faire une idée juste de sa personnalité et de son histoire. de même, l'exposé de la vie des co-détenues ou des autres accusées de crimes passionnels met en lumière l'humanité qu'on retirera à Pauline car au final, au centre du crime, quel qu'il soit, il y a toujours un être humain. C'est peut-être pour échapper à cette évidence et, ainsi, repousser la proximité qu'elle induit, que, tous, juges, enquêteurs, experts, journalistes et public qualifient promptement de "monstres", ceux qui sont assis sur le banc des accusés.
J'adore cet auteur!
Livre extraordinaire, quelle lecture, quelles recherches ...une véritable enquête parfaitement documentée ...une lecture qui ne laisse pas indifférente aux procès ...a lire absolument
Une célèbre affaire dramatique dans la France du XXe siècle.
J'avoue humblement, comme tout individu, avoir jugé bien rapidement cette femme. Il appert qu'en ayant lu le magnifique -roman/document- de P. Jaenada, mon sentiment sur le sort de celle-ci m'a laissé un arrière-goût de "malaise". Coupable certes, mais jusqu'à quel point? A chacun de faire son opinion; Un jugement de cet ordre devrait être à l'abri de la vindicte populaire. Qui dans ce cas donne un jugement lapidaire.
Très agréable à lire, d'autant que l'auteur, parsème son ouvrage de ses sentiments. On aime ou on n'aime pas !
« Les défenseurs de la Loi, les chevaliers intègres de la Justice, je crois qu’ils ont menti sciemment, en toute connaissance de cause puisqu’ils ont lu le dossier (espérons) : ils ont triché dans l’enceinte du plus grand tribunal de France, pour écraser une jeune femme de vingt-six ans comme une punaise. »
Philippe Jaenada est clair dès le début de ce livre passionnant tellement il foisonne de détails, de précisions recherchées et trouvées grâce à un énorme travail, d’humour aussi ce qui détend bien le lecteur découvrant l’engrenage infernal de la vie de celle qui fut « une éclaireuse » qui a vaincu finalement car « les rues sont pleines de paulines. »
Le cinéma et d’autres auteurs se sont déjà emparé de l’histoire de Pauline Dubuisson et Philippe Jaenada n’hésite pas à se confronter à ceux qui l’ont précédé, sans complaisance et avec un souci constant de la vérité, écartant tout ce qui a été romancé, même si cela était fait avec talent, comme par Jean-Luc Seigle dans "Je vous écris dans le noir", livre « volontairement faux », récréant Pauline.
Au cours de son récit, l’auteur n’hésite pas à citer des événements, à raconter d’autres histoires, à détailler d’autres vies inspirées par son enquête qui commence dans la villa Les Tamaris, à Malo-les-Bains, commune détachée de Rosendaël puis rattachée à Dunkerque en 1969.
Pauline qui est née le 11 mars 1927, « dix mois après Marylin Monroe, quatre avant Simone Veil… », aura bientôt 14 ans. Il décrit minutieusement sa famille, détaille ses ascendants. André Dubuisson, son père, l’a élevée. Cet ingénieur revenu de la Première guerre mondiale comme colonel et officier de la Légion d’honneur a déjà eu trois garçons avec Hélène Hutter, son épouse, membre d’une famille où « il y a plus de pasteurs que de saucisses à Francfort » et aussi de la consanguinité.
Il est indispensable d’insister sur ce que fut l’enfance de Pauline avec une mère qui ne sort pratiquement pas de chez elle et un père « intelligent et cultivé, rude, exigeant et directif… par conséquent autoritaire… Le colonel Dubuisson est austère, il est à l’austérité ce que l’eau est à l’humidité… Dès les premiers jours, il l’aime comme la mère juive de légende aime son fils. Il va en faire son double féminin, en l’améliorant. »
Elle ne va pas à l’école. C’est une préceptrice qui s’occupe d’elle avant que son père prenne le relais. Il lui inculque que la vie est un combat et qu’il faut être fort parmi les forts, contrôler ses réactions spontanées, réprimer ses élans. Il « en fait à la fois sa prisonnière et la reine de la maison. » Elle n’a que 7 ans et sera inscrite au collège l’année suivante avec deux ans d’avance mais « elle choque élèves et profs, on la trouve anormale, sèche, brutale, déjà cynique… » Précisons que sa mère l’appelle Paulette car Pauline, elle n’aime pas ce prénom. Les temps ont bien changé…
L’histoire de Pauline Dubuisson est lancée et elle se poursuit, très détaillée. Les Allemands occupent Dunkerque, une ville qui sera la dernière libérée, en France, le 9 mai 1945 et Pauline a le tort de vouloir vivre sa vie…
Une vie comme la sienne est très difficile à résumer car les drames qui la jalonnent méritent des explications fouillées, ce que Philippe Jaenada réussit parfaitement. Il faut lire "La petite femelle" pour enfin connaître la vérité sur une histoire qui a défrayé la chronique, en France, pendant plus de dix ans.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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