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À l'instar de l'inceste qui lui est étroitement lié et avec lequel il constitue l'un des deux tabous fondamentaux, le parricide occupe incontestablement une place essentielle dans la tradition occidentale, et ce bien avant l'élaboration conceptuelle du complexe d'Oedipe par Freud au début du xxe siècle. En 1973, l'équipe de Michel Foucault au Collège de France faisait paraître un ouvrage retentissant : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère. Plus qu'au crime de ce paysan normand de vingt ans qui, le 3 juin 1835, massacra à coups de serpe sa mère, alors enceinte, sa soeur et son frère, les auteurs s'attachaient aux discours de la justice et des médecins, du « pouvoir », considérant le mémoire autobiographique de Rivière comme un point zéro du discours, fermé à toute interprétation. En somme, le tabou sur le crime lui-même n'était pas vraiment levé.
Analysant 771 affaires de parricide jugées aux assises entre 1825 et 1913, ce livre vient combler un manque, celui d'une étude globale sur le crime « le plus monstrueux qu'ait à frapper la justice humaine », selon l'expression de Pierre Larousse. Il en fait la généalogie, de la lente maturation du geste jusqu'au brusque passage à l'acte, et enfin à la punition solennelle immanquablement la mort (avec amputation du poing droit jusqu'en 1832).
Ni la réalité statistique, ni la publicité des affaires ne justifient l'effroi de l'opinion du temps pour ce crime. Seuls deux parricides, Rivière en 1835 et Frédéric Benoît, assassin de sa mère en 1829, sont entrés dans la série des cas célèbres. Le coupable est généralement un homme jeune, un paysan, confronté à l'autorité abusive du père, en conflit ouvert sur la répartition des biens. L'apogée du parricide correspond, à son apogée, aux derniers temps d'une société patriarcale en vase clos. En 1865, un Auvergnat justifie le double crime perpétré contre son père et sa mère : « Quand les gens sont trop vieux, quand ils ont soixante ans, comme mon père et ma mère, qu'ils sont neutres et inutiles, on fait une assemblée de famille... Le sort désigne celui qui doit les tuer... On les tue et tout est fini. » Or le siècle fut tout entier marqué par la lutte de la société contre la violence de plus en plus domestique, avec la naissance de la criminologie et de la médecine mentale. Mais plus encore, cette ère de révolutions fut traversée par la question de l'autorité, à travers la réminiscence et les répétitions symboliques du plus grand des parricides, l'exécution du roi en 1793. Aujourd'hui simple circonstance aggravante de l'homicide, surpassé dans l'échelle des crimes par le crime contre l'humanité, le parricide fut bien le « crime des crimes » du XIXe siècle.
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