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La mécanique des profondeurs

Couverture du livre « La mécanique des profondeurs » de Thomas Day aux éditions Le Belial
Résumé:

Le clapotis de l'eau me réveille.
Cette nuit encore, j'ai rêvé de mon père : j'étais une de ses victimes - consentante, comme d'habitude. Ma couche tangue presque à verser alors que j'étire ma carcasse trop souple. Une légère odeur d'algues et de vase assaille mes narines, irrite mes ouïes.... Voir plus

Le clapotis de l'eau me réveille.
Cette nuit encore, j'ai rêvé de mon père : j'étais une de ses victimes - consentante, comme d'habitude. Ma couche tangue presque à verser alors que j'étire ma carcasse trop souple. Une légère odeur d'algues et de vase assaille mes narines, irrite mes ouïes. Sans même avoir besoin d'ouvrir les yeux, je sais que j'ai trop dormi, que la marée haute remonte peu à peu mon hamac de kevlar vers la cuisine. Je fais craquer ma nuque dans l'obscurité. Des larmes brisent les fleurs de sel qui collaient mes paupières. Ma langue sépare mes lèvres, glisse sur mes dents tranchantes. Je me sens desséchée, jusqu'à la douleur. J'ai dormi trop longtemps, d'un sommeil presque chtonien qui ne me réussit guère. Je déséquilibre mon hamac au point de me livrer aux flots, doucement, sans éclaboussures. Les vaguelettes me caressent, me réhydratent. Après quelques mouvements de nage, je saisis les premiers barreaux de l'échelle - particulièrement glissants à cause des algues. Je progresse péniblement jusqu'à la cuisine. M'man dort toujours ; le sas de sa chambre close nous sépare. Hier au soir, elle écoutait encore la télé quand je suis descendue me coucher.
Ma présence dans la cuisine déclenche la domotique. Une douce lumière jaillit des bouquets de fibre optique qui parasitent les murs. Au fond de la pièce, une phrase clignote sur mon portable : Le cynisme est la plus élégante des formes d'agression. Quelques mots que je connais par coeur, qui me lient à mon coéquipier.
Je libère le message de Piør d'une simple caresse sur l'écran. Pendant que ma bécane télécharge l'ordre de mission de la journée - un rendez-vous, au sec, à 9 h 00, sur Kinkerstraat dans Oud West - , j'attrape des Demoiselles du Mékong dans l'aquarium, prépare une poêle. L'épuisette jette les animaux agités dans le beurre brûlant. Le crépitement des pattes et des antennes de ces gigantesques crevettes à l'agonie s'accompagne d'une bonne odeur de beurre chaud, de poivre et de marée.

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