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La France, une puissance continentale, comparée à la puissance maritime par excellence, la Grande Bretagne, est un lieu commun de l'historiographie. La défaite de juin 1940 semble, au premier regard, conforter cette perspective. Bernard Costagliola donne un coup de barre salutaire à cette vision des choses et renouvèle notre connaissance du régime de Vichy en l'envisageant d'un point de vue maritime, à travers l'histoire du blocus.
En 1939, la mer n'avait jamais été aussi essentielle pour la France. Son économie vit des importations de ses colonies. Elle possède alors la 4eme flotte militaire du monde et la 7eme flotte marchande. Après l'armistice, la marine et l'empire constituent donc les cartes principales du jeu vichyssois. L'Amiral Darlan ne fait pas secret de sa volonté de faire valoir ces atouts auprès d'Hitler, pour faire de la France le partenaire maritime et colonial d'une Allemagne sans colonies extra-européennes. A partir de 1941, Darlan recherche de plus en plus activement un accord d'envergure, allant jusqu'à l'accès de navires de guerre allemands aux ports coloniaux français, au risque d'incidents avec la flotte anglaise. Malgré le soutien à Berlin du großadmiral Raeder, commandant en chef de la Marine allemande, Hitler refuse toute contrepartie sérieuse aux gestes de l'amiral français et impose à Vichy un loyer en produits coloniaux, livrés aux pays de l'Axe, pour pouvoir importer quoi que ce soit. Bernard Costagliola éclaire avec maîtrise les dimensions maritimes d'un rapport franco-allemand de plus en plus oppressif.
Il nous donne pour la première fois une vue d'ensemble de la collaboration coloniale et maritime vichyssoise dans toutes ses dimensions commerciale et stratégique.
L'auteur envoie également par le fond l'hypothèse selon laquelle un blocus hermétique britannique, mis en place peu après l'armistice, est desserré à la fin de l'automne 1940 par un accord secret entre Vichy et Londres. Au contraire. Vichy ne poursuit jamais une politique secrète avec les anglais et Churchill ne renonce jamais au principe du blocus même s'il ne l'applique que sélectivement et épisodiquement. Pour trois raisons : la Royal Navy manque de moyens (sa priorité est devenue la bataille de l'Atlantique) ; les deux côtés ont la volonté de ne pas arriver à un clash d'armes ; enfin, pour la perméabilité du blocus, Roosevelt préfère encourager Vichy dans sa neutralité par un peu d'assistance. Il cherche à modérer "la manière forte" de Churchill et le contraint à accepter des livraisons alimentaires et médicales américaines destinées principalement à l'Algérie et au Maroc en préparation déjà d'un débarquement américain en Afrique du Nord, celui qui aura eu lieu en novembre 1942. Bernard Costagliola ramène ainsi enfin pour la première fois à ses justes proportions le blocus britannique, systématiquement mystifié jusqu'à nos jours par la propagande du maréchal.
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