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« C'est ma mère. Je la regarde sans mots. De sa vie, de ses quinze ans en Kabylie, je sais peu de choses. Presque rien. Ma mère était paysanne, elle cueillait des olives, elle surveillait les moutons. Elle dormait sur la terre battue et ne connaissait ni l'école, ni la liberté. Longtemps je n'ai pas osé la questionner. Puis j'ai enquêté, je suis partie en Algérie. J'ai découvert que ma mère, timide et discrète, était une héroïne. Qu'elle avait connu, si jeune, le maquis, la résistance, la fuite, le camp. Sans doute la torture et la violence des hommes. J'ai compris aussi qu'elle avait aimé la fraternité et la vraie liberté... »N.H.www.norahamdi.com
Peu de récits sont consacrés au rôle et à l’engagement des femmes dans les guerres , dans les mouvements de libération .Celui de Nora Hamdi , La maquisarde , a des chances de faire bonne figure dans cette catégorie .Dans ce texte , les étapes de l’engagement de la mère de Nora Hamdi sont retracées , explicitées .Nous sommes au début de la guerre d’Algérie en Kabylie, et Nora Hamdi situe d’emblée les injustices criantes dont sont victimes ce qu’on appelle alors les « indigènes » : « Comme la plupart des enfants de mon entourage, je ne suis jamais allée à l’école. Elle n’existe pas pour les enfants de la région (…) L’école est pour les enfants de colons .Pas pour les Algériens. »
Ce qui motive la mère de Nora Hamdi, c’est également l’exemple de Déhbia, cette femme connue par l’intermédiaire de sa sœur Esma .Ce qu’elle admire chez cette femme , c’est sa pratique du métier d’aide –soignante, qui lui permet d’aider secrètement les maquisards du FLN , c’est aussi son sacrifice conjugal car son époux a rejoint le maquis et ne peut donc donner de nouvelles…Après avoir connu les camps d’internement dont elle parvient à s’évader , le choix de cette femme est irrémédiable , elle affrontera tous les risques : « Beaucoup de familles ne supportent pas l’idée de voir leurs filles , femmes, mères, sœurs prendre les armes .Tous ont peur des terribles représailles .Celles qui s’engagent risquent le viol et la torture . »
Sans céder au manichéisme, qui confinerait les européens au rôle de méchants, cette mère admire Suzanne, qui sympathise avec la cause du peuple algérien, et connaît pour cela le traumatisme de la torture : »Puis le plus terrible .Les charges d’électrodes faisaient tressauter son cœur .Elle se souvient précisément de cette sensation entre la vie et la mort. »
L’engagement de sa mère la conduit à imaginer l’Algérie de l’après-guerre, à entrevoir le rôle nouveau des femmes dans la société, leur reconnaissance : « Les hommes n’oublieront pas notre combat .Nous aurons les mêmes droits qu’eux, nous serons libres et égales dans la constitution du nouveau gouvernement. (…) Je lui confie que depuis que j’ai goûté à la liberté, je suis certaine que pour les femmes, rien se sera jamais comme avant .On sera de celles qui redresseront le pays (…) Nous serons des femmes libres dans notre pays. »
On sait que cet idéal n’a pas été concrétisé dans l’Algérie indépendante ; pourtant, ce portrait d’une femme volontaire, farouchement déterminée emporte l’adhésion du lecteur .La structure du récit, articulé autour de quelques étapes telles que l’enfance, le constat des inégalités, la description de la répression exercée alors, le rôle des proches, évite l’écueil du didactisme, elle n’en est que plus convaincante. Ouvrage à découvrir.
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