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Dans une écriture abrasive, voici l'histoire d'un jeune homme des années soixante-dix dans un township de Harare, la capitale du Zimbabwe. La Maison de la faim est autant sa propre maison où le moindre quignon de pain a valeur d'or, que le symbole de la pauvreté des banlieues d'Harare, l'appétit de vivre et d'apprendre d'un adolescent en colère qui grandit dans un milieu hostile, raciste et d'une extrême pauvreté.
Critique sociale et exploration de soi, audace verbale fulgurante dans ce texte culte pour la littérature anglophone des années 70. Ce roman est considéré comme le départ d'une nouvelle écriture africaine, incisive et visionnaire. La Maison de la faim a reçu le Guardian Fiction Prize en 1979, Marechera est le premier et seul Africain à avoir remporté ce prix.
Dambudzo Marechera, né en 1952, dans l’ex-Rhodésie devenue l’actuel Zimbabwe était une étoile filante trop vite éteinte. Mort à 35 ans, victime de l’alcool de la « dagga » (cannabis local) et miné par le sida. « La maison de la faim » fut son œuvre majeure, une nouvelle couronnée de succès puisqu’elle obtint à sa sortie, en 1979, le prestigieux prix du Guardian Fiction Prize. Cet ouvrage relate le mal-être d’un étudiant érudit dans cette Rhodésie où règne l’Apartheid, sous la férule de son premier ministre Ian Smith.
Dans cette fiction, Dambudzo nous relate la vie dans la « maison de la faim » qui peut être sa propre demeure où règne la violence du frère du narrateur Peter et la débauche de sa mère qui se prostitue. Mais cette « maison de la faim » peut aussi bien décrire, plus globalement, le township où il vit, territoire d’illettrisme, de violence, d’alcool, drogue et de sexe. Ou bien même, l’état Rhodésien, où la milice blanche et la population de même couleur déroule sa politique de terreur. C’est une haine du blanc pour le noir, mais la réciproque est vraie, notre narrateur ne dit-il pas « il y a de la merde de blancs dans nos dirigeants et de la merde de blancs dans nos rêves et de la merde de blancs dans notre histoire et de la merde de blancs sur nos mains et dans tout ce que nous construisons ou tout ce pour quoi nous prions….»
Les hommes naissent libres et égaux mais pas vraiment sous toutes les latitudes et cette histoire doit nous servir de devoir de mémoire pour tous les peuples opprimés. Le style de Dambudzo est percutant, frappe fort, noir plus noir que sa couleur de peau mais laisse échapper de belles envolées malgré cette noirceur. Je terminerai sur cette belle citation à propos de la pluie qui tombe, enveloppe et digère tout « Elle tambourinait sur les toits en amiante. Elle tambourinait aux fenêtres. Elle pilonnait les esprits. Elle tambourinait sur nous jusqu’à l’insoutenable. Elle se déversait toute noire, en clapotis, en ruisseaux, s’abattait sur nos têtes comme un coup de poing. Elle rugissait, éclaboussait, détrempait, dégringolait bégayante et tonitruante des béances noires de l’univers immense et sans conscience. Elle montait. Elle gonflait. Claquait sur elle-même comme un fouet. Vomissait à grands seaux une frénésie de fretin d’argent. Ses bruits de succion et de boue qui clapote tournoyaient sans fin dans nos esprits. Nous glaçant jusqu’à l’âme. Délire d’une pluie précipitant toute l’école dans son excitation fébrile. Eruption pareille à celle d’un furoncle qui éclate et éclabousse tout de ses acides noirs ».
A noter la jolie préface de Sylvain Prud’homme
Un grand merci aux Editions Zoé pour cette lecture pénible mais nécessaire.
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