Des découvertes littéraires pleines d'émotions et de promesses
Des découvertes littéraires pleines d'émotions et de promesses
Depuis qu’il a quasiment raccroché les gants de boxe, l’ancien champion Max Le Corre est devenu le chauffeur du maire de la ville. Sa fille de vingt ans, Laura, ayant l’intention de revenir s’installer près de lui, il a l’idée de solliciter son patron pour aider la jeune femme à trouver un logement.
Le premier abord surprend, tant l’écoulement interminable de certaines phrases laisse le lecteur sans respiration. L’on s’y perd parfois, il faut relire, c’est d’abord déconcertant. Mais, conquis par la justesse des mots et par la perfection des tournures, l’on se laisse vite emporter par la vague, définitivement impressionné par une singularité stylistique sublimant un propos qui fait mouche à tout coup.
Rapidement se précise entre les personnages une inextricable et sordide relation de pouvoir. Un élu accro au sexe s’est habitué à user sans vergogne de son omnipotence. Il est flanqué d’une sorte d’homme de main, engouffré dans son sillage pour son arrangeante et discrète complicité. Face à eux, une jeune fille, sans grandes ressources en dehors de sa beauté plastique, devient une proie idéale lorsque son père la leur livre innocemment en quémandant un appui. Le récit s’intéresse à la manière dont se met en place l’emprise, enfermant sournoisement sa victime dans une ambivalence paralysante qui aura beau jeu de passer pour un consentement. Quoi qu’il arrive, l’assujettie endosse tous les torts : n’ayant jamais réussi à dire clairement non dans l’impasse où elle se trouvait acculée, elle ne sera jamais crédible lorsqu’elle cherchera à dénoncer l’abjection qu’on lui a imposée. L’emprise a ceci de terrible : la victime se laisse prendre au piège qu’elle pense sans échappatoire, et ne parvient jamais à prouver la perversité du manipulateur qui a toutes les apparences pour lui.
Avec ses personnages croqués dans la plus grande économie de moyens et qui crèvent pourtant les pages, ses vérités si finement observées et l’inimitable qualité de son écriture, ce roman brillant et hypnotique est un pur moment de plaisir. Coup de coeur.
J'ai adoré retrouver la voix de Marie du Bled qui m'avait totalement séduite déjà lors de mon écoute de Là où chantent les écrevisses.
Une histoire comme il y en a, tous les jours : un homme qui se sert de son influence pour obtenir les faveurs d'une jeune femme. Ici, c'est Laura, 20 ans, qui rencontre le maire de sa ville, dans l'espoir qu'il lui trouve un logement. Poussée à ce rendez-vous par son père, Max, le chauffeur du maire, elle met le pied dans un mécanisme qui la mettra très mal à l'aise mais où elle se sentira pieds et poings liés.
Comme dans Les choses humaines, lu il y a peu, l'auteur nous distille les détails d'une histoire et nous laisse nous faire notre propre opinion. Le point de vue est un peu plus manichéen mais c'est tant mieux car, cela m'avait manqué dans le roman de Karine Tuil.
Des personnages forts, attachants. Un texte parfait avec des images magnifiques. Une lectrice qui incarne à merveille tous les rôles. J'ai beaucoup aimé ! Je l'ai d'ailleurs écouté très rapidement !
Très bon roman .A travers l'histoire d'une jeune fille de 20 ans tombée sous l'emprise du maire d'une petite ville de Bretagne, les personnages essaient de cerner ce qu'est le consentement , le non-consentement, la soumission.
Qui ne dit mot consent ?
Je me demandais à quoi correspondait ce titre, heureusement le mystère est levé assez rapidement.
« Oui, a-t-elle dit aux policiers, ça peut vous surprendre mais je me suis dit que j’avais fait le bon choix, ça et les baskets blanches qu’on a toutes à vingt ans, de sorte qu’on aurait pas pu deviner si j’étais étudiante ou infirmière ou je ne sais pas, la fille qu’on appelle. La fille qu’on appelle ? a demandé l’un d’eux. Oui, ce n’est pas comme ça qu’on dit ? Call-girl ? »
Au début j’étais un peu gêner du choix de faire une narration directe, d’un dépôt de plainte. La voix de Laura ne m’inspirait pas d’empathie, voire m’agacer.
Et justement, c’est cela la force du roman de Tanguy Viel.
Laura revient vivre chez son père, ancien boxeur, même si à la quarantaine il a décroché à nouveau les gants, mais le reste du temps il le passe au volant de la voiture de Monsieur le maire.
Le père se dit qu’il peut solliciter son patron pour favoriser la demande de logement de sa fille. Laura va donc décrocher un rendez-vous, et elle vous détaille par le menu cette rencontre, qui ne sera pas sans conséquences.
A partir de là le lecteur est ferré, il y a un rythme que l’on sent immuable qui vous entraîne voire vous enchaîne.
Max le père de Laura est une pierre angulaire du trio : Franck Bellec, dirigeant du Casino mais avant cela manager de Max le boxeur, c’est lui qui a découvert son potentiel et fait sa carrière, et le maire Le Bars qui avait fait du Neptune l’annexe de la mairie.
« En un sens, il était cela, Franck Bellec, un trésorier de premier ordre, au point que pas un maire ni un banquier ni je ne sais quelle huile locale n’aurait fait l’économie de ses visites au prince […], Le Bars, n’avait fait que rappeler ce qu’ils étaient l’un pour l’autre : deux araignées dont les toiles se seraient emmêlées il y a si longtemps… »
En effet, l’auteur travail l’oralité avec un art consommé.
Le lecteur n’a aucun mal à comprendre que le maire n’utilisera son influence qu’avec la contrepartie suggérée lors du premier entretien avec Laura. Aucun geste n’est anodin (juste des gestes de goujats qui pensent que tout leur est permis) et user du charisme que lui confère sa fonction pour mettre l’autre sous emprise dans un silence qui vaut acceptation.
La maxime « qui ne dit mot consent » est battue en brèche par cette démonstration magistrale.
Le sujet est d’actualité, là n’est pas l’originalité. Et contrairement à la plupart des livres qui traitent ce sujet, l’auteur sait faire voir, avec intelligence et précision, les mécanismes qui sous-tendent ces histoires. Le lecteur a la sensation de voir, là sous ses yeux, les mécanismes comme s’il voyait le mécanisme d’une montre suisse.
Il sait aussi nous entraîner dans le gouffre de l’âme humaine, nous montrer pourquoi il y a de bonnes ou mauvaises victimes.
Mais le gâchis qui s’instille dans l’âme des humains négligés car transparents dans leur humanité pour ceux qui se croient au-dessus des autres, peut devenir une poudre dont on recharge les munitions.
C’est cette humanité que Tanguy Viel sait restaurer dans ces portraits.
Et c’est cet art qui nous montre les contours fragiles de la notion de consentement, et sa complexité.
Il sait à la perfection dessiner le langage des corps, du bourreau et de sa victime. Lors du premier entretien, le lecteur sait, sent ce qui parait inéluctable, car le bourreau à une maitrise parfaite de sa domination. C’est d’une précision où même un grain de sable ne peut se glisser.
La souricière de la soumission est mise en place.
Mais il y a un autre paramètre, au-delà des individus, il y a la société qui a cautionné et cautionne encore la domination, les abus de pouvoir, l’image dégradée des femmes, il suffit de voir les publicités, en un mot ça pue.
Et le talent de l’auteur au fur et à mesure de l’histoire, par des phrases longues, fait de son écriture un élément de pesanteur qui fait que son lecteur est en apnée.
Le lecteur ne se dit plus que Laura avec ses airs libérés, ses photos où elle s’exhibe en petite tenue, l’a bien cherché, qu’elle ne doit pas se plaindre, que ce n’est pas grave et qu’après tout elle n’avait qu’à dire non…
Tanguy Viel nous fait subir les mêmes outrages et nous ressortons de cette lecture comme une personne « gâchée ».
C’est brillant, bien ficelé, et cela change le regard car le ton est juste, on ne se répand pas.
L’ensemble est tendu comme un arc sans possibilité de fuite.
Et un final qui n’étonnera personne.
Un beau travail d’écriture sur un sujet où le nombre de livres ne se comptent plus.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/02/04/la-fille-quon-appelle-tanguy-viel/
La fille que l'on appelle de Tanguy Viel
C'est un tout petit livre de 173 pages qui est arrivée sur les étagères de la bibliothèque de mon village. Tanguy Viel, je l'ai connu lorsque j'ai lu l'Article 353 du code pénal, ( qui ne se retrouve que dans le code de procédure pénale) et que j'avais bien apprécié, découvrant des tournures de phrases très longues, descriptives je dirai une écriture cinématographique. Plan par plan, séquence par séquence. Dans La fille qu'on appelle, l'écriture est identique, le même phrasé, la même musicalité je dirai. « Quand il n'est pas sur un ring à boxer, Max Le Corre est chauffeur pour le maire de la ville. Il est le père de Laura qui à vingt ans, a décidé de revenir vivre avec lui. Max se dit alors que se serait une bonne idée si le maire pouvait l'aider à trouver un logement ». Étais-ce une bonne idée ? Je vous laisse le découvrir.
La fille que l'on appelle est Laura. Laura comme elle le dit lors de sa déposition pour plainte est « une call girl », d’où le titre de ce roman. Après s'être fait une image éphémère dans les journaux en double page dénudée, ou sur des 4 par 4 à l'entrée des villes en forme de publicité, elle revient dans la ville ou elle a grandi auprès de son père, Max Le Corre. Max Le Corre est un ancien boxeur, ancien amant d' Hélène Bellec, sœur de Franck directeur du Casino. Il est aussi le chauffeur de Quentin Le Bars, le maire de cette ville bientôt Ministre de la Mer .
Max à 40 ans il se prépare pour un dernier combat avec un nommé Costa. Alors qu'il conduit son maire, il lui demande s'il ne pourrait pas du fait de son influence, trouver un appartement à sa fille.
La première rencontre de Laura et Quentin Le Bars le maire se déroule dans le bureau de la mairie. Immédiatement Monsieur le maire tombe sous le charme de cette jeune personne délurée. En lui germe l'idée d'en faire sa maîtresse, (appelons un chat un chat).
Quoi donc de plus aisé, pour lui trouver de lui trouver un logement en allant voir son ami Franck Bellec. Celui-ci accepte bon gré mal gré, tout en l'informant que ses chambres sont réservées au personnel travaillant au Casino.
Laura travaillera donc au casino, non pas comme hôtesse d'accueil, mais au bar ou telle une vigie, campe Hélène.
Laura découvre sa chambre avec Franck Bellec, lequel l'informe que Quentin Le Bars a annoncé qu'il viendrait la voir ici-même. L'on voit bien qu'un mécanisme d'emprise sur cette jeune femme est mis en place. Je t'ai aidé, ton passé parle pour toi, je peux donc abusé de toi. La le fait pénal est clair est précis, l'on pourrait même évoquer le proxénétisme hôtelier. Mais lors de l'audition de Laura qui ponctue ce roman, tout n'est pas aussi simple.
Au commissariat de police devant deux inspecteurs ( peu dégrossis, c'est moi qui le dit, par le manque de tact envers une potentielle victime ) l'ambivalence entre domination ,soumission, acceptation pour en tirer un avantage, nécessite de recueillir les éléments constitutifs des infractions or ceci n'y sont pas et je ne vous parle pas ici de la notoriété de l'agresseur qui de fait pèsera dans la balance.
Même le procureur de la République saisi par l'enquêteur a partir de trois feuillets d'audition, ( cela se fait mais c'est maintenant peu usité ), mais il est vrai qu'entre temps Mr le Maire est devenu Mr le Ministre, y perd son code pénal et quelques gouttes de sueurs. Différents qualificatifs lui trotte alors dans la tête : corruption sexuelle, abus de faiblesse, trafic d'influence, proxénétisme, pour en fin après mûre réflexion, ouvrir une enquête préliminaire, c'est ce qui était de fait la procédure initiale pour l'audition de Laura, pour trafic d'influence.
Max Le Corre, informé par son ancienne maîtresse Hélène, fera le combat de trop , puis se vengera à sa manière en boxant le ministre en visite sur sa ville.
Cher Tanguy Viel, vous avez voulu faire plus couleur local en citant le journal Ouest-France comme support pour ressortir dans la presse quelques photographies de Laura, dénudée. Je pense cher ami, et pour bien connaître le journal Ouest-France, vous avez du confondre sa ligne éditoriale avec les magazines France-Dimanche ou Voici !
En toute dernière page, vous avez une dernière information : une condamnation et un classement sans suite ! Je vous laisse le découvrir ! Rien d'étonnant en soit, la justice est passée ! Bien à vous.
Toujours une écriture ciselée qui installe une tension dans la 1ère partie pour en exposer les conséquence ensuite. Avec un détachement qui rend les actes des uns et des autres encore plus désolants.
Laura reçoit l'aide du maire de sa ville pour obtenir travail et logement en échange de petites faveurs. Entre compromissions et trahisons, cela ne pourra pas bien finir. Chaque ligne contribue à installer une atmosphère cinématographique pour tous ces drôle de personnages. A l'épilogue, il ne manque plus que le générique de fin. Avec une petite musique triste et grise. Coup de coeur pour cette fin d'année !
Avec ce titre un peu mystérieux, en fait, traduction littérale de call-girl, Tanguy Viel écrit un roman formidable en écho et en accompagnement aux divers mouvements de ces dernières années de femmes osant porter plainte ou dénonçant leur agresseur. L'histoire de Laura est malheureusement et honteusement banale, celle d'une jeune femme qui va devoir accepter les avances sexuelles d'un édile contre un hypothétique logement et un encore davantage hypothétique travail.
Le roman s'ouvre sur la jeune femme qui raconte son histoire à des policiers : on imagine qu'elle porte plainte ou qu'il s'est passé un événement qui l'a amenée à être entendue par la police. Et Laura raconte les faits, la succession des mots, des avances qui n'en sont pas vraiment tout en ne pouvant y échapper et qui mènent vers l'inéluctable. Ses descriptions sont entrecoupées par ses réflexions, son sentiment de culpabilité parce qu'elle n'a pas su ou pu refuser ou repousser le maire ; elle est prise au piège, ne peut s'en défaire sûre de s'y être elle-même mise et n'ayant jamais su ou pu saisir l'occasion de fuir. C'est remarquablement construit, de sorte qu'on sait comment Laura s'est retrouvée enfermée et qu'on comprend qu'elle n'ait pas pu sortir. "Ils se sont regardés à nouveau, les deux policiers, se demandant de plus en plus à qui ils avaient affaire, à force de cette manière un peu digressive, un peu désaffectée aussi, qu'elle avait de raconter son histoire, comme si elle ne lui appartenait pas vraiment, comme si elle se regardait elle-même la raconter sans qu'à aucun moment, non, elle n'ait cherché à les prendre par les sentiments -sa manière à elle, finiraient-ils par comprendre d'y parvenir." (p.74)
Comme souvent dans les livres de Tanguy Viel, c'est un monologue intérieur, une lutte des petits contre les puissants et de profondes réflexions du personnage principal, formidablement mis en mots dans des phrases longues, ponctuées, virgulées, parfois tortueuses mais tellement belles et toujours compréhensibles. On est vraiment dans l'idée que je me fais de la belle littérature. Ouvrir un livre de Tanguy Viel, c'est comme revoir un ami qu'on n'a pas vu depuis longtemps : on retrouve tout ce qu'on aime chez lui et l'on reprend la conversation là où l'on l'avait stoppée sans incompréhension,. J'aime ce sentiment de me retrouver, dans les mots d'un écrivain -ça me le fait aussi avec Jean Echenoz-, en toute simplicité comme si nous étions à discuter autour d'un verre ou d'un repas, un truc qui fait du bien même si le sujet n'incite pas à la rigolade, parce qu'entre amis, on peut aussi parler de sujets lourds.
Aussitôt le panégyrique relatif à "La fille qu’on appelle", dernier roman de Tanguy Viel, prononcé par une amie, je courus acheter le livre et, plus étonnant, me mis à le lire sur le champ. Je viens de le terminer et, à part "WAOUH", je me demande bien quels mots vont pouvoir être à la hauteur du coup de foudre ressenti.
L’écriture de l’auteur est à l’opposé de ce que j’aime. Le texte composé de phrases longues, très longues, de redondances parfois alambiquées, de participes présents exagérément utilisés avait tout pour me repousser et pourtant…Pourtant, je m’y suis noyée au point de ne pouvoir respirer, au point de ne pouvoir revenir en arrière, au point de ne pouvoir arrêter cette lecture. Je me suis sentie enchaînée, mise sous apnée, complètement asservie.
L’histoire semble pourtant simple qui raconte une Laura, vingt ans, revenue dans sa ville après quelques années passées à Rennes à exercer de petits boulots et poser – nue – pour des magazines. Le père de Laura, Max Le Corre, ancien boxeur est devenu le chauffeur du maire. Il le doit à Franck Bellec, son ancien agent, désormais patron du casino et homme de mains du maire. Max Le Corre sollicite l’aide de Quentin Le Bars, le maire, pour trouver un logement à Laura. La machine est en marche. Car il s’agit bien d’une machine qui va, l’air de rien, tout détruire sur son passage.
Le talent de l’auteur est énorme qui nous fait ressentir, comprendre, vivre, juste par des mots : ceux de la jeune femme, prononcés lors de son audition et ceux du maire sous forme de sous-entendus, le contour de cette zone particulière que l’on appelle grise. Pas de violence de la part de l’homme, pas de réaction de la femme, une forme d’acceptation qui n’en est pas une. Un service rendu pour un autre. Mais un service rendu – ou pas d’ailleurs – par plus fort, une nouvelle forme de lutte des classes ou ce dernier exerce, sans en avoir l’air, son emprise sur le plus faible et attend d’être payé en retour.
J’ai trouvé ce roman particulièrement intéressant dans cette manière qu’il a de traiter, mine de rien, les rapports de maître à esclave, avec en filigrane les problèmes de passe-droit, les silences des uns, les yeux détournés des autres. Il est d’une force incroyable et restera longtemps présent.
Un coup de foudre, oui, un vrai !
https://memo-emoi.fr
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