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Kenneth Bernard ? L'héritier de Kafka et de Woody Allen.
La Femme qui pensait être belle est un recueil de treize nouvelles qui dit le monde avec une telle précision que cela en devient absurde. Prendre le métro, marcher avec sa femme, survivre à la disparition d'un livre prêté, comprendre la métaphysique de la déglutition, s'expliquer pourquoi la civilisation a loupé le coche en misant sur Tarzan plutôt que King Kong, ou encore révéler la supériorité de la note de bas de page : voilà autant de problèmes majeurs auxquels vous trouverez des réponses dans ce livre.
Il y a un ton Kenneth Bernard, quelque chose dans ses textes qui les fait reconnaître entre mille : « Je suis un usager très régulier du métro. Je trouve qu'il s'accorde assez bien avec le côté routinier dans ma vie, et j'accepte ses désagréments sans tiquer. J'arrive parfois à m'asseoir, parfois non ; parfois la climatisation fonctionne, parfois non ; et en général j'arrive à destination à l'heure escomptée. Un esprit alerte y trouve en outre suffisamment matière à distraction. Par exemple avec les publicités, qui forment un fascinant sujet d'étude de notre société. On peut même y pratiquer certains exercices discrets pour se maintenir en forme, comme contracter et relâcher ses fesses. Mais surtout, il y a les gens. » (in Vieux dégoûtant) Ancien professeur de littérature au Brooklyn Center de Long Island University, Kenneth Bernard habite aujourd'hui, avec sa femme et trois chats, dans un vaste appartement de l'Upper West Side, à New York. Il est, comme le qualifie l'écrivain et théoricien de l'avant-garde américaine Richard Kostelanetz, « the ultime finge writer »* (l'écrivain marginal par excellence). Vivant en retrait de la société (n'essayez pas de trouver sa trace sur internet), il s'est d'abord fait connaître dans le théâtre d'avant-garde américain grâce à de nombreuses pièces mises en scène par John Vaccaro, fondateur du théâtre Play-House of the Ridiculous. Il poursuit depuis une ouvre en dehors de tout courant, que ce soit sous la forme de pièces de théâtre, de nouvelles et de poésies. Comme Beckett et Kafka (la comparaison revient souvent dans les analyses sur son ouvre), Kenneth Bernard met en scène des personnages qui, à la recherche d'une nouvelle vie, d'une spontanéité presque animale, restent néanmoins pris dans l'étau de leur éducation et de la société. Son style, volontiers ironique, est souvent marqué par un goût prononcé pour la digression, les énumérations, le commentaire, les citations et les notes.
L'oeuvre de Kenneth Bernard comprend de la fiction : Two Stories (1973), The Maldive Chronicles (1987), From The District File (1992) ; des pièces de théâtre : The Night Club and other Plays (1971), How We Danced While We Burned and La Justice (1980) ; et de la poésie : The Baboon in the Nightclub (1994), qui, nominé par les poètes Seamus Heany et Ted Hughes, a obtenu le prestigieux prix Arvon en Angleterre. L'auteur collabore régulièrement à des revues comme Fiction International, Harper's, Paris Review, Salmagundi, etc. Disponible au Tripode : Extrait des archives du district.
Je remercie très sincèrement la maison d’édition Le Tripode pour la découverte pour le moins originale de "La femme qui pensait être belle" de Kenneth Bernard.
Je n’avais jusqu’à présent rien lu de cet auteur et ne serais vraisemblablement pas allée vers ce livre… petit recueil de nouvelles de 146 pages. Dès la première on comprend que l’on entre dans un univers particulier, décalé, insolite, quelque peu anticonformiste, voire absurde. L’auteur s’ingénie, en effet, à se lancer dans de profondes réflexions souvent déroutantes sur des thèmes aussi variés que le rythme de marche différent entre sa femme et lui, l’amour que Lioubov Popova, artiste russe, portait au fox-trot, ou encore le malheur lié au prêt d’un livre jamais restitué. Je ne parle même pas des 30 pages consacrées à une méditation comparée de Tarzan et King Kong.
L’écriture est à la fois simple et recherchée, les mots toujours bien choisis et les idées avancées, pour farfelues qu’elles semblent être, ont toujours un sens. La nouvelle « préparatifs » en est un exemple. L’auteur s’y pose la question de l’attitude à avoir en recevant un appel téléphonique, il s’agit d’une urgence, alors qu’on est nu au sortir de la douche. J’avoue n’y avoir jamais pensé et pourtant elle a son intérêt. Bref, tout au long de l’ouvrage, nous sommes entraînés dans des digressions, pensées diverses, commentaires à foison et notes.
Dire que j’ai adoré serait hypocrite, mon manque de fantaisie ne me le permet pas. Mais j’ai apprécié ce genre, inhabituel pour moi, cette fraîcheur dans les propos et cette ironie qui déborde régulièrement.
Et, comme j’aime autant les livres que la lecture, je ne peux passer sous silence la beauté de l’objet : sa magnifique couverture joliment aérienne et colorée, son intérieur illuminé de bleu, et même sa typographie très élégante.
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