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Le père de Céline, diplômé de Sciences Po, est directeur d'usine. À l'âge où les enfants commencent à parler, il décide que sa fille sera un prodige du piano. Dès 2 ans et demi, Céline commence l'apprentissage. À huit ans, elle gagne son premier concours international. Oui, mais à quel prix ?
À la maison, devant sa mère qui reste muette, Céline est battue plusieurs heures chaque jour. Une fausse note lui vaut un coup de ceinture. Elle est tirée par les cheveux, enfermée dans la cave, privée de nourriture, interdite de tout loisir et amusement. Elle travaille le piano quarante heures par semaine.
Céline raconte le silence qui entoure ces horreurs, bien que son physique révèle ses traumatismes (son père lui rase les cheveux, lui laisse pour unique vêtement quotidien un jogging, elle souffre d'anorexie allant jusqu'à peser 36 kilos pour 1,63 m). Ses camarades de classe la rejettent. Les adultes ignorent son mal être (ses professeurs, son médecin de famille, ses voisins, sa mère).
À 14 ans, elle est sauvée par une infirmière scolaire qui entame le dialogue, recueille suffisamment de constats de coups et parvient à faire placer Céline en urgence. Après 26 mois d'éloignement, elle repasse un an dans sa famille. Son père a entre temps été condamné a deux ans de prison avec sursis et dix-huit mois de mise à l'épreuve. À 18 ans, elle s'installe seule, se reconstruit, et entreprend de devenir médecin.
Un livre dur et poignant sur la maltraitance qu'a vécu cette petite fille qu'était Céline Raphael et toutes les conséquences que cela a pu entraîner.
Avoir un avis sur ce livre serait pour moi avoir un avis sur ce qu'a vécu Céline Raphaël. Et je ne peux me le permettre.
Elle dépeint ici le tableau d'un père autoritaire, violent, uniquement centré sur les prouesses artistiques de sa fille, oubliant en cela son humanité : elle devient objet de ses obsessions. Elle vit l'enfer depuis sa prime enfance, ouvre son cœur en posant des mots sur les maux et retrace son parcours, semé de coups de ceinture, de cris, de hurlements, de solitude, de culpabilité... et d'espérance.
La vie du père tourne autour du piano qu'il lui offre lorsqu'elle a deux ans et demi. Depuis, sa vie a pris une tournure cauchemardesque.Anorexie, insomnie, angoisse. La vie de Céline n'est plus une vie : elle survie à son quotidien, meurtrissant son corps et s'évadant comme elle le peut dans son monde imaginaire. Elle le peuple grâce à ses lectures.Les moments de répit sont peu nombreux, elle ne peut échapper à l'omniprésence de son bourreau.
Elle évoque également sa mère et sa sœur, qui elles n'ont pas subit les mêmes atrocités. Elle essaye de les protéger, évitant de se montrer car les coups n'ont jamais été portés devant des témoins au début. Et elle ne se confiera pas.
La sortie de l'enfer se fait par la nécessité de survivre.
Est ce que le livre dérange? Assurément. Il ne dérange pas par sa présence dans la presse, mais parce qu'il évoque cette réalité des enfants maltraités. Encore sujet tabou, on essaye de prouver que l'enfant dit la vérité, au lieu de l'accompagner en confiance vers un "mieux être". Les appels au secours qu'elle esquisse ne sont pas compris, elle se sent alors isolée, seule à vivre dans cette bulle épineuse.
Après la dénonciation, Céline passe par les témoignages, : police, juge, tribunal... Mais elle en ressort, se confronte à sa réalité et s'en suivront des mois de placements divers et la lutte pour ne pas perdre sa famille : celle ci est accusée et punie par la justice, et découle de cela une grande culpabilité d'avoir brisée sa famille.
Les violences faite aux enfants ne sont pas uniquement le fait d'alcoolique ou de miséreux. On retrouve des bourreaux dans n'importe quel tranche de la population, car l'horreur n'a pas de visage.
Un témoignage tout en pudeur, qui choque et perturbe nos émotions : comment rester insensible? La réalité de l'horreur n'est jamais bonne à dire, elle dérange. Qui? Les personnes qui ne voient pas ou ne veulent pas voir une réalité à laquelle ils ne sont pas préparés. Ils préfèrent faire l'autruche, parfois pour se préserver, parfois pour éviter d'être happé dans l’horreur : comment y survivre?
Pour aller plus loin, j'utiliserai un mot qui est souvent revenu durant mes années d'études (d'infirmière), introduit en France particulièrement par Boris Cyrulnik : "la résilience" qui consiste à prendre acte d’un traumatisme tel que le deuil, abandon, violence sexuelle, guerre, et à apprendre à «vivre avec», voire même à le dépasser. Céline y est elle parvenue?
Arriver à écrire ce livre a été sans aucun doute un traumatisme de plus à surmonter, mais une victoire sur soi même, car revivre le passé en le posant par écrit et en prenant à nouveau conscience de ces actes a du être effroyable. Mais en même temps, un soulagement : on ressent l'inquiétude, mais la prose reste posée, sans métaphore ni exagération. L'exposé des faits à lui seul suffit à placer le lecteur dans une position délicate : devenons nous confident? sans aucun doute, mais avec un regard bienveillant à poser sur ces blessures, tel un baume cicatriciel...
Un récit brutal, difficile à terminer. Mais à lire, pour ne pas oublier, pour aider et pour libérer les paroles.
"Céline est privée de nourriture, battue des années durant, enfermée. Elle craint chaque week-end pour sa vie, travaille, travaille encore, pour briller et jouer les pianistes prodiges en gardant le secret sur l’horreur de sa vie familiale et, autour d’elle, un silence assourdissant.
Comment suspecter l’horreur de la servitude sous les atours de l’excellence ? L’exigence absolue de la perfection qui devient justification de tous les excès et de tous les abus et qui mystifie l’entourage d’autant plus facilement que cette esclave n’est pas affectée à une tâche de souillon mais à une production artistique réservée aux élites ?"
Alors qu'il est synonyme d'harmonie, de légèreté, de beauté et qu'il ne devrait jamais être que cela, le piano n'a pas été pour Céline Raphaël un instrument de musique mais un instrument de torture. De l'âge de 3 ans jusqu'à 14 ans, elle a dû rester enchaînée à son piano, soumise à un père qui voulait à tout prix faire d'elle un prodige. À tout prix, y compris à coups de ceinture, de privations et d'humiliations.
En lisant son récit, on peine à imaginer non pas que tout est vrai mais que cela a pu se passer aussi longtemps dans l'indifférence générale. On peine à comprendre comment Céline a pu endurer tout cela et survivre. Et renaître. Et réaliser son rêve – devenir médecin pour soigner les autres. On peine à croire que personne n'a jamais rien vu, deviné, soupçonné. Que personne n'a jamais rien dit.
Lorsqu'à deux ans et demi, Céline se voit offrir un piano, on ne peut que se dire que, même si elle est sans doute encore un peu jeune, c'est un cadeau magnifique et que, dès que ses petits doigts auront un peu grandi, elle pourra jouer de cet instrument. D'ailleurs, le piano n'est-il pas installé dans la salle de jeux ?
Sauf que le rêve de musique va rapidement tourner au cauchemar. À 2 ans et demi, les premières notes. Et à 5 ans, les premiers coups. "Bientôt je ne serai plus rien. Cassée. Je vais peu à peu devenir un être incapable d'exprimer la moindre opinion, incapable de dire non, de dire stop, de dénoncer. J'étais à 2 ans une explosion de curiosité, et quelques années plus tard je serai uniquement focalisée sur ma survie. Les touches d'ivoire, rigides, et la noirceur de mon piano allaient devenir mon seul horizon."
Paradoxalement, le fait qu'elle soit douée ne va faire qu'empirer les choses et augmenter le niveau d'exigence de son père. Leur déménagement en Allemagne révèle chez lui une véritable obsession pour la perfection qui va se traduire par le recours aux châtiments corporels et psychologiques. Les premiers coups meurtrissent non seulement la peau mais aussi l'esprit de la petite fille de 5 ans : "je venais de perdre mon père et l'amour de mon père. Je découvrais progressivement la peur de l'après et prenais conscience à cet instant-là qu'à tout moment je pouvais mourir. Mourir d'angoisse, mourir de douleur, mourir sous les coups."
À partir de là, son quotidien ne sera plus jamais marqué – dans tous les sens du terme – que par la peur et la souffrance. Pourtant, elle obtient le premier prix d'un concours national à 8 ans, pose en petit prodige de la musique dans le journal La Montagne… et travaille jusque tard dans la nuit Chopin et Mozart. Les jours de concours, son père se montre prévenant, attentionné, fier. Mais dès le lendemain, les sessions interminables au piano, les coups et les humiliations reprennent. Rien n'est jamais assez et la petite fille est privée de nourriture, enfermée dans la cave, ses cheveux sont régulièrement rasés, les quelques objets qu'elle possède sont méthodiquement détruits. Pour la soumettre et briser définitivement toute résistance. "Je t'aurai. T'en crèveras, mais je t'aurai !" lui lance-t-il un jour.
La mère laisse faire, impuissante, tétanisée, totalement sous l'emprise de son mari. Le silence est tout aussi assourdissant et l'indifférence tout aussi grande dans l'entourage : médecin de famille, professeurs de piano, enseignants, personne ne semble rien remarquer ni de la maigreur squelettique de Céline ni de ses absences à répétition. Bien au contraire, certains enseignants lui reprochent son absentéisme et lorsqu'un coup plus violent que les autres l'a fait tomber de son tabouret et provoque un œdème du genou, les médecins parlent d'automutilation, de syndrome de Münchhausen mais aucun n'envisage un seul instant la maltraitance. Parce que les préjugés ont la vie dure et qu'il est impensable pour la plupart des gens, médecins compris, que "de telles choses" aient lieu dans une famille aisée et bourgeoise – les "Cosette", c'est bien connu, n'existent que dans les familles pauvres et défavorisées…
Il faudra toute l'attention, la patience et l'obstination d'une infirmière scolaire pour que le destin de Céline bascule enfin. Pour que quelqu'un réagisse enfin à ses 45 heures de piano hebdomadaires et à ses 38 kg. "Je dois la vie à cette femme. Très vite, je ne pouvais plus me passer de nos rendez-vous. Grâce à elle, j'avais un sentiment d'invincibilité. Elle était comme une force magique qui m'empêchait de mourir quand je rentrais chez moi, le week-end." L'infirmière va peu à peu apprivoiser la jeune fille de 14 ans, l'écouter, l'amener à se confier puis à faire des constats de coups et, enfin, un signalement à la police. Céline est alors retirée à sa famille, placée sous X, d'abord en hôpital puis dans une famille d'accueil, puis dans un foyer pour… jeunes délinquantes ! Le parcours est ubuesque et les lieux totalement inappropriés – comme si aucune solution n'existait. Obligée de se lever à 4h30 pour aller au lycée, elle finit par choisir de retourner chez ses parents, le temps d'obtenir une bourse et donc son indépendance, pour elle et pour sa sœur Marie. Forte du statut de victime qui lui a été reconnu et de la phrase lapidaire de la procureure qui a qualifié son père de "minable", Céline a gagné en confiance. Elle est prête à tout pour réaliser son rêve de devenir médecin, y compris revenir auprès de celui qui lui a fait tant de mal et qui n'aura finalement été condamné qu'à deux ans de prison avec sursis, dix-huit mois de mise à l'épreuve avec injonction de soins, ce qui paraît dérisoire au regard de ce qu'il a fait subir à sa fille
Elle aurait pu en mourir. Elle aurait pu être brisée à jamais. Non seulement elle a survécu mais en plus elle a accompli ce qu'elle souhaitait : devenir médecin pour soigner les autres et militer pour un engagement politique en faveur de la protection de l'enfance. À cet égard, son livre est d'ors et déjà une remarquable contribution. Loin de tout pathos, le récit, fort, dérangeant, âpre, est à l'image de son titre : sobre, précis, pudique. Il montre que la maltraitance n'a pas de milieu de prédilection. Il invite à oser ouvrir les yeux et briser la loi du silence. Il permet de rappeler que deux enfants par jour meurent en France des suites de maltraitance et que "dans la plupart des cas, on aurait pu agir et on ne l'a pas fait". Il engage les professionnels de santé et les personnels scolaires à se former, à s'interroger, à se renseigner et à agir.
De cette enfance fracassée, Céline a conservé un corps émacié et sans doute beaucoup de fêlures intérieures que l'on devine malgré son éblouissant sourire et ses yeux pétillants. Mais elle a survécu. Mieux que cela, elle s'est épanouie, elle a tracé son propre chemin, elle a réinventé sa vie. Et elle a redécouvert la musique et son véritable pouvoir en jouant dans un service de soins palliatifs : "ce jour-là, j'ai compris ce qu'était vraiment la musique. J'ai compris que j'avais le don d'apaiser les souffrances l'espace d'un morceau. J'ai compris que ce piano qui m'avait fait tant souffrir pouvait donner un peu de bonheur aux autres. (…) Aujourd'hui, ma vie est belle. Je fais un métier que j'aime profondément, je vis avec un conjoint que j'aime passionnément et je profite des petites richesses que chaque jour peut m'offrir. Plutôt que de nier mon passé, j'ai choisi de m'en servir pour que les choses évoluent, pour les autres."
A travers ce livre, Céline Raphael dénonce toute la cruauté que lui a fait endurer son père, de l'âge de 2 ans et demi à 14 ans. Pour rattraper ce qu'il a loupé dans son enfance son père n'aura qu'une lubie emmener sa fille le plus haut possible, son outil de torture : le piano. Un jour un professeur de piano a le "malheur" de dire à son père que Céline Raphael a de grandes capacités qu'il ne faut surtout pas gâcher, à partir de ce moment son géniteur devient alors son bourreau prêt à tout pour que sa fille devienne une prodigieuse pianiste, s'en suivent alors des années de coups, d'humiliation en tout genre, de privation, de torture psychologique 45 heures de piano par semaine, elle fait tout pour satisfaire son bourreau qui en veut toujours plus, il fait passer ses faiblesses pour de la rébellion, l'accuse de tous les maux. Biensûr il y'a des personnes qui voient ce qu'il se passe, mais personne ne bouge jusqu'au jour ou une de ses professeurs intervient auprès de l'infirmière scolaire et au fur et à mesure elle va réussir à sortir de cet environnement familial torturé. Aujourd'hui devenue médecin elle s'est promit de tout faire afin de dénoncer la maltraitance des enfants...
Un témoignage sur la maltraitance abominable, terrible, poignant, c'est triste et malheureux de se dire que cela arrive bien plus souvent qu'on ne le pense et comme dit si bien Céline Raphael cela n'arrive pas que dans les familles marginales au contraire..
Avec ce livre l'auteur ne cherche pas à se faire plaindre, à se lamenter, non elle n'a qu'un but dénoncer afin que tout le monde sache et que des vies soient sauvées..!!
Ce livre est magnifique, bouleversant. Au bout du 6ème chapitre je me demandais bien ce qu'elle avait encore à nous dévoiler, à nous annoncer! Céline nous dévoile pas mal de chose de sa vie, de son enfance, de ce qu'elle a endurée chaque jours. Une chose à retenir : tout ça n'arrive pas que là où on les attends!!
Ce livre m'a bouleversee et je me pose la question de savoir qui est le plus coupable. Le pere pour ses actes ou la mere pour son silence. Peu importe. Ce qui est essentiel, c'est la volonte de Celine de s'en sortir et la reussite de sa vie
Aillant bouclé ce roman aujourd'hui, je me permet d'en donner mon avis.
Voilà donc le premier du genre de "témoignage d'enfance difficile raconté par la victime" qu'il m'arrive de lire.
Je dois avouer que c'est troublant. On se glisse très facilement dans la peau du personnage, on subit ce qu'il subit. Ici, on EST Céline. C'est le fait d'endurer tout ça qui fait parfaitement comprendre que cette situation est plus qu'horrible.
Le roman dénonce deux choses :
- le courage, la force et le désespoir qu'il faut pour dénoncer des maltraitances.
- l'inaptitude du monde à percevoir les signes de ces faits.
Au final, l'histoire est touchante comme troublante et surtout n'a pas le seul but de dire "Regardez ça existe, par pitié ou je ne sais quoi ne faites pas pareil !" mais aussi "Bordel ! Ouvrez les yeux ! Ça se voit qu'il y a quelque chose qui ne va pas !".
Très beau et très courageux témoignage ; la complexité des sentiments humains y est parfaitement décrite dans un effrayant huis clos familial, lieu de toutes les dérives.
Céline "en vie" après un tel parcours relève pour moi du miracle. Facile à lire, l'auteur ne sombre jamais dans le pathos. A lire absolument, à offrir autour de soi, on n'en croit pas ses yeux du début à la fin..
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Je ne trouve pas qu'il soit si simple à lire que ça. Certes, les yeux suivent, suivent, suivent et veulent encore savoir ce qu'il va se passer même en sachant par avance la "fin" de l'histoire mais ce qu'il s'y passe est parfois terrifiant. Il peut être de ce fait très dur de continuer sa lecture.