Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
«La danseuse arrivait, le matin, à sept heures quarante-cinq, gare du Nord. Ensuite le métro jusqu'à la place de Clichy. Le bâtiment du studio Wacker était vétuste. Au rez-de-chaussée, une dizaine de pianos d'occasion, rangés en désordre comme dans un dépôt. Aux étages, une sorte de cantine avec un bar et les studios de danse. Elle prenait des cours avec Boris Kniaseff, un Russe que l'on considérait comme l'un des meilleurs professeurs... Une odeur particulière de vieux bois, de lavande et de sueur.»
Voici un court roman de moins de 100 pages, lu en moins de 2h, qui fut une belle parenthèse dans ma semaine. Une écriture en apparence simple mais qui reflète le talent de l’écrivain : dire beaucoup en peu de mots. Elégance et poésie me viennent à l’esprit après cette lecture.
Le narrateur, aujourd’hui âgé, se souvient d’une période de sa vie où jeune homme, il arrivait à Paris dans les années 60 pour s’y installer. On sent qu’il a des problèmes de mémoire. Il rencontre par hasard un homme qu’il pense être Serge Verzini et les souvenirs affleurent.
On bascule alors dans le passé lors de son arrivée à Paris. Il se présente comme parolier. Il est jeune et se cherche encore. Il rencontre « la danseuse », une jeune femme qui est effectivement danseuse. Il l’accompagne à ses cours de danse au studio Wacker avec Boris Kniaseff. Tout le long du livre, les lecteurs les accompagnent dans leurs trajets dans Paris.
D’autres personnages gravitent autour de la danseuse : un ami, son fils et Serge Verzini. Cet homme, plus âgé, assez mystérieux, est une sorte de protecteur pour la danseuse. C’est lui qui les loge dans des appartements. Il possède également un cabaret dans lequel ils se retrouvent.
Peu à peu il dévoile des éléments de la vie de la danseuse, de son passé. Un portrait de femme s’ébauche lentement. Tout est en retenu et dans une sorte de lenteur. On est comme suspendu dans le temps. J’ai trouvé ce roman très apaisant. Un petit bijou de délicatesse.
J’ai ressenti des odeurs, des lumières, des ambiances, de la nostalgie. Il y a un joli parallèle entre la danse et l’écriture. Il s’agit d’une très belle lecture de la rentrée littéraire 2023 que je vous recommande, un incontournable pour moi. Pour rappel, il a reçu, entre autres, le prix Nobel de littérature en 2014.
Sa mémoire naviguant entre passé et avenir, le narrateur parcourt, s’égare dans les rues de Paris, la ville qu’il a du mal à reconnaître, qu’il compare aujourd’hui à « un grand parc d’attraction… ». Le narrateur aide Pierre, petit garçon de la danseuse, dont on ne sait rien du père. La danseuse, s’en souvient-il vraiment ? Avait-elle une chevelure brune ? Ce dont il se souvient, c’est la phrase de Boris Kniassef, le professeur de danse « la danse est une discipline qui vous permet de survivre ». Dans la ville de son enfance, chaque élément, chaque détail, chaque lieu lui rappellent un souvenir, parfois « bizarre » et souvent très vague. Des personnes qu’il a côtoyées sont là aussi… le lecteur les a déjà rencontrées dans les précédents ouvrages de Patrick Modiano. Dans beaucoup d’endroits, il ressent une certaine insécurité, sauf dans la ligne droite des quais de Seine.
Je me surprends à écrire ces lignes à l’image des imprécisions qui tissent le roman. A sa lecture, je ressentais un flou, je voyais l’écrivain qui avait cherché le mot juste pour traduire une sorte de doute, voire d’intranquillité, et le sentiment profond et abouti à la fois de l’écriture comme une discipline, de « l’écriture salvatrice ».
L’histoire ? Elle est trouble, associe plusieurs personnages à des lieux parfois mystérieux, se perd avec une valise remplie de billets…
Difficile à raconter la littérature de Patrick Modiano, elle doit être lue, en se laissant planer dans l’atmosphère brumeuse et nostalgique. Les seuls mots utiles : lisez « la danseuse », à peine 100 pages, dommage !
Dans ce court roman, 96 pages à peine, Patrick Modiano entraîne son lecteur, comme il sait si bien le faire, sur les chemins du souvenir et de la nostalgie. Il suffit d’une vague souvenance remontée des tréfonds de la mémoire et la rencontre d’un personnage surgi du passé pour que s’enchaînent les souvenirs d’une époque ancienne.
« Ainsi depuis quelques jours me revenaient, par bribes, les images d’une période très lointaine de ma vie. Jusque-là, elles étaient recouvertes par une couche de glace. J’avais quand même par instants la vague pressentiment que cela ne durerait pas. Il était fatal qu’un jour ou l’autre la glace fonde et que ces images réapparaissent comme remontent les noyés à la surface de la Seine. »
Le narrateur est confronté à la foule de touristes dans un Paris qu’il ne reconnait plus. Des milliers de touristes qui envahissent la ville tandis que lui se retourne sur ce passé qu’il croyait à jamais effacé. Les personnages évoqués restent assez vagues, même la danseuse que le narrateur a connue n’a pas de nom, tout juste une description physique alors que les visages des autres se sont estompés. Le récit est partiel, lui-aussi, car la mémoire est sélective. Il y a le petit Pierre, enfant calme que le narrateur gardait lorsque sa mère rentrait tard de des répétitions. Et son protecteur Verzini, qui possède un cabaret et loue des chambres.
« Elle s’en est sortie comme elle a pu, a ajouté Verzini,. Grâce à la danse. Elle s’est donné une discipline. Et j’ai toujours voulu l’aider dans la mesure de mes moyens. »
Car la danseuse se plie à une discipline très stricte. Là, les souvenirs sont plus nets, il y a le studio de danse Wacker, place de Clichy et son professeur de danse, le chorégraphe russe, Boris Kniaseff. L’exigence de la danse ne supporte pas le flou et tout s’ordonne comme un pas de deux. On a l’impression que les personnages qui gravitent autour de la danseuse prennent de la densité à son contact.
Le narrateur, qui ne sait pas encore ce qu’il va faire de sa vie, est attiré par la rigueur de la danseuse. Il en prend de la graine en travaillant son écriture.
Non, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman intemporel qui nous offre quelques fragments d’un passé comme une mosaïque inachevée. Et l’auteur nous laisse sur notre faim d’en apprendre un peu plus sur la danseuse et le petit Pierre et il nous abandonne dans une rue de Paris, un soir de Noël.
Modiano est le peintre des souvenirs, il patine le passé, lui redonne ce lustre de la nostalgie. On l’aime pour son style, sobre, pudique, et pour ses évocations d’une époque disparue.
Ce roman envoûtant de Modiano nous entraîne dans les brumes de la rêverie, là où la mémoire s’estompe avec le temps tout comme les visages. Là où règne l’incertitude du narrateur qui tente de se souvenir d’une rencontre avec une danseuse.« Brune ? Non. Plutôt châtain foncé avec des yeux noirs ? »
Le ton est donné, de manière subtile, Modiano compose une atmosphère qui navigue entre le précis et le flou. Il nous perd à dessein dans un labyrinthe de souvenirs et tente d’assembler les fragments d’une histoire qui lui tient à cœur. Il nous invite à une véritable chasse aux fantômes. «On a beau faire de son mieux et se croire hors d’atteinte, on n’échappe pas toujours aux fantômes.»
Il entremêle passé et présent, élude les points de repères, fait surgir des souvenirs lointains. « Il n'y avait pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel. »
Onirisme et réalisme se côtoient au cours de déambulations dans le Paris de sa jeunesse et le Paris d’aujourd’hui qu’il ne reconnait plus et égratigne au passage.
On ne connaîtra pas le nom de la danseuse, juste celui de son fils, du célèbre maître de ballet russe, de grands danseurs, de quelques personnages inventés, mais on imaginera aisément sa silhouette, sa démarche, ses chaussons et son sac Repetto, sa gestuelle aérienne. Que peuvent avoir en commun la danse et l’écriture ? Si «la danse est une discipline qui vous permet de survivre», qu’en est-il de l’écriture ?
Dans ce récit teinté de mystère et de nostalgie, se dessine en creux le portrait d’un écrivain sensible et délicat qui joue avec le temps qui passe avec dextérité et tisse un lien subtil entre la danse et l’écriture.
Un style unique qui donne l’impression de se retrouver en terrain connu mais pourtant différent, s’inscrivant dans une variation infinie. J’ai succombé une fois de plus au charme de l’écriture, aux rêveries incertaines, au plaisir d’arpenter la géographie parisienne aux côtés des personnages, à la grâce infinie de la danseuse. Un voyage presque furtif, tendre et poétique au cœur de Paris. À savourer.
Voilà, encore un Modiano pur jus… Je me disais, pour rire, que je pourrais très bien ressortir ma chronique sur « Chevreuse » et juste changer quelques noms, quelques situations (et encore) et le tour serait joué !
Bien sûr j’ai adoré ce texte. Pour les mêmes raisons que j’ai aimé ses autres romans. Je ne vais pas me répéter, c’est inutile, mais je voudrais profiter de cette chronique pour tenter de préciser ce que la lecture d’un texte de Modiano produit en moi.
Il s’agit d’une sensation presque physique, une impression étrange, exactement la même que lorsque je lis « Nadja » de Breton. Avec ça, vous voilà bien avancés !
Je crois que c’est l’évocation de Paris qui est à l’origine de cela. Un rapport tout particulier que j’ai à cette ville où je suis née, que j’ai quittée à l’âge de 6 ans pour la banlieue et où j’ai fait mes études. Je suis très attachée à Paris. De façon vraiment viscérale. Et mon grand regret est de ne pas y avoir vécu à l’âge adulte. Or, la lecture de Modiano fait naître en moi des souvenirs de moments, aussi surprenant que cela puisse paraître, que je n’ai pas vécus ou que j’aurais vécus mais dans une autre vie, quelque chose de très enfoui, de profond qui m’oblige à poser le livre et à tenter de retrouver la trace de ces moments dans ma mémoire. J’ai un souvenir assez précis de mes années d’enfance à Paris et quand je lis Modiano, c’est comme si ces années remontaient à la surface et me revenaient par bouffées. Le Paris de Modiano réactive de façon très puissante des sensations passées, le souvenir de lieux traversés à la fois dans une vie qui a eu lieu, celle de mon enfance, mais aussi dans une vie qui n’a pas eu lieu. Les phrases de Modiano me laissent deviner des choses que je n’ai pas vécues (ou que j’ai vécues et dont je ne me souviens pas) et qui auraient eu lieu à Paris. Ainsi, quand je lis du Modiano, très souvent, je m’arrête pour chercher ce qu’est en train de me dire le texte sur Paris et sur moi. Je sens que c’est là, que ça remonte à la surface, que ça me dit quelque chose que je ne parviens pas à comprendre, à saisir. C’est une lecture qui provoque en moi une expérience intime singulière et vraiment étrange que j’ai beaucoup de mal à décrire.
Bon allez, je parlerai de tout ça un jour ou l’autre à mon psy…
Ce qui est certain, c’est que Modiano à Bordeaux ne m’intéresserait absolument pas…
C’est drôle quand même la littérature...
LIRE AU LIT http://lireaulit.blogspot.fr/
Le narrateur se souvient par bribes des images d’une période lointaine de sa vie. Il se rappelle sa rencontre avec une danseuse qui était la mère d’un petit garçon. Une femme mystérieuse et envoûtante.
Lire un roman de Patrick Modiano c’est pénétrer dans un univers particulier. Un récit nostalgique, léger avec cette écriture si particulière et si limpide que j’affectionne tant. Comme toujours on sait peu de choses sur les personnages principaux et notamment sur cette « danseuse » qui n’a pas de nom, on avance à petit pas et l’auteur nous délivre peu à peu son histoire mais ce qui prime ici, c’est l’environnement, l’ambiance, Paris, tout est un peu flou, suggéré même la sensualité. Un roman très court, une parenthèse enchantée dans la littérature.
Patrick Modiano nous entraine sur ces bribes de mémoire pour retrouver dans un flou magnifique la trace d’un passé.
Ce passé, c’est il y a environ 50 ans quand il avait rencontré une danseuse dont son souvenir lointain est morcelé mais imbibé de l’atmosphère d’un Paris où aujourd’hui, avec cet afflux de touristes, il se sent étranger et dont l’époque actuelle est subitement devenue si difficile.
Restent des images de gares grises dans la brume des petits matins et quelques lumières le long d’avenues nocturnes, des trains de banlieue vides le soir tard, des appartements anciens, des chambres de bonnes sous les toits, des studios de danse, des vieux pianos, des bars sombres avec leur lourds rideaux de velours, des odeurs de sueur et de lavande…
Combien j’aime me faire embarquer dans l’univers de cet écrivain…
Patrick Modiano parle d’une mémoire fragile et de souvenirs fugaces qui appartiennent à chacun d’entre nous avec ses fantômes de l’enfance où l’abandon et l’oubli se côtoient comme une réalité au fond d’un rêve où les vérités sont déguisées et qu'on s'y perde.
Ce dernier roman de Patrick Modiano, à l’image de la danse, a une intensité, un muscle, une légèreté vaporeuse et une grâce qui fait oublier le travail et la discipline qui se cachent derrière la plume.
Pour moi, « La danseuse » rejoint les meilleurs crus Modiano !
On parle souvent de la petite musique de Modiano, de cette histoire qui ne cesse de se répéter livre après livre. Des souvenirs plus ou moins flous de temps passés qui se précisent, par bribes, dans un présent aux signes parfois évocateurs, dans une quête des passés. Des constantes avec souvent des individus aux trajectoires elles-mêmes pas nettes, des êtres avec qui des moments ont été partagés, et, bien évidemment Paris avec des matérialités aidantes pour la mémoire (même si parfois les lieux disparaissent), …
« La danseuse » est un des livres les plus dense de Modiano (moins de 90 pages) avec des successions de courts chapitres illustrant la fragmentation des souvenirs et les fractures du temps qui passe. C’est un condensé illustrant le style de Modiano qui a fait partie de ces écrivains qui écartent, rayent, privilégient des ellipses, … Et c’est un très (très) bon Modiano. Tout en subtilité et légèreté … comme la danse …
Dans la danseuse on retrouve cette atmosphère de flou, de brumes avec des percées soudaines et des pans de vie, de lieux, de personnes qui apparaissent. Le narrateur se souvient d’être venu chercher Pierre un jeune garçon, dont la mère prend des cours de danse …
Les fils se retissent mais de façon parcellaire. Dans ce retour de souvenirs, le narrateur recroise un certain Verzini qui avait ses liens d’avant avec « la danseuse » permettant de lever partiellement certains voiles, et notamment cette période un peu sombre de la jeunesse de la danseuse baignée dans un monde de marlous et de cabarets.
Entre le passé lointain de la danseuse et le présent du narrateur, il ressortira, de la quête aux souvenirs, ces moments forts comme lorsque Pierre qui n’a pas toujours été avec sa mère, la retrouve en gare d’Austerlitz en présence du narrateur et qu’ils partent « tous les trois dans la nuit jusqu’à la fin des temps. ».
Florilège (partiel) sur le temps et les souvenirs :
« Le temps qui a brouillé les visages a gommé aussi les points de repère. »
« Voilà qu'un instant du passé s'incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient une étoile que l'on croit morte depuis longtemps.
« Depuis quelques jours me revenaient, par bribes, les images d'une période très lointaine de ma vie. Jusque-là elles étaient recouvertes par une couche de glace. »
« Oui, nous nous sommes connus dans la nuit des temps. »
« Parfois l'on retrouve dans les rêves la lumière de ce temps-là … »
« Je ne garde qu'un souvenir discontinu de cette soirée comme si elle s'était déroulée sur un rythme saccadé et de plus en plus rapide. »
« … il me semble bien que nous étions au mois de novembre. Et j'ai la certitude que les arbres n'avaient pas encore perdu leurs feuilles. »
« La fenêtre donnait sur la cour et sur les après-midis grises et glacées de l'hiver, ces hivers rigoureux comme il en existait en ce temps-là. »
« … peut-être moi-même après tout, avait été son collègue, … »
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...