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Troisième volet de la « quadrilogie des éléments » de la poétesse danoise Pia Tafdrup, La Boussole des oiseaux migrateurs est une mappemonde qui défile sous nos yeux. Dans Les Chevaux de Tarkovski, livre de la terre, Tafdrup évoquait la fuite des souvenirs et accompagnait son père au bout de la maladie ; dans Le Soleil de la salamandre, livre du feu, elle remontait les cinquante premières années de sa vie à raison d'un poème pour chaque année. La Boussole des oiseaux migrateurs est le livre de l'air, un voyage à rebours qui commence avec le premier désir d'envol de l'enfance, dans la ferme parentale isolée au milieu des champs. Un livre d'envol oui, au bout des pieds de son père qui la soulève de terre en lui tenant les mains, découvrant les avions qui décollent sans elle lorsqu'elle accompagne son grand-père pour la première fois à l'aéroport, envol à l'arrière d'une moto à l'adolescence, filant dans la nuit les mains enroulées autour de la poitrine d'un jeune homme, et plus tard dans le ballet incessant d'une poétesse que les lectures de poèmes envoient tout autour du monde. Pia Tafdrup évoque avec une grâce sans pareille la part d'errance et de cap, d'erreur et de découverte qui nous guident en chemin, et avec une acceptation absolue de l'existence dans ses heurts et ses travers, ses joies et ses questions, car il n'y a qu'un seul chemin, le nôtre. On ne peut pas faire demi-tour, et on marche non « pour s'approcher du but, mais pour observer ce qui s'approche ». Si les poèmes d'ouverture nous plongent dans « les sons d'autrefois », entre le tracteur, la vieille citerne, la terre humide et les chevaux, au milieu de ces vies rurales qui naissent et disparaissent discrètement, la suite est étourdissante et nous projette dans un tour des impressions du monde comme on fait tourner un globe terrestre du bout des doigts. Pia Tafdrup fait la liste des objets qu'elle emporte en voyage, puis la liste des choses rapportées de voyage, puis la liste des choses oubliées ou perdues en voyage avec cette question de savoir ce qu'est un voyage. Un « aller-retour » répond-elle, qui doit se terminer sans quoi il ne mènerait nulle part, ne serait que « fuite, exil, bannissement ». Dans cette réflexion sur les racines qui a pour moteur la rêverie, Tafdrup chante aussi bien l'aller (issus des rêves d'une jeune fille de la campagne) que le retour (ce qui la ramène chez elle, et la force des souvenirs), et toujours se fie à cette « aiguille de la boussole qui fait vibrer les jours », et qui permet de traverser ce monde étranger et extérieur alors que nous sommes faits d'intime. Les oiseaux migrateurs qui guident Tafdrup, ce sont les mots qui sont sa seule patrie, sa langue maternelle, son viatique où qu'elle soit sur la terre. « Jamais je n'ai désiré plus qu'une seule vie » nous dit-elle dans ce livre où, sûre d'où elle vient, elle cherche où elle est allée, avec en elle le poids des désirs contrariés des femmes de son enfance, de sa mère et de sa grand-mère, dont elle accomplit en voyageant le destin auquel elles n'ont pas eu droit.
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