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Poursuivant son effort d'interrogation du paradigme esthétique dominant et de déhiérarchisation de la culture, Beautés, cette fois, creuse et complique la question, à laquelle la destinait son nom, de la «?beauté?». Cela revient à faire le pari qu'il peut jaillir une pensée prolixe et plurielle d'une aporie énigmatique?: la beauté étant ce qui échappe toujours quand on tente de la définir, ou, pour le dire avec Maurice Blanchot, «?ce qui se dérobe sans que rien ne soit caché?». Cela, cependant, ne signifie pas qu'on ne puisse rien en dire. Au contraire, la beauté est peut-être ce qui par excellence met en mouvement la pensée. Prenant acte de la fin d'une prétention européenne à l'universalisme, comme de la fin de la prétention à «?l'exception humaine?» selon la formule de Jean-Marie Schaeffer, Beautés croise des approches philosophiques, anthropologiques ou sociologiques (celles de Yves Le Fur, Michel Thévoz, Yves Michaud, Philippe Descola) et des réflexions esthétiques, éthiques, politiques de plusieurs artistes contemporains (dont Claire Chesnier, Estèla Alliaud, Fabrice Lauterjung). Ainsi Yves Le Fur cherche-t-il à «?débusquer de la beauté dans de nombreux domaines qui ne relèvent pas des catégories habituelles?», comme celui des pierres recelant des paysages cosmiques, ou celui de la sculpture africaine, dont la perception est souvent biaisée par un ethnocentrisme. Mais on peut songer aussi aux hypothèses théoriques et pratiques formulées par Claire Chesnier, qui interroge la possibilité de «?coudre ensemble une averse?», pour suggérer que «?définir le terme de beautés reviendrait à encapsuler une multitude intenable?». La morale de l'histoire racontée par ces différentes voix issues des champs des sciences humaines et de l'art est peut-être que, si la beauté est avant tout «?ce qui se dérobe?», ce qui échappe, qu'on ne peut ni rechercher ni prévoir, elle est pourtant là, à portée de chacun de nos regards jetés dans l'insignifiance quotidienne. C'est du moins ce que suggère avec justesse Michel Thévoz?: «?On s'avisera peut-être bientôt, mais trop tard, que, à l'aube du troisième millénaire, l'art était partout, sur les façades urbaines, sur les wagons de chemin de fer, parfois même sur les voitures de police, partout sauf dans les centres d'art contemporain et dans les espaces institutionnellement dévolus. Je conclurai sans craindre l'emphase?: les graffitis n'ont que faire de la beauté, sauf à la redéfinir dans son rapport avec l'horreur. Ils nous mettent en arrêt devant «la Chose» en putréfaction : le capitalisme.?»
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