L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
On a sauvé le sergent Delpey ! Heureusement. Car sans lui, et sans sa plume, les gens de la Métropole auraient ignoré ce qu'avait été la guerre d'Indochine à ses débuts. Une fois de plus, on n'avait pas les moyens de nos ambitions. Un pro-consul chamarré avait proclamé que la parenthèse japonaise n'était qu'une parenthèse, et qu'on allait rétablir l'Indochine française comme elle était avant la défaite de 1940. C'était ignorer que les Japonais avaient excité les populations : Jaunes contre Blancs ! Comme le vocabulaire est une arme dont regorgent nos arsenaux, on baptisa la reprise en mains " Opération de police ". Mais il fallut bien réaliser que " faire " était plus ardu que " dire ". L'armée d'Afrique et les soldats de la 2ème D.B. furent les premiers sollicités. Comme cela ne suffisait pas à éteindre l'incendie, le Commandement recourut à la désignation d'office d'unités. On bâcla la constitution de " bataillons de marche " au recrutement hétéroclite. Quant au matériel ! Dans la 2ème Compagnie du bataillon de marche du 15ème R.I. - commandé autrefois par le général de Lattre de Tassigny - il y avait Roger Delpey. A l'issue d'une formation de six petits jours, la 2ème Compagnie embarqua pour l'Indochine. Et dès l'arrivée, quasiment, engagée dans la boue et les rizières de Cochinchine. La sanction ne se fit pas attendre. En une campagne de trente mois, la moitié de l'effectif restait sur la terre d'Asie. Avec talent et émotion, Roger Delpey raconte le calvaire de sa compagnie, la 2ème Compagnie.
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