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« J'ai retrouvé une photo de Kornelia au fond d'un carton de souvenirs dans le grenier de mes parents. Sur une des fiches cartonnées des héros olympiques, elle sortait de l'eau, ses cheveux blonds plaqués en arrière, parce que les sirènes ne reviennent pas à la condition terrestre avec une frange qui leur tombe sur les yeux. Elle avait dix-sept ans et à cet âge tout battait la chamade, son coeur d'artichaut et ses ailes musculeuses qui rythmaient le papillon.
Je l'ai cherchée comme on part sur les traces d'un amour de jeunesse, dans l'empreinte d'une époque qui avait sacré sa blondeur blanchie par le chlore, dans les archives d'un régime qui avait tout consigné, même ce qu'elle avait oublié. J'espère que je l'ai trouvée. »
Cher Vincent Duluc,
cela fait bien longtemps que j’ai refermé votre ouvrage. Bien des mois. Avant ce jour, pas une once de mot posé sur cette correspondance. Par manque de temps (version officielle), par peur de vous décevoir (version officieuse). C’est que j’écris à celui qui fit la Une du Monde des Livres. C’est quelque chose quand même !
C’est surtout que je ne cacherai pas ici, tout le bonheur que j’ai à vous lire. Incontestable passionné de votre écriture. “Je suis ce garçon derrière la vitre” écrivait Blondin dans l’une de ces chroniques du Tour de France. A vous lire, je redeviens ce garçon, cet adolescent. Celui qui cherche l’autographe dans les salons du livre.
Vous avez la plume facile, rapide. L’élégance du bon mot. L’érudition modeste. Dans le quadrilatère où l’édito s’emprisonne, vous avez la maîtrise et la justesse de la concision. Et bien entendu dans votre ouvrage où le nombre de caractères n’est pas une figure imposée, vous nous délectez d’un récit passionnant.
C’est en montant les marches du grenier parental, en ouvrant le carton à souvenirs, que vous sortez, par hasard, une photographie de Kornelia Ender. Elle sort du grand bain. L’argentique active la machine à remonter le temps.
Qui d’autre que vous, pour aller dénicher la vie de cette jeune championne olympique de natation, à Montréal, en 1976. Moi qui pensais que cette année-là, il n’y avait qu’un prénom féminin sur toutes les lèvres. Au fil des pages et des livres, vous dévoilez, aussi, un peu de vous (du pain béni pour moi). Kornelia fantasme d’adolescent. Amour évanoui sur la photo jaunie . Nous sommes au cœur des lignes de flottaison intimes. L’intime de deux héroïnes : Kornelia et Shirley (Shirley Babashoff). Deux mondes, deux vies, deux carrières, deux lignes parallèles dans les bassins aux écumes rageuses. La Californie versus la Stasi. Qu’est-il devenu cet amour d’antan ? Vous partez à la recherche de l’innocence perdue. En pèlerinage. Je n’en dirai pas plus.
Cher Vincent Duluc, à l’heure où vous lirez ces lignes, vous serez revenu d’une campagne de Russie victorieuse. Un grand homme a échoué. Quel est le quotidien de vos vacances bien méritées ? Je ne vous vois pas étalé de crème solaire sur la plage de la Tranche-Sur-Mer. Non, vous montez l’escalier parental qui vous mène au grenier. Au fond, le carton à souvenirs est entrouvert. Sans l’ouvrir complètement, vous y glissez votre main et sortez une photographie, vous souriez. Un autre souvenir, et déjà…un autre livre ?
“C’est quoi une grande vie ? C’est quoi une petite vie ?”
https://blogs.letemps.ch/sebastien-beaujault/2018/07/25/cher-vincent-duluc/
Un amour de nageuse
Kornelia Ender a été quadruple championne olympique de natation en 1976 et le fantasme de Vincent Duluc, qui revient sur cette époque particulière.
Après nous avoir rappelé la carrière de George Best, le cinquième Beatles, puis nous avoir remis en mémoire l’épopée des Verts de Saint-Étienne dans Un printemps 76, Vincent Duluc poursuit l’exploration de sa jeunesse en délaissant son cher football pour revenir sur son idole des années soixante-dix, une sirène blonde émergeant de la piscine olympique de Montréal: Kornelia Ender.
Si ce nom ne vous dit rien, après tout qu’importe. Car au-delà de la biographie de la championne, c’est toute une époque et tout un système que l’auteur nous raconte. Grâce à lui, on va éviter le travers de beaucoup de procès portant sur une époque passée, c’est-à-dire porter un jugement avec les yeux d’aujourd’hui sur les dangereuses dérives « d’un pays qui manipulait ses athlètes au nom de la victoire socialiste. »
((photo))
L’une des meilleures plumes de L’Équipe commmence son récit par la relation du voyage qu’il a effectué à Schornsheim où Kornelia Ender-Grummt est aujourd’hui kinésithérapeute. Dans cette petite ville de Rhénanie-Palatinat, il espère croiser l’ex-championne, lui dire toute son admiration. Mais il craint tout autant la rencontre avec cette sexagénaire qui, selon toute vraisemblance, ne correspondra plus en rien avec l’athlète qui a enflammé son cœur d’adolescent (l’auteur avait quatorze ans lors des J.O. de Montréal. Et renonce finalement à son projet pour ne garder en mémoire que les images du triomphe de la belle allemande.
Nous voici donc au commencement, du côté de Halle, en République démocratique allemande. La fille d’un colonel et d’une infirmière est reprérée par les services de détection mis en place dans tout le pays et commence à accumuler les performances alors qu’elle n’a pas encore douze ans. Aussi est-elle la plus jeune athlète sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Munich en 1972 où elle ne fera pas de la figuration puisqu’elle reviendra de Bavière avec trois médailles d'argent (200 mètres, relais 4 fois 100 mètres et 4 fois 100 mètres quatre nages).
Mais Kornelia frappe l’imagination du narrateur en 1973, lors des premiers Championnats du monde de natation organisés à Belgrade. Ce ne sont pas tant les quatre médaille sd’or qui le subjuguent, mais le maillot de bain de Kornelia qui laisse entrevoir un corps parfaitement sculpté.
Il n’en faut pas davantage pour qu’on poster vienne égayer sa chambre au côté de ceux des footballeurs et pour qu’il se réveille en pleine nuit pour assiter au triomphe de «sa» nageuse à Montréal: l’or au 100m nage libre, au 200m nage libre, au 100m papillon et au 4 x 100m 4 nages. Elle ne devra s’avouer battue que dans le 4 x 100m nage libre, décrochant l’argent derrière les rivales américaines.
En parlant de rivalité, les pages consacrées à Shirley Babashoff, la Californienne qui ne parviendra jamais à battre l’Allemande – sauf en relais – sont édifiantes. Elles montrent la guerre que se livraient alors, au sortir de la Guerre froide, l’est et l’ouest. On comprend très vite qu’il ne s’agit pas de dénoncer un dopage que l’on soupçonne, mais de trouver les moyens de faire encore mieux. En rappelant que Kornelia a davantage été victime que participante de ce système, l’auteur ne tente pas seulement de continuer à vivre son rêve, mais réussit à nous convaincre de la bonne foi de cette étoile filante. Sans «Ostalgie» comme disent les Alllemands qui regrettent la RDA, mais avec les yeux de l’admirateur inconditionnel qu’il fût et demeure. http://urlz.fr/6PTT
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