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Jupiter ? C'est le vrai héros de ce récit, un père comme on n'en fait plus, tyrannique et terrifiant mais aussi attachant et rigolard. Les enfants ne savent jamais à quel moment il faut s'apprêter au rire ou à la crainte. Mais ce qu'ils savent c'est que malgré sa petite taille il occupe une place digne de Jupiter, prêt à tout moment à dégainer la foudre. À travers son histoire, celle d'un Noir américain qui a appartenu à la génération « d'un temps où la puanteur de l'esclavage, aboli depuis cinquante ans, stagnait encore », c'est toute l'histoire des Noirs américains qui apparaît en filigrane avec les spectaculaires et sanglants dérapages du racisme idéologique et les petites et lourdes humiliations du racisme quotidien. Eddy, lui, est un enfant que ses parents veulent faire sortir du ghetto. Au prix de l'éloignement. Au prix de l'incompréhension... Et ils vont y parvenir...
Eddy L.Harris est né à Indianapolis dans une famille Afro-américaine. Il nous livre dans ce récit ses souvenirs d’enfance et notamment ses relations avec son père, surnommé Jupiter car ses colères pouvaient être redoutables.
L’arrière-arrière grand-père de l’auteur, en raison de métissages et des facéties de la génétique, était très clair de peau et pouvait facilement passer pour un blanc. Or, en Amérique , on considère qu’une seule goutte de sang noir vous fait automatiquement appartenir à la communauté noire.
L’ancêtre d’Harris a donc quitté l’état du Sud où il était né pour aller s’installer un peu plus au nord. La chance lui sourit et il fit fortune en créant une compagnie de diligences :
« La famille Harris acheta une grande maison de briques à Marnice Place, dans une petite rue étroite et non pavée. (…) Mon père avait 5 ans quand la famille s’y installa, Il y avait des fermes laitières tout autour et les enfants jouaient dans les champs de maïs ; les chiens pouvaient s’y ébattre ou errer à volonté. Tout se passait bien. Puis, les blancs du quartier finirent par comprendre que les Harris étaient noirs. C’est à partir de ce moment-là qu’ils leur donnèrent du fil à retordre. »
Si Jupiter a grandi dans une ambiance très difficile, avec un racisme ordinaire et qui disait très clairement son nom, il a fondé de grands espoirs pour ses fils, espérant que le monde allait évoluer dans le bon sens. Certes, à partir des années soixante, le changement s’amorce mais il est parfois difficile de s’y adapter :
« Mais pour mon père, à cette époque, le monde basculait. Au milieu des années soixante, alors que les barrières raciales s’effondraient, le quartier se transformait. Avec le recul, je constate que plus les choses s’amélioraient, plus elles empiraient d’une autre façon. Les entrepreneurs pliaient boutique. Les commerces noirs fermaient, ainsi que les marchands de glace noirs ; il était possible à présent d’aller chez Sears, et bientôt le restaurant Howard Johnson ne nous serait plus interdit. Plus rien n’était pareil. Il devint soudain difficile de gagner sa vie. L’usine du quartier était au plus mal, sans doute allait-elle se délocaliser. »
J’ai trouvé ce récit fort intéressant de part le parallèle fait entre l’enfance de son père et la sienne, les évolutions de la société. C’est aussi un très beau témoignage de l’amour de l’auteur pour son père.
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