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Le Journal de Michelet s'étend de 1828 à 1874, du premier voyage hors de France à la mort de l'historien. En même temps qu'il le tenait, Michelet composait une oeuvre immense. En fait, il s'imposait ainsi une discipline de conscience qui lui permettait de ne pas devenir l'esclave de son métier. Il contrôlait sa vie au jour le jour. Il y mettait de l'ordre, choisissant parmi les faits quotidiens ceux qui méritaient de rester dans sa mémoire. La lecture du Journal révèle bien l'esprit méthodique de Michelet, entraîné, mais non subjugué par ses inspirations, capable de tenir à la fois le registre de ses dépenses et celui de ses émotions, administrant avec une égale fermeté sa maison, son oeuvre et son génie, consignant actes et impressions comme s'il devait, un jour, en rendre compte. Tout en dressant ainsi le procès-verbal de son existence, Michelet préparait quelque nouveau livre, recherchant des idées, les mettant à l'épreuve. Comme il l'avait prévu au moment de le commencer, le Journal recueillit ses pensées aussi bien que ses sentiments. S'y accumulèrent des anecdotes, des remarques pittoresques, des formules notées en vue de l'oeuvre future. La vivacité des récits de l'Histoire de France, des descriptions de La Mer et de La Montagne tient à l'exactitude des détails vrais observés pendant un voyage ou relevés au cours d'une lecture. Le tableau de la vie ouvrière que l'on admire dans Le Peuple est esquissé dans la relation des voyages à Lyon et en Normandie. On sait que la plupart des livres de Michelet ont été écrits très vite : c'est qu'ils avaient longuement mûri dans la retraite du Journal. Le Journal ne s'écourte que dans les périodes, fréquentes, il est vrai, de grand travail. Il reprend de l'ampleur dès que Michelet retrouve le loisir de s'y confier. On découvre alors ce qu'est le génie littéraire : Michelet vivait la plume à la main. On sera surpris du nombre de pages rédigées au cours de certains voyages. Transporté sur de mauvais chemins où le cahotaient d'inconfortables voitures, accueilli dans de rudes auberges, Michelet n'interrompait jamais son Journal. La fatigue, de son propre aveu, brisait ses membres ; mais elle épargnait en lui le don d'écrire, l'art de choisir les mots qui allaient fixer les images de la journée dans leur fraîcheur. Ce volume est précédé d'une riche et passionnante étude de Paul Viallaneix, qui a reconstitué et annoté le texte du Journal.
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