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Kaya Takada a vécu au Japon une aventure peu ordinaire : elle a passé toute son enfance et son adolescence au sein d'un village communautaire. Inspiré par les idées libertaires qui ont abondamment circulé dans les années 1970, le village atypique dans lequel elle a grandi était une communauté rurale alternative, aux moeurs à la fois innovantes et sévères : pas de propriété privée, des lieux d'habitation dépourvus de clés, des biens matériels partagés avec tous, etc.
Parallèlement à ces pratiques généreuses, le mode de vie était marqué par une rigueur monastique et un climat terrorisant : deux repas par jour seulement, des lieux de résidence séparés pour les parents et les enfants, des punitions corporelles pour faire régner une discipline de fer, etc. Aux yeux du reste du monde, la communauté était regardée comme un lieu étrange que les gens « ordinaires » appelaient « le Village », comme ils auraient dit « la secte »...
C'est dans cet environnement déroutant que Kaya Takada a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, avec ses activités et ses bonheurs simples, mais aussi, comme une litanie sans fin, ses contraintes et ses brimades... Le choc du livre naît de la confrontation entre la fraîcheur du récit de Kaya, mené « à hauteur d'enfant » avec franchise, humour et entrain, et la radicalité des moeurs de cette collectivité singulière, extraordinairement rigide et dogmatique.
C'étaient les années 70. Les jeunes rêvaient d'un autre monde, d'une société différente, plus proche de la nature, plus solidaire, moins matérialiste. C'est ainsi que les parents de Kaya Takada, alors jeunes étudiants, se sont rencontrés au sein d'un village communautaire dans la campagne japonaise. La jeune femme y est née et y a vécu jusqu'à ses dix-huit ans, l'âge du choix pour les petits villageois. C'est cette expérience douloureuse qu'elle entreprend de raconter à son mari et de mettre en images afin de partager une histoire pour le moins atypique.
Les Villageois ( à ne pas confondre avec les villageois ''ordinaires'') vivent en autarcie sur de grandes exploitations agricoles dispersées dans tout le Japon et présentes même à travers le monde. Si les adultes ont choisi ce nouveau mode de vie où l'argent n'a pas cours, où la propriété privée n'existe pas, où tout est mis en commun pour le bien de tous, les enfants nés sur place subissent plutôt un système quasiment totalitaire qui se rapproche plus d'une dictature ou d'une secte que d'une charmante communauté hippie peace and love. Complètement séparés de leurs parents qu'ils n'ont le droit de voir que deux ou trois fois par an, ils grandissant sous la coupe d'''éducateurs'' qui les battent, les affament et les font travailler dur dès le plus jeune âge. Le petit-déjeuner étant réservé aux adultes, ils partent pour l'école le ventre vide, non sans avoir accompli les tâches qui leur incombent (travaux des champs, soins aux animaux, ménages, etc). Tout enfant un peu récalcitrant est isolé du groupe, enfermé seul pour réfléchir, souvent sans sa ''faute'' ne lui soit expliquée.
Si en grandissant, les conditions s'améliorent un peu, les adultes ne sont pas mieux lotis. Certes ils mangent à leur faim, mais ne décident de rien, ni de leur lieu de résidence, ni de leur partenaire amoureux. Isolés, conditionnés, lobotomisés, les Villageois sont les prisonniers consentants d'un système qui, au fil du temps, a perverti ses valeurs pur devenir une vaste secte où l'individu est soumis ou chassé.
Se construire dans un tel environnement n'a pas été chose aisée pour la petite Kaya, enfant rebelle selon le Village, alors qu'elle était simplement une enfant normale, pleine de doutes et d'interrogations. Mais malgré les injustices, la bêtise crasse et la méchanceté de ses éducateurs, elle a su préserver sa propre personnalité. Elle en garde toutefois quelques séquelles : quand on a connu la faim, on se s'en remet jamais.
Si elle livre ici un témoignage empreint de naïveté où les pires horreurs sont racontées comme si tout était normal, elle met la contradiction dans la bouche de son mari. C'est lui qui glisse les critiques, qui appuie là où ça fait mal pour la confronter aux abus de la communauté. Sans doute sait-elle déjà que son enfance ressemblait à un enfer mais peut-être a-t-elle développé une forme d'attachement à ce qui fut quand même sa vie durant dix-huit ans. Entre prise de conscience et loyauté, Kaya Takada a fait un formidable travail d'introspection, de mémoire et d'explication.
Un roman graphique passionnant qui pèche cependant par son manque de rythme et les innombrables répétitions.
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