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Pourquoi de jeunes Chinois de 20 ans ont-ils taché le portrait de Mao en 1989 à Tienanmen, détruisant par ce simple geste de révolte leur vie par des années de prison et de torture ? Comment cela peut-il atteindre une Occidentale qui vit aux antipodes ? Et surtout : que deviennent nos grands principes et nos révoltes, vingt ans plus tard ? Quels sont les gestes essentiels qui font que l'on se sent encore vivants ?
Je pense à Yu : Madeleine, la cinquantaine, vit comme en suspension dans un nouvel appartement qu'elle n'arrive pas à aménager, entre un travail de traduction qu'elle reporte sans arrêt et des leçons de français qu'elle ne se résout pas à donner. Un entrefilet dans le journal du matin attire son attention. On y annonce que le Chinois Yu Dongyue vient d'être libéré après dix-sept ans de prison. Il avait été incarcéré pour avoir lancé des coquilles d'oeuf remplies de peinture rouge sur le portrait de Mao de la place Tienanmen, en mai 1989. Cette nouvelle secoue Madeleine plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle s'enferme chez elle pour se plonger dans ces jours de mai 1989, mais sa retraite est perturbée par l'arrivée de Jérémie, un voisin qu'elle ne connaît pas, et par celle de Lin, une jeune immigrante chinoise réclamant ses leçons de français. Etrangers l'un à l'autre, réunis par hasard dans le salon de Madeleine et confrontés à l'histoire de Yu, tous trois voient ressurgir leurs doutes, leurs regrets et leurs espoirs. Madeleine relit son journal intime et adresse des pensées à Yu. Jérémie téléphone et parle de Yu à son fils qui souffre d'un manque affectif chronique et dont il s'occupe seul depuis que sa femme l'a abandonné. Lin envoie des lettres à sa mère restée en Chine, et compare le sacrifice de Yu pour son pays à son propre choix de fuir sa terre natale dans l'espoir d'une vie meilleure.
Carole Fréchette est toujours juste dans sa réflexion sur le militantisme et sur la vie. Grâce aux points de vue contradictoires de ses personnages, elle n'offre aucune réponse manichéenne mais ouvre au contraire largement la question de l'engagement, de nos jours.
"Je pense à Yu se situe au coeur de la question qui me hante comme auteur : comment parler du monde sans faire abstraction de soi ? Comment parler de soi sans oublier le monde ? A la jonction de la grande histoire et de la petite, du monde réel et de celui que j'invente. Mon écriture est en tension entre l'intime et le monde." (C. F.) PERSONNAGES : 2 femmes, 1 homme.
Entrefilet : ce texte, écrit à l'occasion du centenaire du quotidien Le Devoir, présente avec humour la genèse de l'écriture de Je pense à Yu, lorsque Carole Fréchette a réellement lu l'entrefilet sur Yu Dongyue le 23 février 2006, et comment quelques années plus tard elle a rencontré un autre dissident chinois exilé au Canada après avoir été condamné et emprisonné comme Yu. Au-delà du "making-of", ce court dialogue entre l'auteure, le journal et "La Petite Voix fatiguante" est un bel exemple de réflexion sur le rapport à l'information, au journal comme lien avec le monde. Il lève un coin de voile sur les chemins et détours de l'écriture.
PERSONNAGES : 1 femme, plusieurs voix.
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