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Le mot « destin » que Gérard Macé fait figurer dans le titre énigmatique de son livre appartient tout autant à la mythologie qu'à la cartomancie, et par conséquent définit la double inquiétude d'un poète qui de longue date, entre fatalité et prédication, s'est enjoint d'ausculter par bribes l'enchaînement des scènes de l'enfance en même temps que leur inexorable déformation dans la boule, plus ou moins magique, du rêve. Ce faisant, il nous fait mieux comprendre aussi que l'écriture de soi ne peut être pour le poète qu'une projection fantasmée de la mémoire du monde, de ses rites et de ses fables.
Au seuil du livre, Macé s'impose de parler « comme on répond au sphinx » et publie quarante « mots de passe ». En les disposant chacun en quatrain de façon à associer en miroir des images présentant entre elles le plus grand écart, le poète semble avoir cherché, dans le sillage du surréalisme, à résoudre poétiquement les contradictions du réel. Et cela l'a conduit à établir comme poreuse la frontière entre les deux pans cardinaux de la vie humaine, l'éveil et le songe. Il s'est agi ensuite pour lui d'essayer de formuler « ici » la clé de l'énigme, qui tout en neutralisant la sentinelle du Temps lui permettrait de rouvrir un accès harmonieux vers le royaume des morts : « Une porte à tambour / pour entrer dans les rêves /L'esprit toujours léger /mais l'inquiétude au coeur. » L'un des charmes de ce recueil tient à la reprise de certains vers d'un poème à l'autre : des bribes de souvenirs, modulées discrètement comme autant de mirages, circulent des premières pages du livre vers les poèmes plus longs des deux dernières parties : « Images de la caverne » et « Sous les nuages de Magellan ». Signe de l'intense et mystérieuse combinatoire entre les éléments du réel, cette dernière section est la transcription d'un rêve quasi-nervalien que fit l'auteur « au cours d'une nuit d'octobre », et dans lequel il a justement rêvé avoir mis en vers un de ses propres livres paru chez Gallimard en 1995, L'autre hémisphère du temps. Mais à la différence des grands Voyants de la fin du dix-neuvième siècle, la poésie ne tombe pas dans la prose, c'est au contraire une certaine prose qui revient chanter là, apurée, dans le poème.
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