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Simon Ungar ne sait pas grand-chose de son père, parti refaire sa vie au Canada. Quand il se fait licencier et que sa petite amie le quitte, il se dit que c'est l'occasion d'en savoir plus sur ses origines : il part en République tchèque, dans la ville d'Olomouc, le berceau des Ungar. Son amateurisme en toutes choses va mener Simon jusqu'à Bratislava puis à Budapest, de train en train, enchaînant les hasards, les rencontres et les coïncidences. Mais le puzzle familial s'avère difficile à reconstruire, entre fausses pistes et pièges tendus...
Quand l'armée d'Hitler envahit la Tchécoslovaquie, Ilse Ku¨sser n'est encore qu'une enfant, et la guerre va faire exploser sa famille. Une soirée à l'Opéra, un accident de gymnastique... Il en faut peu pour décider d'un destin. Mais c'est dans un théâtre de Bratislava, pendant les rigueurs du communisme des années 1950, que la vie d'Ilse va basculer, le soir où elle rencontre le mystérieux Horn.
Mensonges enfouis, secrets découverts ? les histoires de Simon et Ilse vont peu à peu se rejoindre.
Que ce soit en invoquant la mémoire juive ashkénaze, les livres de Jules Verne, le clapotis du Danube la nuit ou les banlieues sinistres de Budapest où se terrent des écrivains nobélisables, Lola Gruber nous entraîne dans un formidable roman-enquête mené tambour battant où l'humour côtoie la tragédie, la mort et l'amour à chaque page.
« Dans l’ancien Berlin Est, Ilse reçoit une lettre »
Ainsi débute cette incroyable et foisonnante saga historique qui parle des racines familiales et des bouleversements de l’histoire en Europe Centrale après la seconde guerre mondiale.
La lettre réveille les souvenirs d’Ilse Küsser. Une mauvaise chute, lorsqu’elle était une jeune gymnaste tchécoslovaque, l’a laissée boiteuse. Grâce à son beau-père, homme influent, elle devient accessoiriste dans un théâtre de Bratislava. Elle doit s’éloigner d’Edith, sa sœur d’adoption et de cœur, qui s’exile à Budapest comme masseuse dans un hôtel de luxe qui reçoit la nomenclatura communiste.
De l’idylle d’Ilse avec Horn, personnage secret et couvert de cicatrices, tout restera secret comme il le lui a demandé. Qui a-t-il de vrai dans ses confidences ?
« Il n’y a pas d’histoire vraie, il n’y a que de vraies histoires, et elles ne durent qu’un temps, parce que même les histoires meurent… »
Après sa disparition, Ilse ne cessera de penser à lui. Qui est Horn, personnage énigmatique et conteur invétéré qui possède autant de noms qu’il a eu de vies ?
Chacun des chapitres s’écrit en alternance avec une autre histoire, plus contemporaine, celle de Simon Ungar. Après une rupture amoureuse et un licenciement, il part pour Olomouc en République Tchèque sur les traces de sa famille paternelle. La recherche est ardue car, des Ungar, il en sort de partout. Alors, quelle famille est la bonne ?
Se faisant passer tour à tour pour un journaliste, un représentant d’une fondation pour la Shoa ou encore l’envoyé d’un ministère, Simon tire les fils de son enquête qui se révèle de plus en plus complexe.
Avec plus d’un demi-siècle d’écart, les deux histoires finissent par entrer en collision et à surprendre le lecteur.
Dans cette imposante fresque historique (600 pages tout de même !) Lola Gruber a mêlé à la fois le vrai et la fiction. Elle a repris des évènements historiques, comme le pillage d’une usine de poignées de portes, et elle a emprunté leur vie à des personnages réels comme le chef de l’Orchestre rouge. Influencée par les histoires et légendes liées à sa propre famille d’origine hongroise, l’auteure a créé des personnages qui mentent, dissimulent et changent d’identité selon le contexte politique.
Ce qui est intéressant, c’est de découvrir que Simon, cinquante ans après les faits, ment tout naturellement sur les raisons de sa quête et s’invente des personnages.
Il y a aussi le travail d’accessoiriste d’Ilse. Elle doit créer des décors, trouver les bons accessoires pour donner à la scène une certaine véracité. Et c’est ce que font tous ces personnages, s’entourer d’artifices pour cacher leur vraie nature.
Il y a beaucoup de sujets abordés dans ce roman. Outre la quête des origines, il y a aussi cette opacité entre mensonges et vérité, le tout malaxé, apprêté dans le grand chaudron de l’histoire.
Les personnages, fort nombreux, ont une vraie présence et je me suis plus particulièrement attachée à Ilse, solitaire et si émouvante dans sa quête d’amour.
« Peut-être qu’il n’y a plus assez de place pour un homme dans le cœur d’Ilse. Que son cœur est devenu trop petit – un cœur qu’on a brisé, forcément, il en manque des morceaux. »
Si j’ai regretté certaines longueurs ralentissant l’intrigue, j’ai été impressionnée par la consistance historique de ce roman qui nous offre une vision singulière et passionnante des soubresauts du XXe siècle dans cette Europe de l’Est aux pouvoirs fluctuants et aux frontières malmenées où, pour survivre, il fallait apprendre à louvoyer entre traitrise et probité.
À Berlin, celui d'après la chute du mur, la vieille Ilse Küsser ouvre une enveloppe sur laquelle ont été inscrites toutes les adresses où elle a vécu. Autant de petits cailloux mémoriels qui façonnent une longue existence.
À l'intérieur de l'enveloppe se trouve une lettre dont on connaîtra la teneur à la toute fin du récit de Lola Gruber qui exploite cet artifice pour plonger son héroïne dans son passé.
Encore enfant lorsque Hitler envahit la Tchécoslovaquie. Elle perd successivement son père et ses frères, et sa mère sombre dans la folie. Passionnée de gymnastique, elle rêve d'en faire son métier. C'est lors d'une compétition qu'elle croise de regard d'Edit, une fillette aux pouvoirs miraculeux qui deviendra son amie. Une autre rencontre sera décisive : celle avec le mystérieux Horn, dont la figure hantera sa vie...
À ce cheminement mental s'oppose le voyage physique de Simon Ungarn. Largué par sa compagne, viré de son travail, il profite de la perte de ces attaches pour partir en quête de ses origines, une démarche étonnante de la part d'un jeune homme peu ambitieux, plutôt flemmard et obsédé par Jules Verne et le film « Casablanca » !
Ses racines, compte tenu de ses mauvaises relations avec son géniteur tout juste décédé, il ne les connaît pas.
Muni d'une bien maigre information – le lieu de naissance de son grand-père paternel -, il prend la direction d'Olomouc, cité de l'actuelle Tchéquie, puis de Bratislava « où les Ungar avaient jadis été des juifs miséreux, et bientôt réduits en fumée ».
Avec « Horn venait la nuit », ample et ambitieuse fresque historique, Lola Gruber nous embarque au cœur d'une Mitteleuropa marquée par une succession de drames qui ont façonné les peuples : déplacement de populations, haine entre les communautés, antisémitisme, nazisme, communisme, nationalisme exacerbé, censure...
La Hongrie est l'archétype du pays qui a subi tous les soubresauts du 20e siècle et du premier quart du 21e.
Séparée de l'Autriche à l'issue de la Première Guerre mondiale qui décide de rattacher des territoires en majorité magyarophones aux états voisins, elle subit le régime autoritaire d'Horthy avant de passer sous un pouvoir tout dévoué à l'Allemagne nazie. Dès la victoire des Alliés, les Soviétiques la domineront jusqu'au début des années 1990. Après une petite vingtaine d'années d'expérience démocratique, elle porta au pouvoir Viktor Orban avec les conséquences que l'on connaît.
« Horn venait la nuit » est un roman époustouflant de virtuosité et, paradoxalement, souvent drôle. Par la magie de la fiction et les portraits de Simon et, surtout, de la magnifique et solitaire Ilse, il fait surgir le tragique de l'histoire broyeuse d'hommes obligés de choisir entre le bien et le mal, la trahison et la loyauté, mais plus souvent situés dans une zone grise. Parce qu'il faut bien survivre.
Une lecture indispensable pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Parce que le passé est une dimension du présent.
EXTRAITS
Les Russes […] te violent et te refilent la vérole, et après ils te sortent la photo de leur mère ou de leur Svetlana chérie, avant de se mettre à chialer, c'est encore ça le plus dégueulasse.
Les Tchécoslovaques, ce bon peuple modéré, démocrate et doux, ils ont chassé les Allemands comme des brutes.
Si l'on pouvait seulement dire ça à la vie aussi : « Laisse-moi tranquille! »... Mais elle revient toujours, elle s'accroche.
Maintenant, on gagne sa vie en donnant des cours d'égoïsme.
Selon le principe totalitaire, tout ce qui n'est pas obligatoire est interdit, et tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-horn-venait-la-nuit-lola-gruber-christian-bourgois/
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