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« Dans l’ancien Berlin Est, Ilse reçoit une lettre »
Ainsi débute cette incroyable et foisonnante saga historique qui parle des racines familiales et des bouleversements de l’histoire en Europe Centrale après la seconde guerre mondiale.
La lettre réveille les souvenirs d’Ilse Küsser. Une mauvaise chute, lorsqu’elle était une jeune gymnaste tchécoslovaque, l’a laissée boiteuse. Grâce à son beau-père, homme influent, elle devient accessoiriste dans un théâtre de Bratislava. Elle doit s’éloigner d’Edith, sa sœur d’adoption et de cœur, qui s’exile à Budapest comme masseuse dans un hôtel de luxe qui reçoit la nomenclatura communiste.
De l’idylle d’Ilse avec Horn, personnage secret et couvert de cicatrices, tout restera secret comme il le lui a demandé. Qui a-t-il de vrai dans ses confidences ?
« Il n’y a pas d’histoire vraie, il n’y a que de vraies histoires, et elles ne durent qu’un temps, parce que même les histoires meurent… »
Après sa disparition, Ilse ne cessera de penser à lui. Qui est Horn, personnage énigmatique et conteur invétéré qui possède autant de noms qu’il a eu de vies ?
Chacun des chapitres s’écrit en alternance avec une autre histoire, plus contemporaine, celle de Simon Ungar. Après une rupture amoureuse et un licenciement, il part pour Olomouc en République Tchèque sur les traces de sa famille paternelle. La recherche est ardue car, des Ungar, il en sort de partout. Alors, quelle famille est la bonne ?
Se faisant passer tour à tour pour un journaliste, un représentant d’une fondation pour la Shoa ou encore l’envoyé d’un ministère, Simon tire les fils de son enquête qui se révèle de plus en plus complexe.
Avec plus d’un demi-siècle d’écart, les deux histoires finissent par entrer en collision et à surprendre le lecteur.
Dans cette imposante fresque historique (600 pages tout de même !) Lola Gruber a mêlé à la fois le vrai et la fiction. Elle a repris des évènements historiques, comme le pillage d’une usine de poignées de portes, et elle a emprunté leur vie à des personnages réels comme le chef de l’Orchestre rouge. Influencée par les histoires et légendes liées à sa propre famille d’origine hongroise, l’auteure a créé des personnages qui mentent, dissimulent et changent d’identité selon le contexte politique.
Ce qui est intéressant, c’est de découvrir que Simon, cinquante ans après les faits, ment tout naturellement sur les raisons de sa quête et s’invente des personnages.
Il y a aussi le travail d’accessoiriste d’Ilse. Elle doit créer des décors, trouver les bons accessoires pour donner à la scène une certaine véracité. Et c’est ce que font tous ces personnages, s’entourer d’artifices pour cacher leur vraie nature.
Il y a beaucoup de sujets abordés dans ce roman. Outre la quête des origines, il y a aussi cette opacité entre mensonges et vérité, le tout malaxé, apprêté dans le grand chaudron de l’histoire.
Les personnages, fort nombreux, ont une vraie présence et je me suis plus particulièrement attachée à Ilse, solitaire et si émouvante dans sa quête d’amour.
« Peut-être qu’il n’y a plus assez de place pour un homme dans le cœur d’Ilse. Que son cœur est devenu trop petit – un cœur qu’on a brisé, forcément, il en manque des morceaux. »
Si j’ai regretté certaines longueurs ralentissant l’intrigue, j’ai été impressionnée par la consistance historique de ce roman qui nous offre une vision singulière et passionnante des soubresauts du XXe siècle dans cette Europe de l’Est aux pouvoirs fluctuants et aux frontières malmenées où, pour survivre, il fallait apprendre à louvoyer entre traitrise et probité.
À Berlin, celui d'après la chute du mur, la vieille Ilse Küsser ouvre une enveloppe sur laquelle ont été inscrites toutes les adresses où elle a vécu. Autant de petits cailloux mémoriels qui façonnent une longue existence.
À l'intérieur de l'enveloppe se trouve une lettre dont on connaîtra la teneur à la toute fin du récit de Lola Gruber qui exploite cet artifice pour plonger son héroïne dans son passé.
Encore enfant lorsque Hitler envahit la Tchécoslovaquie. Elle perd successivement son père et ses frères, et sa mère sombre dans la folie. Passionnée de gymnastique, elle rêve d'en faire son métier. C'est lors d'une compétition qu'elle croise de regard d'Edit, une fillette aux pouvoirs miraculeux qui deviendra son amie. Une autre rencontre sera décisive : celle avec le mystérieux Horn, dont la figure hantera sa vie...
À ce cheminement mental s'oppose le voyage physique de Simon Ungarn. Largué par sa compagne, viré de son travail, il profite de la perte de ces attaches pour partir en quête de ses origines, une démarche étonnante de la part d'un jeune homme peu ambitieux, plutôt flemmard et obsédé par Jules Verne et le film « Casablanca » !
Ses racines, compte tenu de ses mauvaises relations avec son géniteur tout juste décédé, il ne les connaît pas.
Muni d'une bien maigre information – le lieu de naissance de son grand-père paternel -, il prend la direction d'Olomouc, cité de l'actuelle Tchéquie, puis de Bratislava « où les Ungar avaient jadis été des juifs miséreux, et bientôt réduits en fumée ».
Avec « Horn venait la nuit », ample et ambitieuse fresque historique, Lola Gruber nous embarque au cœur d'une Mitteleuropa marquée par une succession de drames qui ont façonné les peuples : déplacement de populations, haine entre les communautés, antisémitisme, nazisme, communisme, nationalisme exacerbé, censure...
La Hongrie est l'archétype du pays qui a subi tous les soubresauts du 20e siècle et du premier quart du 21e.
Séparée de l'Autriche à l'issue de la Première Guerre mondiale qui décide de rattacher des territoires en majorité magyarophones aux états voisins, elle subit le régime autoritaire d'Horthy avant de passer sous un pouvoir tout dévoué à l'Allemagne nazie. Dès la victoire des Alliés, les Soviétiques la domineront jusqu'au début des années 1990. Après une petite vingtaine d'années d'expérience démocratique, elle porta au pouvoir Viktor Orban avec les conséquences que l'on connaît.
« Horn venait la nuit » est un roman époustouflant de virtuosité et, paradoxalement, souvent drôle. Par la magie de la fiction et les portraits de Simon et, surtout, de la magnifique et solitaire Ilse, il fait surgir le tragique de l'histoire broyeuse d'hommes obligés de choisir entre le bien et le mal, la trahison et la loyauté, mais plus souvent situés dans une zone grise. Parce qu'il faut bien survivre.
Une lecture indispensable pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Parce que le passé est une dimension du présent.
EXTRAITS
Les Russes […] te violent et te refilent la vérole, et après ils te sortent la photo de leur mère ou de leur Svetlana chérie, avant de se mettre à chialer, c'est encore ça le plus dégueulasse.
Les Tchécoslovaques, ce bon peuple modéré, démocrate et doux, ils ont chassé les Allemands comme des brutes.
Si l'on pouvait seulement dire ça à la vie aussi : « Laisse-moi tranquille! »... Mais elle revient toujours, elle s'accroche.
Maintenant, on gagne sa vie en donnant des cours d'égoïsme.
Selon le principe totalitaire, tout ce qui n'est pas obligatoire est interdit, et tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-horn-venait-la-nuit-lola-gruber-christian-bourgois/
Avec Trois concerts, Lola Gruber met la musique à l’honneur. Ce livre est le fruit de plusieurs années de travail et surprend par son sens du détail et sa justesse analytique, notamment musicale. Ce roman relate l’entrée d’une enfant, Clarisse, au sein de l’univers de la musique classique. Elle en découvre la magnificiance, mais aussi les défis et les difficultés. Ce voyage musical saisissant nous plonge avec subtilité dans la psyché de trois personnages et mène une réflexion profonde sur les liens qui les unissent.
(Source : Étonnants Voyageurs )
Avant tout, je tiens à préciser que j'ai stoppé ma lecture au bout de 200 pages et que la note attribuée ne reflète donc pas la qualité de l'oeuvre dans son entièreté.
J'ai été rebuté par les personnages torturés qui s'interrogent à longueur de pages sur le sens de leur vie passée et leur devenir. Un étalage sans fin des états d'âme d'une artiste qui se cherche, d'un mentor mutique et je nesaisquoiencore....
Vous l'avez compris, une grosse déception que je regretterai probablement à la lecture de la critique principale.
Mais tellement d'autres bijoux m'attendent !
Une portée littéraire à la musicalité puissante pour un roman contemporain érudit et généreux, écrit par une écrivaine de grand talent.
Lola Gruber nous plonge dans le monde de la musique classique qu’elle nous fait entendre à écouter et à comprendre, en nattant la psyché de trois professionnels : Un maître et son élève violoncellistes et un critique d’art musical.
Parce que les gens dans ce milieu très fermé, ce pour la plupart dès l’enfance, ont une vie loin d’être un long fleuve tranquille, l’auteure, par la voix de la jeune Clarisse Villain, va nous en dévoiler certains de leurs cheminements semés d’embûches, de difficultés, de peines et de joies dans un monde pas toujours juste, parfois cruel aux réussites aléatoires malgré le talent et la passion de chacun et, tenu par l’argent car il faut bien en vivre, se plier à des contrats parfois presque honteux ou des voracités mercantiles, voire malhonnête.
L’écriture travaillée, forte et juste invite à la simplicité d’une lecture fine et fluide. A mon avis, elle prédomine l’histoire en elle-même. Bien que ce soit un peu déstabilisant au début, l’utilisation de la 2eme personne du singulier, rapproche intimement le lecteur de chacun des 3 personnages constituant cette fiction en attirant notre attention sur les accords. Les analyses des sentiments et ressentis ainsi que les notes sur notre mode de vie au quotidien sont très bien observées.
Sans lourdeur, Lola Gruber nous apprend beaucoup sur les grands compositeurs et leurs œuvres ainsi que sur les instruments de musique mais aussi sur la course aux concours, récitals privés, concerts d’église, accompagnement d’orchestre, etc.
Une très légère brume d’inquiétude voile le roman et en se tendant au fil des pages, va nous faire plonger dans une fin aussi subtile que violente et remarquablement inattendue mais superbe.
C’est un de ces rares romans pour lequel, toutes tâches quotidiennes non indispensables ont été remisées au lendemain. Je n’avais qu’une hâte : celle de reprendre la lecture de « 3 concerts », d’écouter parler cette jeune violoncelliste encore et encore et savoir ce qui allait se jouer derrière les pages qui se lisent de façon addictive.
Pas une fausse note, un rythme mesuré à cordes tendues, une symphonie des mots, un concert d’exception.
Ovation absolue à Lola Gruber, une écrivaine virtuose.
Je tenais aussi à saluer le choix de la couverture illustrée d’une image du célèbre photographe japonais Yoshinori Mizutani.
Dans l’attente d’un prochain opus… Bis bis bis !!!
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