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Hélène Millerand revient sur ses premières années, de sa naissance dans une famille aussi attachante qu'atypique, qui compte quand même un président de la République, Alexandre Millerand, à ses vingt ans.
Pour tout dire, c'était un peu compliqué. Il y avait la gare Saint-Lazare avec un " e " et le grand-père Lazard avec un " d ". Quand pour une raison ou une autre, ma mère devait décliner son nom de jeune fille, elle précisait Lazard avec un " d ". elle avait l'air d'y tenir à ce " d ". Au catéchisme, il y avait la résurrection de Lazare avec un " e ", celui de la gare d'où nous prenions le train qui nous ramenait de Paris à notre maison de Sèvres, enfin, dominant l'autel de l'église de Grosrouvre où j'allais à la messe pendant les vacances, il y avait un Christ en croix, auquel mon grand-père maternel, prénommé Christian de surcroît, aurait ressemblé étonnamment. Total, j'avais tendance à confondre le Christ de Grosrouvre, le Lazare de la SNCF et mon grand-père. À un détail près,
mon grand-père maternel, matricule 2685, convoi 57, départ de Drancy le 18, 07, 1943
, n'était pas revenu d'Auschwitz-Birkenau où il avait été assassiné par les nazis à l'âge de soixante-quatre ans, contrairement aux deux autres qui étaient ressuscités.
Hélène Millerand, après son dernier livre
Bistros, où elle traçait la carte des cafés parisiens qui ont jalonné sa vie de femme, revient avec une retenue élégante pour ne pas sombrer dans la mélancolie, sur ses premières années, de sa naissance dans une famille aussi attachante qu'atypique, qui compte quand même un président de la République, Alexandre Millerand, à ses vingt ans, qu'elle fête comme il se doit à Athènes, au bar de l'hôtel Hymette, sirotant un mojito préparé par un vieux grec d'Alexandrie qui lui fit cadeau d'un principe de vie qui ne l'a plus quittée : il faut cent ans pour apprendre à vivre et cent ans pour vivre après.
Ces vingt années fondatrices, elle les raconte avec émotion. La petite fille, qui écoute et observe plus qu'elle ne parle, nous prend par la main et déroule pour nous, les événements qui la marquent. Que comprend des transformations du monde qui va, une enfant recluse dans son monde, celui qu'elle s'est construit, avec détermination, où les engouements et les éblouissements n'ont d'égals que les déceptions et le sentiment violent d'une solitude. Les souvenirs s'entremêlent et pèsent tous leur poids de vie. Le parfum enivrant d'un mimosa compte autant que les premiers émois amoureux. La lecture avide des numéros de Paris-Match, les échos de la guerre d'Indochine et d'Algérie, la grâce d'Audrey Hepburn, la présence d'un frère mort trois ans avant sa naissance, l'amour inconditionnel pour un père et la présence magnétique d'une mère admirée, tout cela forme, à l'estompe, une enfance. Ni plus ni moins qu'une enfance. Celle d'où elle vient et qui l'a faite ce qu'elle est.
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