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Après avoir reçu un télégramme lui annonçant la lecture du testament de son oncle, Karlo Adum, professeur d'histoire à la retraite, se décide à entreprendre un voyage en voiture de Zagreb à Sarajevo. Avec ce court roman poignant, Jergovi? pose une pierre tombale sur la mémoire impossible d'un espace condamné à toujours renaître de ses propres décombres.
Rien ne prédit un voyage facile : l'âge du professeur, celui de sa vieille Volvo de 1975 et cette ville bosniaque qui lui est devenue étrangère après plus de cinquante ans d'éloignement. Ce trajet de moins de cinq cents kilomètres qu'il va entreprendre entre Zagreb et Sarajevo est, en réalité, un double itinéraire : c'est d'abord un voyage à travers un pays désormais morcelé en territoires tour à tour croates, serbes et bosniaques, mais c'est aussi une descente dans les recoins ombrageux de sa propre mémoire.
Comment s'explique la terrible querelle entre son père et son oncle ? Pourquoi la fuite précipitée pour Zagreb avec sa mère ? Qu'y a-t-il à Sarajevo qui pousse le professeur Adum à se munir d'un revolver, lui, paisible universitaire à la retraite ? Le passage des frontières, les villages à moitié abandonnés, les restaurants au bord de la route, un accident de voitures, un match de football local, les camions de l'OTAN, tout suscite chez Adum des réflexions et des souvenirs personnels. Comme si elle le reconnaissait, Sarajevo accueillera le professeur avec un sourire mystérieux, posé sur les lèvres sarcastiques d'Attila, le réceptionniste du petit hôtel " Mauritanie " où Adum est descendu.
C'est à ce moment-là que - à l'instar de sa vieille Volvo garée devant l'hôtel, cabossée, pillée, souillée au fil des jours - commence la chute du professeur Adum, à la faveur des secrets enfouis qui resurgissent : la folie de son père, le passé fasciste et volage de sa mère, le meurtre accidentel d'un camarade d'école, la fuite pour échapper aux sanctions. Quant au testament, Adum est le seul des trois cousins à assister à sa lecture, ce qui lui rapportera une somme de 200 000 euros, déposée depuis longtemps sur le compte d'une banque suisse, sous le code de Freelander, ce avant même l'existence de la mythique voiture du même nom. Mais le professeur Adum ne peut plus résister au poids de ses souvenirs : en pleine nuit, après un cauchemar qui lui révèle sa nature profonde, il finit par s'écrouler dans le couloir du petit hôtel, luttant pour retrouver son souffle, incapable d'appeler à l'aide Attila, son mauvais génie.
Dans ce roman court, poignant, impitoyable dans la détermination de tout dire sur tout et sur tous, Jergovi? pose une nouvelle fois une pierre tombale sur la mémoire impossible d'un espace condamné à toujours renaître de ses propres décombres. Personne ne connaît mieux ces gens-là, cette histoire-là. Freelander poursuit le travail de radiographie d'un pays/corps tout en plaies qu'accomplit Jergovi? avec lucidité et maîtrise mais non sans un certain humour.
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