Philippe Claudel cite en exergue le si réaliste Thomas Bernhardt : « L'Allemagne a une haleine de gouffre. » Terrible formule qui trouve sa réalisation dans ce roman décomposé où les personnages reviennent, comme dans une ronde que même la mort ne peut interrompre. Un soldat (un déserteur ? un rescapé ?) croit trouver refuge et trouve la fin. Un homme âgé ressasse un passé qui n'en finit pas, et l'on apprend qu'il est le père de Viktor. Qui est Viktor ? Un soldat ou un salaud, ou les deux ? Une fille mal dégrossie, cruelle, maltraite le pensionnaire d'un hospice, mais qui est le plus cruel d'entre eux, puisque l'homme si paisible chantonne à son heure des marches nazies ? Le peintre expressionniste allemand Franz Marc est-il mort à Verdun en 1916 ou au contraire au cours de l'Aktion qui élimina les handicapés physiques et mentaux ? Qu'est-ce que la petite (« die Kleine ») va faire du cadavre carbonisé couché en gisant dans l'usine où elle s'égare et joue ?
C’est en voisin lorrain de l’Allemagne que Philippe Claudel a composé ce surprenant opus de cinq textes qui peuvent s’imbriquer pour former un roman, selon l’envie ou la volonté du lecteur, si ce dernier admet que Viktor tient le rôle du personnage principal.
D’autres personnages apparaissent dans chaque courte histoire, reliée ou pas l’une à l’autre, le lecteur choisit.
D’autres points communs : le lieu, l’Allemagne, la temporalité : le 20ème siècle et le nazisme.
Sans retracer l’Histoire, Philippe Claudel met en scène des personnes qui à différents titre et à différents moments, ont été touchés ou impliqués dans la barbarie.
Il reprend la parole de Thomas Bernhardt « L’Allemagne a une haleine de gouffre ». Cette phrase serait-elle suffisante pour décrire l’atmosphère qui règne dans ce livre ? Un récit personnel comme un besoin de mémoire pour vivre en Lorraine ?
Une courte fantaisie dans l’écriture plutôt classique de Philippe Claudel, suffisamment structurée pour dégager poésie et émotion.
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