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F est un petit livre étrange et à part, concentré autour du concept de l’enfermement et du rapport biaisé entre l’identité et le pouvoir.
Linz est dans une prison, une cellule, mais on ne sait pas pourquoi et lui non plus d’ailleurs. Mais s’il est là, il existe nécessairement une raison, c’est à lui de la trouver. On entre directement dans l’absurde à la Kafka. Linz doit « collaborer de façon loyale et sincère ».
Et pour aider les détenus dans la recherche de leur faute, la torture suprême de ce centre de détention est la « lecture contrainte », où chaque personne lit un texte décrivant la faute commise, mais écrit par un autre.
Le pouvoir et l’administration dominent, et vite on ne sait plus qui est dans la réalité, qui est dans le rêve, qui est le détenu, qui est le directeur, qui a le pouvoir, qui a écrit et qui lit.
Bref, tous les repères sont faussés, ceux de la fiction et la façon même dont le lecteur lit, de la façon dont lui même s’enferme dans des codes liés aux règles convenues du roman.
Dès le début du livre, on est (agréablement) perdu dans cet univers irréel et futuriste, on ne sait pas trop – et on ne saurait d’ailleurs jamais grand chose avec certitude.
Une chose est sûre, c'est hors des codes classiques de narration. C'est original, ça déboussole, on ne comprend rien, et cela dure jusqu’à la dernière page.
C'est le but de l'auteur, qui se réclame des références comme Borges ou Lynch, pour bousculer nos certitudes et interroger le lecteur sur son propre enfermement à la lecture, et ce but est parfaitement atteint.
Pour les lecteurs qui ne veulent pas être bousculés et qui veulent rester dans un schéma classique de fiction, ce livre est donc à éviter, pour les autres, vous allez être déboussolés !
Après avis page 50, mon commentaire sur l'ensemble du livre.
Adeptes des sociétés de type répressif, carcéral et « kafkaïen », vous allez être comblés si vous arrivez à cerner l’objectif poursuivi par l’auteur et à établir l’identité et le rôle des personnages. Autant le dire, ce roman, la dernière page tournée, est pour moi une énigme et j’ai du sérieusement m’accrocher pour aller à son terme.
C’est en plein cauchemar que le lecteur va se trouver plonger dans cet univers, dont on n’arrive pas distinguer le vrai du faux, les menteurs, les personnages réels, les récits originaux. Description à charge d’un monde où la violence a totalement disparue, en dehors du monde carcéral et où l’on détecte dès l’enfance les individus potentiellement nuisibles ou dangereux. Seule la carrière dans le domaine carcéral, soumis à une continuelle pression qu’elle soit politique, sociétale et concurrentielle entre chacun de ses cadres, semble être, ici, la plus courue et enrichissante.
• On ne peut pas parler de véritable trame ou fil conducteur dans ce récit choral de détenu, de directeur, de surveillant et de politique. Trois interlocuteurs sont ici les narrateurs de ce récit et constituant chacun une partie de ce livre. Entre les témoignages de Linz, Boehm et un mystérieux F, c’est un jeu de pouvoirs, de violence mentale et physique qui s’installe dans cette prison qui est le cadre principal du roman, successivement prisonnier, directeur, gardien. Les objectifs et tests entrepris dans ce seul cadre sur les captifs se multiplient, se contredisent, les alliances se nouent pour mieux se dénouer, le Ministère de la Justice se joue de chacun en se montrant tel qu’un marionnettiste, utilisant les uns contre les autres pour mieux annihiler les tentatives de prise de pouvoir.
• Critique en bonne et due forme d’un système où les fonctionnaires de justice ne sont que des pions et le bras armé du pouvoir. Mieux diviser pour régner est la seule règle mise en place, on n’est pas très loin des dérives et institutions des anciens modèles politiques communistes et totalitaires. Kafka ou « Z » restent à l’esprit du lecteur. Le seul centre de formation de ces fonctionnaires carcéral dispense cette unique maxime.
• Les personnages repris sont multiples, on ne sait plus vraiment qui ils sont et avec la meilleure volonté possible, on ne peut que se perdre dans les arcanes du récit, le jeu des identités, les faux témoignages, un rythme échevelé de changement de main du pouvoir et les vrais / faux journaux de bord.
Louable mais vaine tentative de mettre en perspective l’horreur d’un tel système politique totalitaire. J’ai le regret de confirmer que je suis passé totalement à côté de ce livre.
Ma note 9 / 20