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L’ETRANGER
Albert Camus
Dans les années 1940, en Algérie. Un homme, Meursault (on ne connaîtra jamais son prénom), apprend le décès de sa mère au moyen d’un télégramme envoyé par le directeur de l’hospice où il l’avait placée.
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas ».
A la lumière de cet évènement et du style froid et minimaliste de cette première phrase du roman, on découvre le caractère de cet homme et son mode réactionnel face à la vie, et les personnes qu’il y rencontre. Totalement coupé de ses sentiments et de ses émotions, il semble téléguidé par son cerveau « reptilien », ne cherchant à assouvir que les besoins dictés par son corps : manger, boire, dormir, ne pas avoir d’avis, pas de sentiment, répondre aux injonctions de son nouveau « copain » Raymond pour une poignée de cigarettes et quelques verres de vin, « copain » qui va le manipuler jusqu’à lui faire commettre à sa place le meurtre d’un Arabe. Pas de chagrin face à la mort de sa mère (ce n’est pas sa faute à lui), pas d’amour pour Marie (qui elle est sincèrement éprise), mais du désir et la satisfaction de ses pulsions sexuelles ; pas de remord pour l’Arabe assassiné ; pas d’émotion lors du déroulement de son procès (il trouve bien trop longues toutes ces plaidoiries) ; aucun sens donné à sa vie, aucune croyance, aucun espoir. Il ne cherche pas à se disculper, et accepte sa condamnation pour ce qui est. Même s’il parvient, dans le fond de la prison à se mettre en colère contre un prêtre envahissant et intrusif, à comparer l’honnêteté de son vieil ami Céleste et celle discutable de son nouveau copain Raymond, à entrevoir le dévouement de Marie, il lui revient toujours en tête la même assertion : mourir aujourd’hui, mourir dans 20 ans, après tout, qu’est-ce-que cela change ?
Au cours de ce récit extrêmement dénudé (aucune grande description de l’environnement ou de la psychologie des personnages, mais une succession d’assertions courtes, visant l’essentiel de l’action), on ressent pourtant très intensément le malaise et l’ « étrangeté » de Meursault, étranger au pays, étranger à ses proches et étranger à lui-même. A tout moment son humanité pourrait s’exprimer, mais incessamment, ses possibles élans de compassion, de contradiction, de colère, de révolte et d’amour viennent se confronter à un irrépressible néant. A quoi bon ? ce qui est, est.
J’ai écouté ce texte, lu par Michael Lonsdale ; le ton employé par l’acteur contribue à nous plonger dans l’atmosphère lourde, lente et aveuglante qui entoure les événements et les personnages ; Lonsdale/Meursault (c’est le « je » qui est utilisé pour la narration) ne se différencient pas. Je suis très marquée par cette lecture et admirative de l’interprétation du comédien qui a donné vie à ce personnage complexe.
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