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Louisette et ses compagnes prennent leurs quartiers à l'hôtel Ariana tanière loqueteuse construite au bord de la Papeava qui déroule au travers de la ville ses eau croupies infestées par des squelettes de métal par des ossements de bois par des spectres de plastique dans des remugles faisandés plusieurs nuits par semaine elle se pare de ses vêtements les plus éloquents qui paradent le lyrisme de ses fesses épanouissent la verve de ses seins déploie le culot de ses lèvres pour allécher la lubricité des clients qu'elle attend avec les autres dans un bar suintant la fl étrissure des femmes qui se prostituent parce qu'il faut bien s'habiller manger et boire moquette éraillée fauteuils défoncés murs délavés lumières émoussées pour amortir le spectacle des désolations matérielle et humaine qui souillent les âmes Louisette se prostitue parce qu'il faut bien qu'elle assure sa survie et celle de son compagnon piètre voleur que la police attrape régulièrement et que les juge expédient aussi régulièrement à l'ombre de Nu'utania prison républicaine aux cellules insalubres surpeuplées infestées de nuisibles parce qu'il faut bien s'habiller manger et boire Dans ce nouveau recueil, Chantal T. Spitz nous livre sept courtes nouvelles ancrées en Polynésie. Sept textes qui sont autant de tableaux sombres et violents. Des textes forts qui coulent à la manière d'un slam, s'imprègnent et résonnent. Une prose sans ponctuation, empreinte d'oralité et de poésie dans laquelle l'autrice s'accapare cette langue jusqu'à la tordre.
Ce kaléidoscope de ressacs et de turbulences est magnifiquement dépeint. Dans une langue polynésienne, riche d’idiosyncrasie et d’habitus.
Ici gravitent le monde, l’oublié, le rebelle, le torturé, la belle prostituée...Tant de symboles et de résurgence !
Sublime de par ses traits de caractère et de ténacité.
Huit nouvelles, marée-haute. L’oralité qui dévoile d’une voix douce les souffrances d’un peuple. Des êtres éperdus dans les violences intestines.
C’est un pan sociétal, sociologique, politique et engagé qui couronne ce livre-sève et nécessaire.
« et la mer pour demeure » sans majuscule avec cette humilité des mots choisis dans l’extrême pouvoir des dires.
« il aimerait qu’elle le regarde le touche lui sourit comme ils étaient tous ensemble à la maison il se fait pierre pour ne pas rider son immobilité il se fait rien pour ne pas froisser son silence »
Écoutez le chant qui se fraie un passage dans une trame sans points ni virgules ni ponctuations. Comme de l’eau fraîche qui s’écoule entre vos mains en coquilles.
« Ils pleurent sur le rêve »
« dès les premières attaques beaucoup sont blessés évacués après négociations suit le cortège des désespérés qui tuent leur courage pour vivre leur lâcheté »
Cruciaux, dévoués aux résistances, ces morceaux d’architecture « les indécences inégalitaires s’estompent les services publics s’effacent les destins s’aèrent »
Puisqu’il est l’heure d’un épistolaire litanie, sel et écume, « arracher les images les cris le désordre d’un chaos convulsif espace fugace qui dévore leur présent extorque leur avenir »
Les sentiments, les errances, les ombres furtives, les déchirures, l’indépendance fronton qui vacille. Les êtres encerclés dans l’intrinsèque des turpitudes. Renaissance par l’amitié et ses ferveurs, Pape’ete est rémanence et forces vives. On ressent une autrice conférencière par ses mots. L’étendue polynésienne jusqu’au vaste des intelligences, des observations et des palpitations polynésiennes. Tahiti, carte postale spéculative. Ici, tout semble vrai, à cris et larmes. Peuple assigné dans ses batailles. « et la mer pour demeure » « garder en moi les flamboyantes mémoires qui continueront d’habiter les oublis de mes prochaines vies et la mer pour demeure de cette vie présente »
Magistral, d’utilité publique, de haute contemporanéité, cet écrin aux huit merveilles est une page de nos vies enlacées avec eux, nous et Chantal T. Spitz. Incontournable et la pleine lune en front de mer. Publié par les majeures Éditions Au vent des îles.
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